
« Le management est aujourd’hui compliqué. » Ce constat provient de Pascal Py, dirigeant du cabinet de conseil Forventor, spécialiste en management et développement commercial (voir aussi le témoignage). « De plus en plus délicat », confirme Pierre Lamblin, directeur des études de l’Apec, l’association pour l’emploi des cadres.
Car les managers doivent non seulement réunir des compétences techniques mais aussi des qualités comportementales : écoute, empathie, confiance, relationnel. « Résultat, comme l’indiquent nos travaux, les managers ont l’impression de se retrouver entre le marteau des subordonnés et l’enclume de la direction. Des...
« Le management est aujourd’hui compliqué. » Ce constat provient de Pascal Py, dirigeant du cabinet de conseil Forventor, spécialiste en management et développement commercial (voir aussi le témoignage). « De plus en plus délicat », confirme Pierre Lamblin, directeur des études de l’Apec, l’association pour l’emploi des cadres.
Car les managers doivent non seulement réunir des compétences techniques mais aussi des qualités comportementales : écoute, empathie, confiance, relationnel. « Résultat, comme l’indiquent nos travaux, les managers ont l’impression de se retrouver entre le marteau des subordonnés et l’enclume de la direction. Des injonctions paradoxales sont émises en permanence avec l’obligation d’expliquer à leurs équipes des décisions, sans toujours avoir les éléments pour le faire… », poursuit Pierre Lamblin.
Une bonne gestion de ses équipes n’en demeure pas moins indispensable : un mauvais management, ou souvent pas de management du tout, explique une large part des échecs pour un projet donné. Et avec la gestion de flotte s’ajoutent des problèmes inhérents au métier : le responsable de parc doit répondre à des demandes multiples, morcelées car provenant d’à peu près tous les services. Ce qui peut supposer de manager des salariés qui n’appartiennent pas à son département.
Un management morcelé

« Il est parfois difficile de manager ce type de collaborateurs sans lien hiérarchique. On s’appuie alors sur les ressources humaines pour passer les messages et les faire respecter. J’assois aussi mon autorité en m’appuyant sur ma direction. Celle-ci a compris que la flotte génère de nombreuses dérives mais qu’elle peut aussi offrir de nombreuses économies », commente Mohamed Amrane pour Château d’Eau. Responsable de la supply chain et du parc automobile de ce spécialiste de la livraison de fontaines à eau aux entreprises, Mohamed Amrane suit 230 véhicules dont 50 voitures de fonction.
Pour manager avec succès, le gestionnaire de flotte devra suivre une stratégie. Le premier conseil est alors de se positionner comme un… manager. Cela semble une lapalissade mais nombre de managers continuent à être avant tout d’excellents techniciens. C’est une erreur : un bon manager doit faire le deuil de sa technique. Chose difficile car cette expertise a en général servi au technicien pour accéder au poste d’encadrement.

« Pourtant, il est impératif, à ce niveau, de faire faire plutôt que de faire, pose Monique Pierson, conférencière et auteure de Manager, faites de votre équipe une dream team ! (Afnor Éditions, 2018). Il faut passer son temps à animer, absorber le stress de son équipe pour diffuser de l’énergie et lui donner envie de travailler dans une ambiance excellente. »
Un manager impliqué
Pour être un bon manager, le second conseil reste d’éprouver de l’intérêt pour son rôle : il faut aimer diriger, conseiller, épauler. Un manager venant tous les matins avec déplaisir devra s’interroger sur le bien-fondé de son métier de cadre de proximité.
Reste à démarrer son métier de manager. Un bon début, lorsque l’on est nommé responsable d’une flotte, est de mettre en place une série d’entretiens avec chacun de ses collaborateurs. C’est l’occasion de discuter sans enjeu de part et d’autre. On va alors s’enquérir des centres d’intérêt de ses subordonnés, de leurs attentes, de leur fonctionnement. Cela crée des relations de personne à personne, par ailleurs très précieuses pour la suite de sa carrière.
Il faudra aussi monter, régulièrement, des réunions d’équipe pour construire, lors de la première rencontre, puis pour maintenir une vision de ce que l’on doit faire sur une période donnée. La clé reste de définir un but commun pour savoir vers où tout le monde doit aller. On peut résumer le tout sous forme de slogan, par exemple « une flotte de qualité à moindre prix ».
L’important sera ensuite de se hâter lentement pour mener des actions qui ne révolutionnent pas tout, tout de suite. Il n’y a rien de pire que les managers pressés dont le but est de donner « un bon coup de pied dans la fourmilière ». Cela peut déstabiliser toute une équipe et pour longtemps. Il faut donc opter au début pour de petites actions, faciles à réaliser et qui portent très vite leurs fruits.
Une fois en poste, le gestionnaire de flotte doit en permanence répondre aux besoins des collaborateurs afin que tous s’impliquent. Les salariés doivent alors bénéficier d’une ambiance agréable, avec un travail qui a du sens. Cela contribue à développer les talents. Et cela évite de gonfler les budgets formations et de former du personnel sur des sujets qu’ils ne voudront pas traiter… Le bon management consiste donc à rendre le travail des subordonnés le plus intéressant possible.
Répondre aux besoins des collaborateurs
Illustration avec Yannick Drouin pour l’entreprise de conditionnement, transport et stockage FM Logistic Corporate. « Je propose aux collaborateurs un quotidien sans routine. Chez nous, il n’y a pas de journée type. En outre, notre volonté est de faciliter les choses pour nos salariés. Prenons les contraventions. Nous nous sommes dotés d’un outil performant pour informatiser cette tâche administrative : cela prend maintenant cinq secondes au lieu de quinze minutes précédemment. Notre politique est de supprimer tout ce qui est à forte valeur administrative », expose ce Mobility Purchasing et Fleet Manager à la tête de 800 véhicules dont 400 en France et 400 à l’international (voir aussi le témoignage).
Plus de sens et de liberté
D’autre part, au cours de sa carrière de manager, le gestionnaire de flotte va devoir recourir à des techniques de management « à la mode ». D’autant plus que les cadres actuellement en poste voient débarquer de nouvelles générations en quête de plus de sens, d’une balance plus équilibrée entre vie professionnelle et vie privée.

« Nées avec internet, les jeunes générations peuvent avoir plus de mal à comprendre qu’on leur interdise l’accès à leur compte Instagram pendant les horaires de travail », rappelle Caroline Cuny, professeure de marketing à Grenoble École de Management. Cette sur-sollicitation permanente liée aux réseaux sociaux induit d’autres effets comme exiger que tout aille vite. Une impatience susceptible de générer une incompréhension pour des managers qui ont connu des relations plus lentes entre subordonnés ou fournisseurs. « Avec les jeunes générations, il n’y a plus besoin de convoquer un subordonné pour dire que cela se passe mal ou bien, ajoute Caroline Cuny. Un SMS peut suffire. Mais cela peut déplaire à des populations plus âgées. »
Ces jeunes, mais les plus anciens aussi, peuvent être en recherche d’autres modes de management, avec des façons plus démocratiques de gérer le personnel, sans hiérarchie. Le modèle de l’entreprise dirigée par un seul homme serait donc en train de s’étioler. « Les leaders ne peuvent plus être des experts d’un monde toujours plus compliqué. Ils doivent se recentrer sur le management afin de faire émerger les talents », opine Emmanuel Stanislas, le dirigeant du cabinet de recrutement Clémentine.
Miser sur les projets

Aujourd’hui, il est aussi indispensable de savoir manager par projet et cette technique fait partie de la panoplie de tout bon gestionnaire de flotte. Qui doit alors définir des « priorités avec des changements à lancer les uns après les autres. Les réaliser simultanément reste une bonne recette pour échouer », précise Thibault Pairis, consultant en gestion de projets et auteur de Gérez vos projets – Les clés pour réussir étape par étape (Éditions ENI, 2018).
Chez FM Logistic Corporate, ce type d’organisation est suivi par « un gestionnaire de projet qui n’est pas toujours le même, explique Yannick Drouin. Prenons le boîtier d’éco-conduite. Ma collaboratrice mène l’étude de fiabilité et construit le projet. Je lui libère du temps pour cela, ce qui se traduit par des journées de télétravail dédiées. » Le nouveau management passe aussi par l’acquisition, pour le manager, de plus d’« agilité ». Une technique dénommée « management agile » par les spécialistes. Pour Luc Tardieu, ce management a pour but de « changer de posture pour trouver plus de confort. Il faut passer d’une volonté de tout coordonner à une posture d’accompagnement de l’équipe et des personnes. C’est d’autant plus important que les managers sont souvent au bout du rouleau tant ce qu’on leur demande tient d’un inventaire infini », expose ce directeur pour le conseil en stratégie Julhiet Sterwen, mais aussi auteur de l’ouvrage Devenez un manager agile : Réussir avec la transformation digitale (Éditions Eyrolles, 2019).
Libérer les énergies
Dans l’entreprise, ce mode de fonctionnement génère plus de valeur ajoutée. « À la seconde où l’on libère les énergies de l’équipe, on trouve plus de bonnes idées, plus d’initiatives, plus d’autonomie, plus de motivation. Les équipes sont souvent sous-employées. Or, une équipe dont chaque membre apporte un peu plus constitue une équipe beaucoup plus efficace », complète Luc Tardieu. À méditer.