
Boules de cristal, marc de café, lignes de la main ou position des étoiles : les outils sont nombreux pour prévoir l’avenir. Mais leur précision est pour le moins aléatoire. Les loueurs longue durée recourent à d’autres solutions pour établir plus précisément la valeur d’un véhicule sur le marché du VO dans un délai de deux, trois ou quatre ans. Etablir des valeurs résiduelles précises constitue en effet l’un de leurs savoir-faire les plus stratégiques. Et pour cause puisqu’à partir de cette base, ils calculent les loyers de leurs clients pour tel ou tel modèle. Si, en fin de contrat, la valeur résiduelle calculée est inférieure à la valeur du véhicule sur le marché de l’occasion, le loueur verra fondre sa marge. A contrario, s’il a surestimé cette valeur, l’entreprise sera gagnante, le loyer étant alors inférieur à ce qu’il aurait dû être. La prévision est donc au coeur du métier de la location longue durée.
La valeur résiduelle et les fluctuations du marché VO occupent une place importante au sein du TCO : le loyer financier, premier poste de dépenses, en dépend directement. ALD Automotive revend 40 000 VO chaque année. Différents canaux existent pour écouler les stocks : ventes aux enchères aux marchands, export, reprises par les utilisateurs, réseaux de distribution auprès des particuliers, internet pour les marchands comme pour les particuliers. « Notre département dédié aux VO compte 50 personnes, explique Jean-François Chanal, directeur général d’ALD Automotive. Elles suivent au jour le jour les évolutions du marché. »
Une marge d’erreur limitée
Pour prévoir à deux, trois ou quatre ans, la valeur d’un modèle sur le marché de l’occasion, les loueurs ont en main plusieurs outils. Courbes de vie des véhicules, statistiques sur les décotes et le vieillissement passent à la moulinette des calculettes et sont confrontées aux résultats enregistrés en temps réel sur le marché du VO. « Nous nous trompons un peu, reconnaît Jean-François Chanal, mais nous sommes au plus près des tendances. La marge d’erreur reste faible. Elle l’est d’autant moins sur les modèles de grande diffusion dont nous connaissons avec précision l’évolution sur le marché. Sur le haut de gamme, les prévisions sont moins précises, d’autant que certains modèles sont tributaires de la mode comme les 4×4 dont le marché VO a plongé avec la hausse du prix du carburant. Cela étant, si nous perdons 5 % sur un modèle, nous gagnons 5 % sur un autre. »
Quelques entreprises comme EurotaxGlass’s calculent les valeurs résiduelles à échéance. C’est le cas de BF Forecasts. Dirigée en France par Yves Rousselle, ancien directeur général d’ING Car Lease, l’entreprise dispose des mêmes outils statistiques que les loueurs et observe à la loupe le marché VO au jour le jour.
De l’état des stocks
Ces informations sont confrontées aux évolutions macro-économiques sur les cinq années à venir. Variation du taux de chômage, des taux d’intérêt, du prix du carburant influent aussi sur le marché automobile. Ainsi, BF Forecasts a pu montrer que les SUV compacts et les cabriolets se dépréciaient moins que les SUV et les véhicules les plus puissants.
Les entreprises se sont très vite rendu compte de l’importance des valeurs résiduelles quand les loyers se sont renchéris pendant la crise. Le stock de VO a gonflé et les prix sont partis à la baisse. Pour compenser ces pertes, les entreprises ont vu leurs loyers partir à la hausse et la durée des contrats, prolongée. Cette dernière alternative a permis non seulement de contenir la progression des loyers, mais aussi de ne pas engorger davantage le marché du VO. Mais la crise étant passée, les contrats continuent de se conclure sur des durées allongées. « Les véhicules d’entreprise roulent moins, complète Jean- François Chanal. Alors qu’il y a quelques années, la moyenne s’établissait à 36 mois et 120 000 kilomètres, la norme est désormais de 41 mois et 100 000 kilomètres. »
Pour optimiser la valeur des VO, des spécialistes prennent en charge la remise en état et la revente pour le compte des professionnels. Manheim revendique la place de numéro un mondial sur ce marché du remarketing. En France, cette structure a revendu 11 000 véhicules en 2009 pour le compte de loueurs longue ou courte durée, de constructeurs, de distributeurs automobiles ou d’entreprises. Ventes aux enchères physiques ou par internet, sites web dédiés, Manheim utilise de nombreux canaux pour écouler les stocks qui lui sont confiés. « Après la crise du marché VO que nous avons rencontrée, les stocks sont aujourd’hui asséchés, note Eric Trelet, directeur commercial et marketing. Les prix vont monter et nous allons avoir un afflux ce mois-ci. Il va falloir trouver des solutions pour déstocker et Manheim représente une réponse pertinente. »
Il n’en reste pas moins que ce marché est tributaire des aléas économiques et politiques. La crise l’a montré. Il y a quelques années, la fermeture du marché algérien aux VO français l’avait aussi prouvé. La prévision reste un exercice difficile.