
Il y a un peu plus de deux ans, La Poste réussissait un joli poisson d’avril en annonçant travailler à la livraison par drones. « Les drones et l’impression 3D constituent pour l’essentiel de la communication. Pour les drones, il faudrait les multiplier et gérer les responsabilités des différentes parties concernées », commente Jean-François Mounic, directeur général du groupe Labatut, spécialiste de la logistique, de la distribution et des transports. Qui y voit cependant un intérêt dans un entrepôt logistique.
Une mobilité et une logistique urbaines à repenser

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Il y a un peu plus de deux ans, La Poste réussissait un joli poisson d’avril en annonçant travailler à la livraison par drones. « Les drones et l’impression 3D constituent pour l’essentiel de la communication. Pour les drones, il faudrait les multiplier et gérer les responsabilités des différentes parties concernées », commente Jean-François Mounic, directeur général du groupe Labatut, spécialiste de la logistique, de la distribution et des transports. Qui y voit cependant un intérêt dans un entrepôt logistique.
Une mobilité et une logistique urbaines à repenser

Pour livrer, rien de mieux donc que des véhicules. Mais avec des restrictions toujours plus sévères pour accéder au cœur des villes. « Les grandes agglomérations se ferment au diesel et demandent des alternatives en matière de flux, alors qu’en parallèle l’e-commerce se développe. Il faut gérer la mobilité en pensant un schéma global de logistique urbaine et de distribution en mode doux. À nous de réagir et d’apporter de nouveaux services aux clients », anticipe Patrick Grondin, directeur de l’exploitation et des ventes de VO de Véhiposte, le loueur de La Poste. Sur cette évolution inéluctable de la logistique urbaine, Jean-François Mounic rapporte le cas d’Aix-en-Provence. La ville a lancé il y a peu un appel d’offres auprès des opérateurs pour mettre à disposition un entrepôt afin de restreindre l’accès à son centre. Le groupe Labatut a remporté cet appel d’offres et établit ce fonctionnement.
Pour le dernier kilomètre, la solution est la suivante : ou bien les transporteurs livrent en véhicules propres ou bien ils recourent à l’offre de livraison urbaine Vert chez Vous du Groupe Labatut. « Nous sommes en phase de lancement et nous avançons en marchant. Pour l’instant, nous démarchons les commerçants comme le fait aussi la mairie. Nous devrions commencer les livraisons à l’été et nous raisonnons à l’horizon 2020 », complète Jean-François Mounic.
À Aix-en-Provence, le groupe Labatut s’appuie sur une flotte électrique de triporteurs (1 à 1,5 m3) et de véhicules de marque Helem (1 à 8 m3). « Il faut compter en moyenne par jour 40 à 45 stops par véhicule, soit 4 à 5 aller-retour à la base, voire même 5 dans une ville peu étendue comme Aix », précise le dirigeant.
Autre habituée des centres-villes, La Poste met aussi l’accent sur l’électrique, avec en prévision des changements que détaille Patrick Grondin : « Parmi les 65 000 véhicules que nous gérons, 8 500 deux-roues seront remplacés en partie par des trois-roues électriques pour distribuer le courrier du dernier kilomètre, en réponse au cahier des charges de la branche Courrier de l’opérateur public. »

La Poste se met aux trois-roues électriques
Pour ce faire, La Poste a passé un marché avec Ligier pour produire le Staby® ; elle en possède 100 modèles et en aura 1 000 fin 2015. « Les Staby remplacent des deux-roues accidentogènes et dotés de moteurs plutôt polluants. Ils ont été conçus de telle sorte que leur agilité équivaut à celle des deux-roues, particulièrement pour s’approcher des boîtes à lettres. Ils pourront aussi remplacer une partie des Quadeo, les quatre-roues électriques », prévoit Patrick Grondin. Des changements qui amènent aussi à réduire le nombre de points de réapprovisionnement des facteurs (dépôts-relais).
Pour ses livraisons, La Poste s’appuie également sur ses 5 000 Kangoo Z.E. conduits par les facteurs. Des véhicules dont elle tire un bilan positif et dont les utilisateurs sont satisfaits (absence de bruit, etc.). Avec des précautions à prendre : « Pour affecter une voiture électrique, il faut aussi tenir compte de la longueur des tournées, du nombre de points d’arrêt, de la topographie et du climat – des facteurs qui influent directement sur l’autonomie », énumère Patrick Grondin. Le responsable souligne en revanche la très grande fiabilité de ces modèles, avec un entretien plus léger que pour leurs homologues thermiques. Ainsi, les pièces d’usure ont une durée de vie plus longue, ce qui est une bonne surprise.
« D’ici peu, nous prévoyions une flotte d’environ 10 000 véhicules électriques. Ces changements nécessitent aussi de structurer un réseau pour les constructeurs et nos fournisseurs. Notre puissance d’achat peut les aider à mettre en place des processus », conclut Patrick Grondin.
La clé du transport : accéder au cœur des villes

Enfin, La Poste possède un peu plus de 20 000 vélos à assistance électrique qui ont remplacé les vélos standards et, compte tenu de leur autonomie, certains deux-roues thermiques.
Autre intervenant au cœur des villes, Deret s’appuie sur ses 21 bases situées en périphérie des grands centres urbains. Sa flotte comprend entre autres 55 véhicules électriques Smith et Modec et 27 porteurs hybrides Fuso. « Il y a six ans, nous avons fait le choix de l’électrique. Nous sommes convaincus que dans les centres-villes, le dernier kilomètre doit se faire sans bruit, sans particules et sans émissions de CO2 », souligne d’emblée Patrick Maillet, directeur de Deret Transporteur.
Pour accéder aux centres urbains, Deret a opté pour des transpalettes électriques.
Patrick Maillet s’en explique : « Pour des zones très difficiles d’accès, certains confrères emploient des triporteurs électriques. Pour les colis, ces tricycles sont concurrencés par les VUL électriques de type Nissan eNV200 ou Kangoo Z.E. Pour la distribution de palettes, nous avons préféré équiper nos camions de transpalettes électriques ; ils peuvent se déplacer à 4 km/h, sur une distance de 100 à 200 m. »
Patrick Maillet poursuit son raisonnement en soulignant que la multiplication des livraisons va aussi multiplier le nombre des triporteurs, notamment sous la poussée de l’e-commerce b to b. « Dans les centres-villes, les tricycles n’ont pas de véritable sens économique. De fait, il faut limiter l’accès à des véhicules aux énergies propres et faire appel à des poids lourds pour massifier le transport. Mais nous craignons que certaines collectivités ne soient devenues anti-poids lourds », constate le dirigeant.
L’électrique bien sûr, mais pas seulement
Qui reprend : « Pourtant, avec la norme Euro 6, les modèles ont fait un grand pas et des véhicules roulent au GNV ou à l’électrique. Alors que les petites camionnettes ne respectent pas toutes les normes anti-pollution ! Illustration : tout récemment, lors du dernier festival de Cannes, nous n’avons pas pu utiliser certains de nos véhicules électriques parce que les modèles de plus de 3,5 t ont été interdits. Ce qui nous a obligés à louer des diesels plus petits pour livrer… », déplore Patrick Maillet.
Sur cette incohérence, rappelons que les parcs thermiques évoluent eux aussi. « Près de 60 % de nos véhicules thermiques répondent au minimum à la norme Euro 5. Les derniers Euro 4 sont remplacés par des Euro 6, voire des véhicules zéro émission. Quant au parc de PL, il est conforme à la norme Euro 5, et les commandes que nous passons depuis un an sont toutes Euro 6 », précise Patrick Grondin pour Véhiposte.
Plus largement, la livraison urbaine suppose de diversifier les motorisations. « La combinaison des véhicules dépend de la typologie des flux », résume Jean-François Mounic. Pour le groupe Labatut, les triporteurs électriques correspondent à des arrêts fréquents, pour des poids moyens transportés très faibles, comme pour des livraisons en b to c. Avec des poids moyens pas trop élevés, soit 1 à 1,5 m3 et de 80 à 150 kg, en b to b notamment, l’électrique fonctionne encore. Pour des demi-palettes, il faut des véhicules de 20 m3, donc GNV, qui transportent 700 à 800 kg.
« Sans oublier qu’il faut sécuriser les flux lorsque nous transportons des produits de valeur ; pour cela, les véhicules électriques et GNV conviennent mieux que les triporteurs. Le GNV correspond aussi mieux pour un flux de palettes. Dans ce cadre, nous recourons moins à l’électrique pour des questions de volume mais aussi parce que nous avons connu des problèmes liés à l’autonomie, à la maintenance et la fiabilité, avec des immobilisations à la clé. Mais nous y revenons avec des véhicules Helem de 8 m3 », note Jean-François Mounic.
Le GNV pour les volumes les plus importants
Pour La Poste, Patrick Grondin tient un raisonnement assez semblable : « En électrique, les véhicules proposent des volumes de 4, 6 ou 8 m3, ce qui peut constituer une contrainte importante. D’où l’intérêt pour le GNV avec lequel nous ne sommes pas contraints sur le volume, avec des VUL de 10 à 20 m3 mais aussi des poids lourds. Nous procédons sur la demande de notre client La Poste qui veut se positionner comme le leader de la logistique urbaine en France, en privilégiant les modes de transport doux. D’où l’intérêt pour des motorisations neutres ou en partie neutres, et d’où l’intérêt pour le GNV quand l’offre électrique ne correspond pas aux besoins. »
Avec le GNV, la démarche de Véhiposte reste très prospective et sans objectif chiffré. Sans oublier le problème du ravitaillement qui reste un frein avec des pompes situées en périphérie des villes et donc des contraintes fortes d’exploitation. « De plus, les réservoirs diminuent la capacité d’emport. Et le prix d’achat des modèles est élevé, tout comme leur TCO, plus élevé que celui du diesel. Il faut donc trouver les usages appropriés. Enfin, il faut penser à la revente, avec le problème d’une VR faible car nous n’avons pas de perspectives sur l’évolution de ces motorisations », détaille Patrick Grondin.
Toujours précurseur, La Poste s’intéresse aussi de très près à l’hydrogène, avec une dizaine de véhicules électriques transformés et dotés d’un prolongateur d’énergie à hydrogène ; ils sont testés par la direction technique de la branche Courrier Colis. « Pour l’instant, ces modèles donnent satisfaction pour l’autonomie qui reste à 50 % disponible en fin de tournée, ce qui permet d’envisager un nouvel usage des voitures. Pour le TCO, cela reste très expérimental, d’autant que le coût est rédhibitoire. Avec l’hydrogène, nous nous situons bien dans de la veille technologique aux côtés de Renault Trucks, Symbio Fcell et Solvay », reprend Patrick Grondin.
De son côté, Deret est plus nuancé sur le GNV. « Il est intéressant pour des véhicules de 16 à 44 t qui livrent de gros volumes à partir de plates-formes distantes des centres-villes, ce qui n’est pas notre cas. Avec quelques limites : le réseau de distribution du GNV demeure très limité et le GNV reste une énergie fossile. Le GNV issu de la biomasse se présente comme une alternative intéressante mais il faut que les usines de retraitement se mettent en place », observe Patrick Maillet.
Hybride rechargeable, hydrogène, les pistes à suivre
Deret ne croit pas non plus au très gros véhicule électrique. « Il suppose un surcoût très élevé pour les batteries, avec une autonomie de 120 km environ », souligne Patrick Maillet. Qui voit en revanche, dans les dix ans, un véritable avenir pour les hybrides rechargeables, comme avec les véhicules particuliers. « Ces modèles offrent une autonomie de 60 à 70 km sur le moteur électrique pour accéder aux centres-villes, ce qui suffit pour partir et revenir à nos plates-formes logistiques distantes de 10 km. Un hybride rechargeable de 16 t existe et a été testé par une enseigne de la grande distribution, relate Patrick Maillet. À plus long terme, vers 2030, l’hydrogène et la PAC pourraient avoir aussi un bel avenir si un réseau se construit », conclut-il. L’avenir est ouvert.
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