Location courte durée : la numérisation bouscule les usages

Avec la numérisation croissante des services, on peut aujourd’hui réserver son véhicule bien sûr. Mais aussi et surtout se dispenser d’aller au comptoir du loueur pour les formalités administratives, réduites alors à leur plus simple expression, juste une rencontre avec un représentant de ce loueur dans le parking où stationne la voiture. Parfois, il est aussi possible d’ouvrir ce véhicule avec son smartphone. Et ce n’est qu’un début.

Cette tendance de fond de la numérisation renforce les possibilités de raccourcir au maximum les processus de location, et les loueurs ne s’en privent pas. Mais la numérisation des services fait apparaître aussi d’autres usages, à même de bousculer quelque peu ce marché mature qui ronronnait depuis plusieurs années. En témoigne l’apparition d’une catégorie d’acteurs qui, comme dans d’autres secteurs des services, fondent leur modèle économique entièrement sur les potentialités du numérique.

L’intermédiation pour la courte durée

C’est vrai de Carbookr qui propose aux entreprises « une solution business pour tous les déplacements ». Le métier de ce prestataire consiste en une forme d’intermédiation numérique entre les clients et les loueurs traditionnels, une place de marché en fait – à l’image de ce qui existe dans le secteur du voyage. Carbookr se connecte aux systèmes d’information de ses différents partenaires loueurs et cherche le meilleur véhicule au meilleur tarif : il affiche donc un choix beaucoup plus large qu’en recourant à un seul loueur, soit, selon ce prestataire, 90 000 véhicules sur 1 500 points de prise de véhicules.

« C’est du “one stop shopping“, affirme Nicolas Job, fondateur de la société. Nous sommes capables de trouver un modèle précis à un tarif précis. » Fini donc l’imprécision : le conducteur sait désormais quel véhicule il va conduire et il ne se contentera plus de la catégorie choisie lors de la réservation. Mais surtout, l’offre de Carbookr permet à tous les profils d’entreprise d’accéder plus facilement à la LCD. Une offre de services jusque-là très bien gérée par les grands loueurs spécialisés pour leurs clients grands comptes, mais peut-être moins accessible aux artisans et aux TPE qui ont besoin par exemple de livrer dans la commune voisine.

L’histoire de Carbookr a véritablement commencé il y a deux ans, quand cette société est parvenue à agréger les offres de cinq loueurs. « Il s’agit d’acteurs régionaux, des marques secondaires qui ont besoin d’un levier de croissance et n’ont pas de force de vente adéquate pour y parvenir, illustre Nicolas Job. Nous travaillons avec Olympic Location dont l’activité se situe dans le Sud-Est, surtout à Marseille et sa région, avec de fait des clients régionaux. Mais avec Carbookr, si une PME nantaise envoie un de ses collaborateurs à Marseille, celui-ci pourra utiliser un véhicule loué auprès d’Olympic Location », argumente ce responsable. Depuis, Carbookr a étoffé son panel de loueurs, Rent A Car entre autres et surtout Europcar qui vient de signer un partenariat. « Les grands loueurs comprennent que nous ne venons pas chasser sur leurs plates-bandes », souligne Nicolas Job. Ce qui n’a pas toujours été évident. La place de marché se rémunère sur le volume apporté au loueur, mais si elle ne lui ramène rien, ce dernier n’a rien à payer.

Agréger les offres des loueurs

Le numérique ne peut pas tout et il faut bien s’appuyer sur une logistique de loueur pour accueillir les clients sur les parkings. Carbookr a donc trouvé la parade en signant un accord pour commercialiser un service de voiturier : 600 voituriers dans toute la France, dans les gares et aéroports, attendent les clients sur le lieu de rendez-vous qui leur aura été notifié par SMS.

L’apparition de ce type d’acteurs dont le savoir-faire repose d’abord sur le numérique – il y en a d’autres et il y en aura encore d’autres –, bouleverse quelque peu la donne sur le marché de la LCD. Un marché où le ticket d’entrée demeure très élevé, dominé qu’il est par trois grands loueurs. Et ces derniers ne restent pas sans réagir aux évolutions des comportements des clients face à ces nouveaux acteurs et outils, brokers, comparateurs de prix, etc.

Des applis en pagaille

« C’est une concurrence qu’il ne faut pas nier », admet Laurent Sculier, P-DG d’Avis Budget Group France et Benelux. Ce loueur vient donc porter le fer sur les outils numériques afin de mieux fidéliser des clients devenus plus changeants. Il lance une application mobile pour renforcer la rapidité des processus destinés à tous ses clients, professionnels ou non, surtout ceux qui voyagent beaucoup, afin de leur éviter les comptoirs et de les laisser sélectionner le véhicule de leur choix.

Cette application se caractérise par une fonctionnalité capable d’identifier le véhicule que le client souhaite conduire. « Ce client fait d’abord et au préalable un choix de catégorie lors de la réservation, et une fois arrivé dans l’aéroport ou la gare, il est possible pour lui de choisir un modèle parmi les véhicules disponibles à ce moment », explique Laurent Sculier.

Cette application est proposée à tous les clients, mais ceux qui ont choisi de s’inscrire au programme gratuit Avis Preferred bénéficient de quelques avantages supplémentaires, comme s’affranchir de la signature électronique. Dans cette situation, un contrat-cadre est signé au préalable et le client donne un numéro de carte de crédit et son permis de conduire.

Et cette application se veut optimale quand les parkings sont sécurisés, auquel cas les clients n’auront qu’une seule formalité : un contrôle à la sortie. Pour les parkings non sécurisés, il faudra aller vers la cabine Avis et présenter son contrat de location pour récupérer les clés du véhicule sélectionné dans l’application.

Supprimer les formalités

« Nous négocions avec les aéroports qui gèrent directement leurs parkings. Pour les gares, qui font souvent appel à la sous-traitance, la situation est différente et fonctionne au cas par cas », précise Laurent Sculier pour Avis Budget Group. L’application fonctionne actuellement pour les principaux aéroports et gares de l’Hexagone.

Autre acteur important sur le marché de la courte durée, Sixt. Ce loueur aligne entre autres une application mobile qui vise aussi à dématérialiser au maximum les processus de la LCD, de la réservation à la facturation avec également la possibilité d’ouvrir le véhicule. Et pour ce loueur comme pour ses confrères et concurrents, le secteur n’en est qu’au début avec la dématérialisation. « D’un point de vue technique, on peut tout numériser », résume Jean-Philippe Doyen, président de Sixt France. Selon ce dernier, Sixt est quasiment devenu un spécialiste « high tech », un profil que revendiquent d’autres prestataires comme Carbookr. Mais Jean-Philippe Doyen n’en reste pas moins lucide : « Nombre de clients professionnels apprécient encore d’avoir un contact et un accompagnement, nuance-t-il, les deux aspects sont complémentaires. »

Peut-on tout numériser ?

On peut en effet tout numériser sauf le nettoyage… Mais en creux se dessine la nécessité de maintenir des liens humains car le tout-numérique a aussi son revers. Et pourtant, il faudra s’habituer à la numérisation croissante des usages car tous les loueurs réfléchissent déjà à l’arrivée des véhicules connectés qui vont encore accentuer cette évolution.

Avis estime ainsi que d’ici deux ou trois ans, son modèle de parking sécurisé avec ouverture des véhicules par smartphone sera généralisé, tandis que les véhicules connectés donneront des informations sur le kilométrage et la consommation de carburant, évitant des discussions au retour des voitures. Ce qui ne serait déjà pas si mal !