
Ousmane Mbodje est responsable du pôle mobilité pour Lidl France, le spécialiste de la grande distribution. Il est un parfait exemple de la trajectoire professionnelle que peut suivre un fleet manager avisé. Titulaire d’un BTS action commerciale et d’un diplôme européen d’études supérieures en marketing international de niveau bac + 4, Ousmane Mbodje a d’abord intégré Disneyland Paris : « J’ai commencé comme gérant des costumes opérationnels avant de prendre en charge les services généraux, puis la gestion du parc automobile. J’en ai profité pour rejoindre des associations de gestionnaires de flotte afin de développer mon réseau. »
Ousmane Mbodje est responsable du pôle mobilité pour Lidl France, le spécialiste de la grande distribution. Il est un parfait exemple de la trajectoire professionnelle que peut suivre un fleet manager avisé. Titulaire d’un BTS action commerciale et d’un diplôme européen d’études supérieures en marketing international de niveau bac + 4, Ousmane Mbodje a d’abord intégré Disneyland Paris : « J’ai commencé comme gérant des costumes opérationnels avant de prendre en charge les services généraux, puis la gestion du parc automobile. J’en ai profité pour rejoindre des associations de gestionnaires de flotte afin de développer mon réseau. »
Ousmane Mbodje a aussi croisé la route de travel managers en charge de toute la partie voyages de leur entreprise. « Je me suis alors dit qu’il était possible de créer une synergie entre la gestion de la flotte et celle des voyages. Ce n’était pas encore d’actualité à ce moment-là. Quand un poste de mobility manager m’a été proposé par Lidl en 2014, j’étais préparé », relate Ousmane Mbodje. Il gère maintenant la flotte et les voyages de Lidl France, avec sept salariés sous sa responsabilité directe.
Une stratégie validée par Robert Maubé, directeur du cabinet RRMC, spécialiste de la gestion des flottes d’entreprise, et consultant pour Flottes Automobiles : « Le gestionnaire de flotte est bien placé pour réussir en tant que mobility manager : le mouvement de professionnalisation en cours dans son métier le conduit vers cette fonction. Ce gestionnaire est passé de l’administration des commandes de véhicules à la recherche d’économies. Aujourd’hui, il en profite pour “verdir“ cette gestion et devient tout naturellement mobility manager », explique-t-il.
Du TCO au TCM
« Nous nous apercevons que les gestionnaires de flotte de nos clients se transforment de plus en plus en gestionnaires de mobilité, confirme Patricia Caulfuty, directrice de la performance commerciale du loueur Arval. Ils vont passer du TCO (Total Cost of Ownership) au TCM (Total Cost of Mobility), plus approprié au calcul de l’optimisation de la mobilité et des dépenses énergétiques. »
Dans ce cadre, repérer les véhicules les moins polluants au sein d’une flotte se veut la première étape vers le mobility management. Aller vers le covoiturage, l’autopartage et les transports en commun en constituent la seconde, avant de prendre en main la gestion de la non-mobilité avec le développement de la visio-conférence ou du télétravail.
Priorité aux profils généralistes
Les mobility managers sont donc en devenir. Et le meilleur moyen d’arriver à ce poste est de grimper les différents paliers de la gestion de flotte. Cette évolution en douceur aide à se constituer un réseau. Une méthode à privilégier alors que les formations au management de la mobilité restent rares. « Les métiers du mobility management ne sont pas balisés. On découvre, on tâtonne et il est difficile de créer un programme sur ce sujet pour lequel personne n’a de retour d’expérience », pointe Robert Maubé.
Faute de candidats, les employeurs privilégient donc l’expérience professionnelle. « Nous n’avons pas repéré de cursus de mobility management. Nous privilégions donc des candidatures en provenance de cursus généralistes, et qui peuvent se former rapidement à nos méthodes et à nos métiers », valide Jean-Christophe Giannesini, directeur associé d’Ekodev. À la tête de douze consultants, cette société de conseil parisienne est spécialisée dans les questions énergétiques, de mobilité durable et de bio-diversité. Avec cette précision : « Le mobility manager doit bien connaître les enjeux de développement durable : la mobilité reste avant tout un enjeu environnemental. »
Pour celles et ceux qui voudraient aller plus vite, il existe cependant quelques cursus universitaires dispensant des notions de mobility management, à l’image des DUT et licence « Transport et logistique », voire le master 1 « Gestion de l’environnement, parcours responsabilité sociétale des entreprises et environnement » de l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.
Un nombre restreint de formations
« Nos licences professionnelles sans spécialisation, comme celle de gestion des systèmes logistiques, sont à préférer pour devenir mobility manager. De fait, elles abordent les questions managériales plus en profondeur que lors du DUT », expose Vanessa Casadella, chef de département Gestion logistique et transport de l’IUT de l’Oise et présidente de l’association GLT France. Ces cursus diplôment quelque 1 400 étudiants par an. « Ils permettent ensuite – mais cela ne se fera pas directement – de postuler à des postes d’assistant logistique, puis viser des postes de mobility manager », poursuit-elle.
Se former sur le tas peut aussi offrir l’occasion de suivre les rares cursus courts présents sur le marché. En France, on peut citer celui du réseau Alliances pour la région Hauts-de-France, intitulé « Management de la mobilité et plan de déplacement de l’entreprise ». « Il y a quatre ans, nous avons lancé ce cursus pour former des mobility managers. Cette formation inter-entreprise dure trois jours. Nos groupes se composent de six à douze personnes issues du tertiaire, de l’industrie, des administrations ou du monde associatif. L’idée est de former des salariés – en général des mobility managers – en leur offrant de suivre des cours, de tester les compétences acquises dans leur entreprise, puis de revenir en formation », expose Lucile Janssoone, chargée de projets en accompagnement à la responsabilité sociale des entreprises du réseau Alliances pour la région Hauts-de-France.
Lucile Janssoone poursuit : « Ce cursus fait partie d’un ensemble plus vaste, un programme d’accompagnement appelé Déclic Mobilités. Ce dernier offre à nos membres deux conférences gratuites par an sur le mobility management. Nous avons aussi construit une sorte de communauté de managers de mobilité afin qu’ils puissent échanger entre eux, lors d’une demi-journée, sur leurs problèmes et les bonnes pratiques. Cet accompagnement collectif est gratuit mais réservé à nos membres à jour de leur cotisation. Le réseau organise enfin des groupes de travail pour créer des outils comme un guide d’évaluation d’un plan de déplacement ou des réflexions sur le télétravail. »
Il existe aussi des formations spécifiques en Belgique. « La nôtre est gratuite et dure cinq jours plus un jour sur le terrain », décrit Charlotte Dallemagne. Mobility manager pour le service public de Wallonie et chargée de la politique mobilité à destination des entreprises wallonnes, cette dernière coordonne la formation « Mobility Manager ».
À notre connaissance, ce cursus apparaît comme l’un des plus complets dans le monde francophone. On y aborde le lien entre la mobilité et l’entreprise, les caractéristiques d’un bon mobility manager ou sa position en entreprise. Il s’agit ensuite d’apprendre la bonne méthode pour rédiger un diagnostic de mobilité. Tous les modes de transport sont alors passés en revue : voiture, vélo, transport en commun, location de voitures, etc.
Fiscalité et management
« Nous évoquons enfin la fiscalité et le management des équipes pour communiquer avec les salariés et la direction, reprend Charlotte Dallemagne. Le tout est agrémenté d’exercices pratiques et d’une journée à l’extérieur pour visiter des entreprises performantes en termes de mobilité. »
Cette formation a lieu à Namur en Belgique, mais Charlotte Dallemagne n’est pas fermée à des candidatures provenant d’autres pays. « Après notre cursus, nous proposons aux anciens stagiaires d’intégrer un réseau pour bénéficier de rencontres régulières et d’échanges de bonnes pratiques », complète cette responsable.
Si un poste de gestionnaire de flotte constitue un bon tremplin pour devenir mobility manager, ce n’est pas la seule façon d’y arriver. Une expérience dans les services généraux ou les achats peut aussi faire l’affaire. Mais les responsables de parc possèdent de bonnes connaissances en gestion qui vont intéresser un employeur. Un « vernis » sur le thème développement durable sera aussi très apprécié. Ce qui peut prendre la forme d’un intérêt pour le sujet par le biais d’une lecture assidue jusqu’à l’obtention d’un cursus spécialisé.
De l’empathie et de la diplomatie
Le responsable de parc devra aussi valoriser une série de compétences auprès de son employeur potentiel. Certaines sont considérées comme comportementales (soft skills) : un bon mobility manager se doit d’être rigoureux et dynamique, avec un sens relationnel aigu car il est amené à discuter avec tout le monde. Il doit aussi faire preuve d’une grande patience et d’une grande disponibilité pour aider les collaborateurs. Ces derniers attendent un service d’accompagnement à la hauteur de la qualité des outils et autres processus destinés à faciliter leurs trajets.
Pour ce mobility manager, il est aussi nécessaire de faire preuve d’une grande empathie, de ne pas juger ou critiquer les choix de chacun en matière de mobilité. Surtout avec les salariés qui ne veulent se déplacer qu’en voiture… Il faut donc comprendre ces positions et s’y adapter. Ce qui suppose de se montrer diplomate et de s’appuyer sur un réseau dense, tant parmi les salariés que les dirigeants. Des compétences plus techniques (hard skills) sont aussi exigées comme une excellente maîtrise des outils bureautiques, notamment celle des tableurs et autres logiciels. « Pour le métier de mobility manager, la connaissance de la gestion est également essentielle. Les charges engendrées par les déplacements (véhicules ou voyages) sont importantes pour les entreprises. Pour les optimiser, les financiers sont bien placés pour être efficaces dans ces fonctions opérationnelles », estime Hélène Billon, directrice Facility and Mobility Management chez Orange.
Une dimension financière
Titulaire d’un diplôme d’études supérieures comptables et financières (DESCF) de l’université Paris 9, Hélène Billon a travaillé dans le contrôle de gestion pendant treize ans avant d’intégrer son poste actuel. « Pour optimiser les coûts et les trajets, j’ai, en tant que directrice du contrôle de gestion, réalisé une étude. On m’a proposé ensuite de créer la direction Facility and Mobility d’Orange. Et je suis devenue directrice Facility and Mobility Management en juin 2011 », relate-t-elle.
Le mobility management se veut donc une bonne opportunité pour les responsables de parc. Mais il faut savoir raison garder : « Le mobility management prendra du temps à se développer, prévient Pascal Dupont, gérant de la société MO Plus, spécialiste de l’audit et du conseil pour les flottes. Toucher à la mobilité signifie modifier le parc. Les commerciaux que je côtoie ne sont pas prêts à abandonner leur véhicule de fonction. »
Ces postes de gestionnaire de mobilité sont donc émergents et restent assez rares. Ils concernent avant tout les 200 premières entreprises de France. Mais la fonction devrait se développer dans les cinq à dix ans à venir. Pour les spécialistes, deux voies sont possibles. Soit le métier se professionnalise avec l’obligation d’internaliser la fonction, tant les pouvoirs publics demanderont un suivi régulier des politiques de mobilité. C’est le scénario rose.
Mais dans ce cadre, le mobility manager devra éviter les écueils du « tout partage » de véhicules ou du « tout visio-conférence ». Le bon mobility manager devra se souvenir qu’il demeure au service de la mission principale de son entreprise. Et pas le contraire. Des sociétés qui ont abandonné les déplacements de leurs commerciaux sont ainsi obligées de faire machine arrière face à la chute de leurs commandes…
Soit, et c’est un scénario gris, le mobility management va irriguer toutes les fonctions et se diluer dans les services généraux et les achats. Dans ce second cas, le mobility manager devra être à l’affût des différents changements pour évoluer vers un poste de facility manager ou de responsable achat.
Faire bouger les choses
« Pour réussir dans ce métier de mobility manager, il faut communiquer, sensibiliser, convaincre et gérer. Mon principal conseil est d’être passionné et d’avoir envie de faire bouger les choses », conclut Bruno Renard, chef des services généraux et coordonnateur de la responsabilité sociétale du CEA de Grenoble, mais aussi président de la FAPM (Fédération des Acteurs des Plans de Mobilité). Un conseil à suivre.
Le mobility manager : un touche-à-tout
En général, dans les sociétés du SBF 120, les plus gros employeurs de France, le mobility manager a en charge l’ensemble de la mobilité de l’entreprise. Sa fonction est alors stratégique. Ses journées consistent à réfléchir sur le plan de déplacement, le positionnement des fournisseurs ou le marché de la mobilité de sa société. Avec, comme corollaire, une analyse financière permanente pour réduire les coûts, par exemple en passant des déplacements à la visio-conférence.
Ensuite, le mobility manager doit mettre en pratique cette stratégie. Il faut alors gérer les appels d’offres pour acheter des véhicules moins polluants, voire des navettes électriques ou des navettes sans conducteur. Il est aussi essentiel de dialoguer avec les prestataires et de les faire participer à sa politique de mobilité pour dégager des solutions d’avenir.
Dans les grands groupes, le mobility manager réalise une à deux fois par an un bilan de sa flotte afin d’en tirer les coûts vers le bas. Il peut aussi être amené à sensibiliser le personnel à l’éco-conduite ou encore aux modes de transport doux.
Outre ces rendez-vous annuels, le métier de mobility manager revient aussi à gérer le tout-venant, les aléas et autres accidents. Il faut maintenir sa flotte en bon état et assurer une veille technologique. Certains mobility managers s’occupent en plus des parcours des salariés en avion ou en train. Ils sont alors aussi travel managers. D’autres suivent le transport des déchets de leur entreprise, voire la restauration.
Enfin, le mobility manager gère une équipe allant de 10 à 80 salariés dans les plus grandes structures, avec donc une dimension managériale à prendre en compte.
Dossier - Mobility management : de la gestion de flotte à la mobilité
- Mobility management : de la gestion de flotte à la mobilité
- Caroline Renoux, Birdeo : « Le mobility management, une fonction en devenir »