Quelles sont les mesures du projet de loi d’orientation des mobilités ?

En pleine contestation face à la hausse des prix des carburants, la ministre des transports Élisabeth Borne a donné lors d’une conférence de presse plus de détails sur le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), présenté lundi 26 novembre en Conseil des ministres. Des mesures qui touchent directement ou indirectement les flottes des entreprises et des collectivités.
4871
presentation projet loi mobilite
© Ministère de la transition écologique et solidaire

Ce projet de loi se veut « une réponse structurelle pour construire des solutions concrètes avec et dans les territoires », dans la continuité des Assises nationales de la mobilité qui se sont tenues en 2017. Un projet qui n’a été que très peu été aménagé en réponse à la contestation face à la hausse du prix des carburants.

« Je pense qu’on se tromperait en pensant que c’est un problème ponctuel qui s’exprime au travers de ce mouvement des gilets jaunes, a indiqué Élisabeth Borne. C’est l’expression de territoires qu’on a oublié depuis des années et c’est flagrant dans la politique des transports. » La ministre a reconnu que de nombreux territoires ont été « abandonnés au tout voiture », rejetant surtout la faute sur les investissements consacrés aux TGV. « Et nous sommes parfaitement conscients qu’il faut que cette transition que connaît le pays se fasse en accompagnant tous les Français », a-t-elle ajouté.

Les services de mobilité pour pallier l’absence de transports en commun

Selon elle, la LOM doit permettre cet accompagnement. Cette dernière a en effet ambition de relever quatre défis. « Le premier, c’est d’apporter partout des solutions pour sortir de la dépendance à la voiture individuelle, affirmé Élisabeth Borne. Pour cela, il faut d’abord mettre fin aux zones blanches de la mobilité, soit 80 % du territoire où il n’y a aucune autorité publique qui s’occupe de proposer des solutions alternatives. » La loi doit ainsi simplifier l’exercice de cette compétence au sein des collectivités, en la confiant notamment aux intercommunalités, voire si besoin aux régions.

Dès 2019, ces autorités organisatrices de la mobilité (AOM) devraient pouvoir déployer plus facilement des services comme l’autopartage ou le covoiturage. En effet, ces derniers pourront désormais bénéficier du « versement transport », contribution locale des employeurs jusqu’à présent réservée au financement des transports en commun, qui sera d’ailleurs rebaptisé « versement mobilités ». Ce dernier sera « conditionné à la mise en place de services réguliers et donnera la possibilité de moduler son taux au sein d’un même syndicat mixte », précise le ministère de la transition écologique et solidaire.

Les AOM pourront également subventionner le covoiturage en versant une allocation aux conducteurs comme aux passagers, comme testé en Île-de-France. Les collectivités auront quant à elles la possibilité de réserver des places de stationnement et des voies de circulation aux véhicules en covoiturage.

Encadrer les nouvelles mobilités

Ces nouveaux services de mobilité devront bien sûr être encadrés et les AOM seront libres d’imposer des cahiers des charges aux opérateurs, comme c’est déjà le cas à Paris pour les flottes en free-floating. À noter qu’un comité de partenaires, rassemblant représentants des employeurs et associations d’usagers ou d’habitants, devra être consulté avant toute évolution substantielle de l’offre de mobilité et de la politique tarifaire, ainsi que sur la qualité des services et de l’information.

En pratique, la loi doit donner des outils pour généraliser le déploiement de solutions déjà expérimentées dans les territoires. La ministre a ainsi mis en avant le système d’autopartage de Charleville-Mézières dans les Ardennes.

Ouverture des données et véhicules autonomes

Car le deuxième défi de la LOM consiste à accélérer le développement de ces nouvelles solutions de mobilité. « La loi ouvrira en temps réel les données des offres de mobilité pour que chacun puisse connaître toutes les solutions qui s’offrent à lui et mieux préparer son trajet », a déclaré Élisabeth Borne. Cette ouverture des données sera opérationnelle sur tout le territoire et en temps réel d’ici fin 2021 au plus tard, selon le ministère. Ainsi, à cette date, au moins un service d’information multimodale devra être proposé aux usagers par chaque région.

En outre, « le déploiement de services multimodaux de billettique de services de mobilité sera facilité », ajoute le ministère. « La loi favorisera aussi des expérimentations de solution nouvelles et autorisera dès 2020 la circulation de navettes autonomes », a également indiqué Élisabeth Borne.

Forfait mobilité durable et plan vélo

« Le troisième défi, c’est la transition écologique, a énoncé Élisabeth Borne. Le projet doit évidemment contribuer aux objectifs que la France s’est fixée dans le cadre de l’accord de Paris puis du Plan Climat, soit arrêter la vente de véhicules émettant des gaz à effet de serre en 2040 et atteindre la neutralité carbone en 2050. »

Parmi les outils apportés par la loi, « un forfait mobilité durable sera créé, permettant aux employeurs de verser jusqu’à 400 euros par an aux salariés qui ont recours au vélo ou au covoiturage pour leurs déplacements domicile-travail », a détaillé la ministre (voir aussi notre brève). L’État généralisera ce forfait à tous ses agents en 2020.

En parallèle, dans le cadre du Plan vélo, la LOM imposera l’installation de stationnements dans les bâtiments neufs et rénovés, mais aussi dans les gares avant le 1er janvier 2024. Le marquage des vélos sera généralisé lors de leur vente par un professionnel. Enfin, concernant les trottinettes, gyropodes et autres « engins de déplacement personnels », « le code de la route sera modifié pour créer une nouvelle catégorie dédiée à ces engins et inscrire le principe général de leur interdiction sur les trottoirs », a annoncé le ministère.

Le déploiement de zones à faibles émissions

Enfin, les communes ou intercommunalités dépassant régulièrement les normes de qualité de l’air devront déployer au moins une zone à faibles émissions (ZFE) avant fin 2020, et celles de plus de 100 000 habitants seront tenues d’en étudier la mise en place. 15 métropoles se sont déjà engagées. En outre, les « capacités de contrôle des émissions des véhicules à moteur seront renforcées ».

Toutefois, le péage urbain ne fait pas partie du projet de loi. « C’est un sujet sur lequel nous avions travaillé à la demande notamment les collectivités, a rappelé Élisabeth Borne. Il ne s’agissait pas d’inventer le péage urbain, dont je rappelle qu’il est dans la loi depuis 2009, mais de rendre le dispositif plus opérationnel et de mieux l’encadrer. Aujourd’hui, je constate que ce projet est perçu comme créant des nouvelles fractures sur le territoire et de ce fait il ne figure pas dans le projet de loi. »

Plus de véhicules électriques et un peu de bioGNV

Côté voitures, « la loi accéléra la transition de tous les parcs de véhicules vers des véhicules propres avec par exemple une multiplication par cinq des ventes de véhicules électriques d’ici la fin du quinquennat », a indiqué Élisabeth Borne.

En contrepartie, le coût de raccordement des infrastructures de recharge devrait être réduit grâce à l’augmentation du plafond de prise en charge de 40 à 75 %. Bonne nouvelle, car l’équipement sera rendu obligatoire pour tous les parkings de plus de 10 places, que ce soit dans des bâtiments neufs ou rénovés, ainsi que pour les parkings de plus de 20 places dans les bâtiments non résidentiels. Le droit à la prise sera également simplifié et étendu aux parkings extérieurs. Le développement d’installations de production de bioGNV sera aussi facilité, sans plus de détails.

Une loi à financer à compter de 2020

Programmation des investissements de transports
© Ministère de la transition écologique et solidaire

Dernier défi : programmer les investissements de transports. C’est presque chose faite, puisque les principales orientations ont été présentées le 11 septembre 2018. Le gouvernement prévoit d’investir 13,4 milliards d’euros sur la période 2018-2022, soit + 40 % par rapport à la période 2013-2017, puis 14,3 milliards d’euros sur la période 2023-2027.

« Cette programmation repose sur des crédits en hausse de 300 millions d’euros en 2019 par redéploiement au sein du budget de l’État et sur la mobilisation d’une ressource nouvelle à hauteur de 500 millions d’euros par an à compter de l’année 2020 », précise le ministère. Cette « ressource nouvelle » n’a toutefois pas encore été définie et fera l’objet d’une concertation dans les prochains mois. Questionnée sur la possible instauration d’une vignette poids lourds, la ministre n’en a pas exclu la possibilité, même si « il n’a jamais été question que ce projet soit intégré dans la loi », a-t-elle rappelé.

PARTAGER SUR