
Alors que la chasse au diesel joue à plein depuis les récents scandales, le choix entre le gazole et l’essence au sein des car policies se positionne au cœur des interrogations des gestionnaires de parc. Ainsi, l’ensemble des consultants spécialistes des flottes soulignent les très nombreuses demandes d’information et questions de leurs clients.
« 100 % de nos clients sont dans une démarche de sortie du diesel, observe Théophane Courau, président du fleeter Fatec. Mais nous notons des différences de stratégie. Certains font juste les premiers pas afin de verdir leur image. Ils proposent alors quelques modèles hors diesel, souvent plus petits...
Alors que la chasse au diesel joue à plein depuis les récents scandales, le choix entre le gazole et l’essence au sein des car policies se positionne au cœur des interrogations des gestionnaires de parc. Ainsi, l’ensemble des consultants spécialistes des flottes soulignent les très nombreuses demandes d’information et questions de leurs clients.
« 100 % de nos clients sont dans une démarche de sortie du diesel, observe Théophane Courau, président du fleeter Fatec. Mais nous notons des différences de stratégie. Certains font juste les premiers pas afin de verdir leur image. Ils proposent alors quelques modèles hors diesel, souvent plus petits et moins bien équipés. Ce qui souvent n’entraîne pas une adhésion des conducteurs. D’autres vont mettre en place une véritable stratégie en fonction des usages, avec un objectif fort de diversification des motorisations et des énergies. »
« Nous avons commencé à passer des véhicules à l’essence chez nos clients mais au cas par cas, essentiellement sur des modèles de type compact ou citadin, confirme Maxime Sartorius, président de Direct Fleet, expert en gestion de flotte automobile. Mais c’est encore au compte-goutte. Sur le terrain, nous avons l’exemple d’un client qui a intégré dans sa car policy des 308 diesel et essence ; mais les conducteurs ont tous opté pour le diesel, probablement par habitude », ajoute-t-il.
Sortir du diesel : les premiers pas
« Petit à petit, les entreprises intègrent de l’essence dans leur parc. Mais tous les conducteurs ne sont pas éligibles », complète pour sa part Patrice Nahmias, président de TraXall France (ex ERCG), un fleeter qui gère pour compte 31 000 véhicules en France. « En raison d’une consommation plus importante, de l’ordre de 20 % en plus par rapport au diesel, l’essence est de fait surtout intéressante pour les petits rouleurs qui parcourent moins de 15 000 km par an. Ce qui correspond environ à 20 % des flottes d’entreprise. Les premiers à être éligibles sont les dirigeants et cadres qui disposent d’une voiture de fonction, majoritairement employée pour le trajet domicile-travail », poursuit Patrice Nahmias.
Clé du rééquilibrage qui se profile : la modification de la fiscalité sur le carburant. Depuis l’an dernier, la TVA est récupérable sur l’essence, par étapes jusqu’à 80 % en 2021 pour les VP, et jusqu’à 100 % en 2022 pour les VU. La déduction de la TVA sur l’essence sera alors identique à celle qui s’applique sur le diesel. Et depuis le 1er janvier 2018, la TVA est déjà déductible à 20 % aussi bien pour les VP que les VU (40 % en 2019). « L’intérêt de la bascule est donc progressif », souligne Maxime Sartorius.
Une logique qui reste avant tout fiscale
Principal frein fiscal en revanche pour l’essence : « Ces véhicules émettent en moyenne plus de CO2 et sont donc plus taxés en TVS pour les VP », indique Patrice Nahmias. Selon les chiffres de l’Ademe, la moyenne des émissions de CO2 des véhicules neufs vendus en France en 2017 se situait à 110 g/km pour le diesel et à 117 g pour l’essence.
En parallèle, la réglementation WLTP, qui va entraîner un affichage des émissions de CO2 plus proche de la réalité, va aussi automatiquement relever les chiffres de 10 à 35 %, selon les estimations. Ce qui devrait faire exploser la TVS, et surtout celle des modèles essence en l’absence de mesures correctives.
« Les décisions restent figées du fait de l’incertitude sur les chiffres d’émission de CO2 et donc sur la TVS, reconnaît Maxime Sartorius. Prenons un véhicule qui affiche aujourd’hui des émissions à 119 g, ce qui permet de rester sous la ligne rouge des 120 g pour éviter un malus. La TVS, sur les bases actuelles, atteint 535,5 euros. Dans l’hypothèse où les émissions de ce véhicule passent à 141 g avec le WLTP, la TVS grimpera alors à 1 833 euros, sans compter l’impact d’un malus. » Le match essence/diesel reste aussi directement lié à un choix environnemental : faut-il privilégier le diesel, plus vertueux sur le CO2, ou l’essence, donc plus émettrice de CO2 mais moins émettrice d’oxyde d’azote (NOX) et de particules fines.
Un paradoxe environnemental
« Tout est une question de curseur. Veut-on privilégier la santé publique et limiter les NOX et les particules fines, ou met-on en avant la lutte contre le réchauffement climatique et les émissions de CO2 ? », s’interroge Maxime Sartorius. Certaines villes ont déjà fait le choix de la santé publique, comme Paris ou Grenoble, en prévoyant une limitation de l’accès aux centres urbains pour les diesel.
Les gestionnaires de parc sont donc pris en tenaille entre une politique française et européenne qui a longtemps privilégié le diesel (au contraire des États-Unis) et des réglementations anti-diesel dans certaines villes. Et ces responsables sont aussi déconcertés par « des injonctions contradictoires : d’un côté, l’État réaligne les fiscalités au profit de l’essence, alors que de l’autre, la norme WLTP va jouer en sa défaveur », résume Théophane Courau.
« Il y a une nette discordance entre les pouvoirs publics nationaux et européens », note également François Piot, président de l’Observatoire du véhicule d’entreprise (OVE, Arval). Qui met cependant en garde contre un certain dogmatisme anti-diesel : « Pour les émissions de NOX et de particules fines, il faut certes proscrire les anciens diesel mais les nouvelles motorisations répondant à la norme Euro 6 se montrent beaucoup plus vertueuses. »
Pour mémoire, les émissions de CO2 des voitures neuves immatriculées en France sont reparties à la hausse l’an dernier, une première depuis 1995. En 2017, la moyenne était de 111 g par véhicule, contre 110 g en 2016, selon les données compilées par AAA Data. « En cause, l’augmentation du nombre des véhicules essence dans le mix et celle de la part des SUV », selon Patrice Nahmias pour TraXall France.
Un casse-tête pour les constructeurs
La réglementation européenne du 10 mars 2014 impose aussi aux constructeurs des émissions maximales de CO2 sur leurs véhicules : le pourcentage de la gamme des véhicules livrés ne dépassant pas 95 g de CO2 devra s’élever à 95 % d’ici à 2020 puis à 100 % en 2021. « Et la volonté du gouvernement d’aligner la fiscalité des deux carburants, qui entraîne un engouement pour l’essence plus émettrice de CO2, leur complique donc la tâche », pointe Patrice Nahmias.
Conséquence, les constructeurs misent dorénavant plutôt sur l’essence et ne comptent plus investir dans la recherche sur le diesel. Tous veulent aussi réduire leurs gammes diesel, voire les supprimer sur les petits modèles, bien qu’ils ne prévoient pas, à l’image de Toyota, de cesser de commercialiser des VP diesel d’ici fin 2018.
Pour l’OVE, François Piot en veut pour exemple la disparition de modèles comme la Twingo, la C1 ou la 108 en diesel, « ce qui accélère le mouvement ». « Pour les VP, cela va d’autant plus porter l’essence que ces modèles vont devenir plus compétitifs alors que l’offre en diesel va se raréfier, estime Théophane Courau pour Fatec. En revanche, avec les VU, il n’y a guère d’autre offres que le diesel », ajoute-t-il.
Le rôle clé de la valeur résiduelle
Le choix entre ces deux motorisations, pour la grande majorité des entreprises qui fonctionnent en LLD, sera aussi dicté par la valorisation effectuée par les loueurs. Vont-ils anticiper un fort repli du diesel sur le marché de la revente et en dégrader la valeur résiduelle, ce qui reviendra à renchérir le loyer de ces véhicules ? Les chiffres montrent en effet une érosion sur le marché global : à fin 2017, la part du diesel est tombée à 47,3 % des immatriculations de voitures particulières neuves en cumulé sur douze mois, passant sous la barre symbolique des 50 % pour la première fois depuis 2000.
« Les loueurs vont très probablement opter pour des VR plus attractives sur l’essence afin de se mettre en adéquation avec le marché grand public », anticipe Maxime Sartorius pour Direct Fleet. « Louer trop de diesel représente un risque pour les loueurs qui vont devoir écouler un stock de diesel dans trois ou quatre ans alors que le marché sera en recul », avalise Patrice Nahmias.
Pour l’OVE, François Piot, minimise ce risque : « Étant donné que le marché de l’occasion pèse 5,6 millions de véhicules par an et que la LLD revend 400 000 véhicules, soit 7 % de ce marché, il restera toujours assez d’acheteurs pour absorber les diesel cédés par les loueurs. » Pour François Piot, le point de bascule, en coût, se situe aux alentours des 120 000 km sur 48 mois, soit 30 000 km par an pour les petits modèles, en prenant en compte l’alignement progressif de la TVA, année après année.
Un arbitrage d’abord sur le TCO
« Prenons une Peugeot 208 sur 48 mois et 60 000 km, illustre François Piot. Le TCO annuel atteint, selon notre étude, 26 025 euros pour une motorisation essence et 27 388 euros pour une diesel, soit un écart important de plus de 1 300 euros sur la durée du contrat. Pour 100 000 km sur les quatre ans du contrat, l’écart reste toujours favorable l’essence, à 572 euros. Pour une berline de type C4, sur 60 000 km, le TCO est en faveur de l’essence (écart de 338 euros), le différentiel est quasiment neutre sur 80 000 km et légèrement défavorable à l’essence sur 100 000 km. » Autrement dit, pour un modèle comme la C4, à 20 000 km par an, l’essence gagne toujours le match. Certes, les conséquences de la future norme WLTP sur la TVS, encore inconnues, n’ont pas pu être intégrées dans ce calcul.
« Un nombre croissant de modèles essence sont performants sans que l’effort financier soit important », observe Théophane Courau. Qui cite, après avoir réalisé des études comparatives, le cas du 3008 essence : « L’écart avec le diesel est de l’ordre de 10 euros en plus par mois pour une loi de roulage de 2 000 km par mois, et de 35 euros en plus pour 3 000 km. De même, précise-t-il, sur les derniers Scénic essence, la consommation est à peine supérieure d’un litre au 100 km par rapport au diesel. Sur une durée de détention de trois à quatre ans pour 100 000 km, la motorisation essence est alors moins chère. »
L’explication : « Ces véhicules ont des coûts de maintenance inférieurs et sont moins chers à l’achat. Il y a un surcoût, du fait des filtres à particules pour les nouveaux moteurs diesel à la norme Euro 6 – qui ne se justifie pas pour les petits véhicules. En outre, de nombreux constructeurs, pour baisser les taux d’émission de NOX, font appel à la technologie AdBlue, ce qui implique une contrainte supplémentaire car les conducteurs doivent régulièrement remplir le réservoir avec cet additif », détaille Théophane Courau.
Finalement, face à ces dilemmes fiscaux et environnementaux, ne faut-il pas faire un choix alternatif ? Certains peuvent opter pour l’électrique, si leurs besoins sont compatibles avec l’autonomie de ces modèles, ou se replier sur des hybrides essence.
L’hybride et l’électrique, gagnants du match ?
« L’hybride essence rechargeable permet, tout en restant sur une base essence, d’atteindre des émissions de CO2 plus basses que celles des diesel, note Patrice Nahmias pour TraXall France. C’est un bon compromis face au dilemme CO2/NOX pour ceux qui hésitent à passer à l’essence. À condition de respecter les lois de roulage et de disposer des capacités de recharge. Mais tous les salariés n’ont pas cette possibilité à leur domicile. » « L’hybride est un bon compromis car il assure le confort de conduite de l’électrique en ville, avec une polyvalence qui évite le stress lié à la contrainte de l’électrique sur l’autonomie. Le principal frein, actuellement, reste l’absence d’offre des marques françaises », avance Théophane Courau. Entre essence et diesel, le match ne fait que commencer.
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