Autopartage, vélos, covoiturage, etc. Parmi les TPE-PME, la recherche de solutions alternatives aux véhicules de fonction s’accélère. Et indéniablement, la conjoncture motive cette recherche croissante d’alternatives, avec surtout la pression fiscale sur le véhicule d’entreprise et l’apparition de dispositifs comme le forfait mobilités durables.
Cheffe de projet RSE & mobilité durable au sein de l’Association Réseau Alliances, une association basée à Lille qui accompagne les entreprises dans la mise en place de leur politique RSE, Lucile Janssoone constate qu’avec ces différentes mesures, « les entreprises ont compris l’obligation de verdir leur parc. » Et elles se tournent vers des solutions comme les vélos pour leurs trajets professionnels. Lucile Janssoone cite une entreprise de soins à domicile qui a en équipé certains de ses salariés après avoir réorganisé ses tournées grâce à un logiciel spécifique.
La mobilité au pluriel
Car cette évolution des pratiques est encouragée par les solutions des prestataires du marché des flottes. En partenariat avec la start-up Azfalte spécialisée dans le vélo de fonction électrique, ALD Automotive mise ainsi sur un contrat de LLD qui combine vélo électrique et voiture pour des trajets ponctuels, à hauteur de trente jours par an. Sur le modèle de la solution de crédit mobilité, Arval a lancé en début d’année une application destinée à la prise en charge des besoins de mobilité de l’ensemble des salariés. Baptisée Arval Mobility App, celle-ci propose aux salariés d’accéder à plusieurs moyens de mobilité : transports en commun, autopartage, covoiturage, vélopartage, en fonction de leurs trajets. Total également se prépare à lancer d’ici la fin de l’année une carte axée sur la mobilité : pour la prise en charge d’un ensemble de moyens de déplacement des salariés.
D’autres outils peuvent être mobilisés pour motiver les salariés. Le cabinet de conseil A4mt par exemple prévoit d’organiser entre septembre et février prochains un challenge d’éco-mobilité, baptisé « C-CUBE, le challenge des conducteurs pour le climat ». Destiné à mettre en concurrence les entreprises par groupe d’une trentaine de conducteurs, ce challenge prendra en compte les performances d’éco-conduite mais aussi la politique de l’entreprise pour le choix de véhicules. » Avec ce challenge national, nous pourrons montrer que des petites entreprises font aussi bien que les grandes en matière d’éco-conduite ou de choix de véhicules, et même parfois mieux, pointe Romain Grandjean, Car Program Manager chez a4mt. Dans les TPE et PME, la prise de conscience est bien là, notamment en raison des objectifs fixés par la loi. Mais il faut mobiliser les salariés et les entreprises voient dans les challenges mobilité un moyen de le faire », argumente ce responsable.
Les challenges d’éco-conduite
C’est le cas chez Pocheco, une PME qui produit des enveloppes de gestion, où la participation régulière aux challenges, ceux lancés par l’Ademe, la région et la métropole de Lille, contribue effectivement à l’implication des salariés dans ces questions. « Le dernier challenge mobilité nous a permis de remettre quinze salariés au vélo » se félicitent Édouard Sellier et Kévin Franco, chargés de mission au sein d’Ouvert, le bureau d’études de Pocheco. Pocheco qui envisage de réécrire son plan de mobilité d’ici à l’été pour remobiliser autour de l’usage du deux-roues (voir le témoignage).
Si les outils pour verdir les flottes se multiplient, les pratiques des entreprises évoluent à des rythmes différents. « Nous essayons de pousser les approches d’autopartage, de ticket mobilité, de primes à la place du véhicule de fonction ou de forfait mobilité pour des personnes qui descendent de catégories de véhicules. Mais si l’envie des directions est bien là, elle l’est moins du côté des salariés », note Fabien Dieu, dirigeant du fleeteur Ask.
Des questions pratiques…
Parfois, la diffusion des solutions alternatives peut en effet être freinée par les salariés, attachés à la forme de rémunération ou au prestige liés à la voiture de fonction. Mais il est aussi difficile de se passer des véhicules thermiques. C’est vrai pour Kallista, spécialiste de l’implantation d’éoliennes, à la tête de quatorze véhicules dont neuf électriques et cinq thermiques. Si la volonté d’électrifier la flotte est bien là, elle est parfois difficilement compatible avec les distances parcourues qui rendent les thermiques indispensables.
« Nous menons une réflexion sur la limitation de nos trajets mais notre métier reste fondamentalement humain, rappelle Johann Tardy, le directeur général de Kallista. Nous menons quelques réunions en visioconférence mais dans le cadre de projets dans des territoires ruraux, il reste nécessaire de pouvoir circuler : toutes les communes rurales ne sont pas accessibles en transports en commun, ni équipées de réseaux internet assez puissants pour assurer des échanges en visio » (voir le reportage). Car si la crise sanitaire a favorisé le développement de solutions numériques pour organiser des réunions et éviter les déplacements, elle a aussi paradoxalement contribué à renforcer l’usage de la voiture.
… et des limites
« Pour diminuer l’usage des véhicules, nous optimisons les tournées des commerciaux ou nous développons les trajets en train avec une location de voiture pour les conducteurs de travaux quand cela est possible, explique Olivier Forge pour Richel Group, spécialiste de la construction métallique pour le secteur agricole. Mais pendant la crise sanitaire, les restrictions de trains nous poussent à faire appel à la voiture », complète ce directeur des achats à la tête de 70 véhicules (voir le reportage).
Autant d’écueils qui ne doivent pas minimiser les efforts des TPE-PME pour restreindre l’impact environnemental des flottes, mais aussi changer les pratiques et casser les habitudes. « La mobilité constitue un moyen de réduire les émissions mais aussi de mobiliser les salariés autour des questions environnementales. Des actions comme la rénovation des bâtiments ou les changements d’approvisionnements ne sont pas aussi fédératrices », estiment Édouard Sellier et Kévin Franco pour Pocheco.