
La loi d’orientation des mobilités (LOM) ? « C’est le sujet numéro un des clients lorsqu’ils nous sollicitent », affirme David Decultot, directeur conseil d’ALD Business Intelligence, le service de conseil du loueur. À partir du 1er janvier 2022, la LOM impose en effet, aux flottes de plus de 100 véhicules, 10 % des renouvellements en véhicules à faibles émissions (VFE, soit moins de 60 g de CO2/km), c’est-à-dire en électrique et hybride rechargeable (PHEV). Quant aux hybrides classiques, « ils n’entrent pas dans les critères des VFE car ils dépassent les 60 g, contrairement à ce que pensent certains gestionnaires de flotte », ajoute ce...
La loi d’orientation des mobilités (LOM) ? « C’est le sujet numéro un des clients lorsqu’ils nous sollicitent », affirme David Decultot, directeur conseil d’ALD Business Intelligence, le service de conseil du loueur. À partir du 1er janvier 2022, la LOM impose en effet, aux flottes de plus de 100 véhicules, 10 % des renouvellements en véhicules à faibles émissions (VFE, soit moins de 60 g de CO2/km), c’est-à-dire en électrique et hybride rechargeable (PHEV). Quant aux hybrides classiques, « ils n’entrent pas dans les critères des VFE car ils dépassent les 60 g, contrairement à ce que pensent certains gestionnaires de flotte », ajoute ce responsable d’ALD.
Certes, aucune sanction n’est pour l’instant prévue. « L’entreprise devra faire une déclaration indiquant le nombre de véhicules renouvelés dans l’année et la part de véhicules à faibles et à très faibles émissions (électriques ou hydrogène). Le principe : afficher les bons et les mauvais élèves, les données étant publiques », complète David Decultot. « La LOM est une bonne chose, mais il y a une contrainte associée. Nous réfléchissons à un tableau de bord pour respecter notre obligation de suivi et de reporting afin de justifier que nous sommes en conformité avec la loi », indique pour sa part Anne Bertrand, directrice de la gestion des 16 700 véhicules chez Orange. « Et quand on fixe une obligation de déclaration, les sanctions suivent souvent », met en garde Fabien Dieu, directeur général et co-fondateur du fleeteur Ask.
La LOM et les ZFE-m
Autre aspect de la LOM qui a un impact notable sur les choix des motorisations : l’instauration et le développement de zones à faibles émissions mobilité, les ZFE-m. « Dès 2024, un collaborateur ne pourra plus rouler en diesel en région parisienne, à l’intérieur de l’A86. Et comme les contrats moyens fonctionnent sur 44 mois, il faut anticiper car un véhicule commandé aujourd’hui sera toujours en parc en 2024. Un mauvais choix est susceptible de bloquer ensuite l’activité d’une entreprise. La LOM favorise donc une prise de conscience et pousse à la transition énergétique », analyse Gérard de Chalonge, directeur commercial et marketing d’Athlon France.
« Les flottes sont toujours plus concernées par les ZFE-m, ce qui entraîne une vraie sensibilisation aux questions de transition énergétique dans le cadre de réflexions liées à la RSE, note de son côté François Gatineau, président de Mobileese, spécialiste des projets de mobilité électrique. Et nos clients se sentent beaucoup plus concernés par les risques liés à l’interdiction du diesel et des véhicules les plus polluants en agglomération que par l’obligation de respecter un taux de 10 % de VFE lors des renouvellements. Et surtout, ce taux de 10 % apparaît comme assez logique dans le contexte du développement des ZFE-m, pour pouvoir continuer à rouler et travailler », poursuit-il.
Une démarche vertueuse
« En fixant des objectifs de bonification des flottes, la LOM est intéressante car elle engage les parcs dans une démarche vertueuse », reprend Fabien Dieu. Et elle conforte les précurseurs dans leur stratégie de transition énergétique : « C’est un atout d’avoir un cadre réglementaire précis et daté qui nous accompagne dans nos objectifs d’évolution de la flotte, qui sont d’ailleurs supérieurs à ceux fixés par la LOM », pointe Anne Bertrand pour Orange (voir le témoignage).
Mais la LOM n’est pas le seul élément qui incite à la réflexion et à une bascule vers l’électrification. Cette loi intervient dans un contexte global qui comprend des incitations fiscales pour les véhicules propres et a contrario une fiscalité plus contraignante pour les modèles plus polluants. « Par exemple, les hybrides rechargeables (PHEV) sont exonérés de TVS pendant douze trimestres, sous conditions, ce qui correspond à la durée moyenne de location en LLD », rappelle Fabien Dieu. La fiscalité a bien sûr été la première incitation à passer à l’électrique ou au PHEV.
Autre élément dans ce contexte global : la réglementation européenne CAFE oblige les constructeurs à respecter une moyenne de 95 g de CO2 sur leurs ventes de véhicules neufs. Ce qui les a logiquement amenés à modifier leurs offres. « La Clio et la Twingo, deux best-sellers des flottes de véhicules de service, n’existent plus en diesel. La Clio se décline en essence et en hybride essence ou GPL, et la Twingo n’est commercialisée qu’en électrique ou en essence », illustre Fabien Dieu pour Ask.
Pour les grandes flottes, comme celle du groupe chimique et pharmaceutique Bayer, l’enjeu est donc de taille. « C’est une évolution importante pour notre parc de 1 000 véhicules, composé à 90 % de VP, dans la mesure où l’énergie prédominante reste encore le diesel. La première étape a consisté à introduire de l’essence pour les plus petits rouleurs : 88 % de la flotte roule toujours au diesel tandis que 10 % des véhicules sont passés à l’essence et 2 % à l’hybride non rechargeable. Dorénavant, nous allons intégrer des VFE conformément à la LOM », anticipe Isabelle Bonnet, gestionnaire du parc (voir le témoignage).
Un enjeu de taille
La première conséquence de la LOM pour les flottes est donc l’obligation de mixer les énergies. « Avant c’était le diesel pour tous. Les niveaux de car policy se définissaient en fonction du loyer ou du TCO et de la position hiérarchique du collaborateur. Dorénavant, il faut intégrer la notion d’usage pour faire le bon choix d’énergie, et ce, pour chaque typologie de conducteurs », explique Fabien Dieu.
Ce qui amène alors à analyser les usages car tous les conducteurs ne sont pas éligibles à l’électrification. « Il faut partir de l’état du parc, étudier les usages, si possible grâce à la télématique embarquée ou par le biais d’une enquête auprès des collaborateurs. On ne peut pas se baser sur le seul kilométrage. Entre deux collaborateurs qui parcourent 1 000 km par semaine, celui qui roule 200 km par jour sera éligible à un véhicule électrifié. Celui qui fait de petits trajets quotidiens et un gros déplacement par semaine ne pourra pas passer au 100 % électrique », expose David Decultot pour ALD.
Prendre en compte les usages…
Chez Bayer, une large enquête a été lancée en 2020 pour mieux connaître les usages. « Nous avons ensuite défini des critères pour chaque motorisation, note Isabelle Bonnet. Au-delà de 30 000 km, le conducteur restera en diesel. En dessous, nous analysons les types de trajets, les usages et les possibilités de recharge, à domicile, sur le domaine public ou sur les sites. D’autres éléments entrent aussi en ligne de compte : si le collaborateur a des besoins de tractage, si une remorque est nécessaire, cela le disqualifie pour l’électrique. Autre paramètre important : le développement des ZFE-m. Les collaborateurs qui circulent en région parisienne ne pourront plus rouler en diesel à l’horizon 2024 », détaille cette responsable.
Conclusion d’Isabelle Bonnet pour Bayer : « Environ 5 % des collaborateurs sont éligibles à l’électrique pur. Pour les autres, nous allons miser sur l’hybride rechargeable. Cela nous a conduits à modifier la car policy et le catalogue pour les voitures de fonction. » Pour chacune des catégories, le catalogue comprend ainsi trois motorisations, diesel, hybride rechargeable et électrique, avec cinq modèles par motorisation. Le choix se fera en fonction des lois de roulage et des possibilités de recharge. « Il s’agit de collaborateurs qui sont appelés à circuler pour des raisons professionnelles, à la différence des conducteurs de véhicules de statut, nettement moins nombreux, qui peuvent choisir leur modèle chez trois constructeurs, avec comme seul critère le TCO et uniquement en 100 % électrique ou en hybride rechargeable », ajoute Isabelle Bonnet.
… et les différents cas de figure
Car l’application de la LOM a aussi une dimension financière : « Il y a, avec la LOM, une vraie prise de conscience des enjeux environnementaux. Mais en sortie de crise sanitaire, les entreprises regardent aussi de près les coûts et les TCO. De nombreuses entreprises ont été impactées financièrement par la crise. C’est un équilibre subtil à trouver », souligne Gérard de Chalonge pour Athlon.
« Pour des flottes qui ne roulent pas beaucoup et qui ont des budgets confortables, réaliser 10 % des renouvellements en VFE ne pose pas véritablement de problèmes, estime David Decultot pour ALD. Certaines sont déjà à 100 % en électrique et hybride rechargeable. Pour d’autres, le chemin à parcourir est plus ou moins évident. Pour les techniciens qui roulent beaucoup, le choix de VFE se fait moins large. Et avec les VU, cela peut être le grand écart. Pour verdir, il faut passer directement du diesel à l’électrique car il n’y a pas d’hybride rechargeable. » « Avec les VU, cette situation pourrait peut-être accélérer l’introduction de l’hydrogène », envisage pour sa part Gérard de Chalonge pour Athlon.
« Pour une typologie de cadres, la transition est donc assez simple en prenant de l’électrique ou du PHEV pour les plus sédentaires, résume Fabien Dieu pour Ask. Les PHEV sont essentiellement de gros modèles plutôt haut de gamme, du fait de la double motorisation qui entraîne un surcoût au départ. Il y a une cohérence économique dans le fait de passer une voiture de fonction haut de gamme en PHEV, d’autant que les gros véhicules thermiques sont fortement taxés. Les conducteurs, souvent des cadres sédentaires, ont aussi la possibilité de recharger au bureau en journée. »
Véhicule de fonction ou de service ?
En revanche, souligne Fabien Dieu, avec de petits véhicules de service de type Clio, la transition se fait plus compliquée si les usages ne permettent pas de rouler en électrique. « Il est très complexe de positionner de l’hybride rechargeable pour cette catégorie de véhicules en raison du surcoût, et l’offre reste quasi inexistante. En outre, leurs conducteurs sont en général de gros rouleurs, à la différence de cadres sédentaires, et les PHEV surconsomment en mode thermique », poursuit ce fleeteur.
Pour David Decultot d’ALD, la montée en puissance du dispositif est à anticiper : « Pour une entreprise qui change ses véhicules tous les trois ans (avec des contrats de LLD sur 36 mois par exemple), on arrive en cumul à 20 % de la flotte qui sera constituée à fin 2025 de véhicules à faibles ou très faibles émissions, avec une obligation de prévoir au moins 10 % de ces véhicules dans les renouvellements à partir de 2022, puis 20 % à partir de 2024. Ce n’est pas neutre. »
Fabien Dieu se montre de son côté assez optimiste : « Certains clients dépassent déjà le taux de 10 % de renouvellements verts et cela va devenir de plus en plus simple car l’offre des constructeurs évolue rapidement. Nous allons disposer de vrais outils pour construire des car policies cohérentes avec des TCO corrects car les prix des modèles électriques et PHEV vont baisser et ils seront de mieux en mieux valorisés par les loueurs. En parallèle, les thermiques vont devenir moins compétitifs », argumente-t-il.
Les immatriculations flambent
Conséquence : les commandes de modèles électriques et hybrides rechargeables flambent. La part des hybrides simples dans les nouvelles immatriculations des loueurs est passée de 3,9 % fin février 2020, à 8,8 % en février 2021. Pour le PHEV et l’électrique, ce chiffre a grimpé de 6,75 % à 11 %. Chez ALD l’électrique a progressé en 2020 de plus de 45 % et l’hybride rechargeable de plus de 300 %. Chez Athlon, un quart des commandes porte actuellement sur des véhicules électriques et des PHEV. « Un pourcentage d’autant plus important avec les catégories de modèles haut de gamme », précise Gérard de Chalonge.
Pour respecter les obligations de renouvellements verts, lorsque les usages n’autorisent pas de passer à l’électrique en permanence, des solutions « offrent une certaine souplesse, comme la possibilité, pour ceux qui roulent en électrique, de bénéficier d’un véhicule thermique pendant les vacances ou les week-ends. L’entreprise peut également miser sur l’autopartage avec le déploiement de véhicules électriques pour les petits trajets urbains », indique David Decultot pour ALD. « Établir un pool partagé de véhicules électriques peut aider des entreprises à atteindre les 10 % requis par la LOM, tout en offrant une mobilité complémentaire à ceux qui ne sont pas éligibles », complète Fabien Dieu.
Autre solution qui prend tout son sens quand les conducteurs ne sont pas éligibles à l’électrique pour la totalité de leurs trajets : « Attribuer des véhicules électriques, ce qui suffit souvent pour 90 % des besoins de déplacement, et installer un pool de véhicules thermiques partagés pour les longs trajets », suggère David Decultot. En citant une entreprise avec une population de cadres et de commerciaux dont les trajets ne dépassent pas les 250 km par jour, sauf exceptions : « Ils envisagent de remplacer les 48 véhicules thermiques par des électriques, tout en ajoutant deux modèles thermiques partagés. »
Envisager d’autres solutions
Une piste à laquelle réfléchit Isabelle Contet, responsable des 1 200 véhicules du parc automobile pour le spécialiste de l’outillage professionnel Berner : « Parmi les solutions envisagées avec l’électrification, nous réfléchissons à proposer des modèles thermiques aux conducteurs de véhicules électriques, qui seraient ponctuellement restreints dans leurs déplacements par l’autonomie. Nous avons un pool de dix véhicules au siège mais cela ne concerne qu’un nombre limité de collaborateurs », reprend-elle (voir le témoignage).
La formation ou du moins un accompagnement pour mieux prendre en main les véhicules électriques et les PHEV représentent aussi un plus indispensable : « C’est un vrai plaisir de conduire une voiture électrique mais cela s’apprend. On ne conduit pas un véhicule thermique et un véhicule électrique ou PHEV de la même manière. Si l’on n’éduque pas le conducteur d’un PHEV, le risque, c’est qu’il roule quasiment tout le temps en thermique, ce qui entraîne d’importants surcoûts. Et si l’entreprise se rend compte que les coûts s’envolent, elle pourrait céder à la tentation de faire marche arrière », avance Gérard de Chalonge pour Athlon. Ce que valide à nouveau Isabelle Contet pour Berner : « Il va falloir préparer les collaborateurs au changement et communiquer, informer, sur l’importance de la recharge pour éviter la surconsommation en PHEV. » À méditer.
Dossier - La loi d’orientation des mobilités : contrainte ou opportunité ?
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