
L’innovation ne touche pas uniquement les moteurs thermiques. « L’électrique est aussi en train d’évoluer en termes de rendement du moteur et d’autonomie de la batterie, afin de renforcer les performances à la fois techniques et économiques », indique Alain Raposo, directeur des chaînes de traction et châssis du Groupe PSA.
« Avec l’essor de l’électrique, c’est la première fois que nous avons de gros volumes de production de moteurs électriques de puissance, déjà plus importants que pour le ferroviaire ou l’aéronautique », note Guillaume Devauchelle, vice-président innovation et développement scientifique du groupe Valeo. Il est donc...
L’innovation ne touche pas uniquement les moteurs thermiques. « L’électrique est aussi en train d’évoluer en termes de rendement du moteur et d’autonomie de la batterie, afin de renforcer les performances à la fois techniques et économiques », indique Alain Raposo, directeur des chaînes de traction et châssis du Groupe PSA.
« Avec l’essor de l’électrique, c’est la première fois que nous avons de gros volumes de production de moteurs électriques de puissance, déjà plus importants que pour le ferroviaire ou l’aéronautique », note Guillaume Devauchelle, vice-président innovation et développement scientifique du groupe Valeo. Il est donc nécessaire d’agir sur tous les composants pour répondre à la demande de volume mais aussi de prix et de contraintes (poids, sécurité, etc.).
Rupture ou pas rupture ?
Directeur R&D de la Filière automobile et mobilités (PFA), Jean-Luc Brossard estime toutefois qu’il ne devrait pas y avoir de rupture dans les quinze prochaines années : « L’électrique n’est plus un élément de recherche mais une réalité industrielle. Les progrès concerneront donc plutôt l’amélioration des technologies existantes. » « Pour autant, il n’est pas du tout impensable d’imaginer un moteur électrique en rupture », considère Guillaume Devauchelle.
Comme pour le thermique, le rendement constitue un premier axe de travail. « Même si le rendement du moteur électrique est intrinsèquement bien supérieur à celui du moteur thermique, nous cherchons à l’améliorer », confirme Gaëtan Monnier, directeur du centre de résultats Transports de l’Ifpen (Institut français du pétrole énergies nouvelles).
« Il ne faut pas oublier que le moteur électrique travaille dans tous les cas de figure, que ce soit à basse ou haute vitesse et que le véhicule accélère ou non, rappelle Guillaume Devauchelle. Le moteur a généralement un bon rendement dans l’un des cas, mais il est difficile de le rendre efficace pour tous, d’autant plus lorsqu’il n’y a pas beaucoup d’énergie à bord. » Valeo suit ainsi en permanence une quinzaine de thèses cherchant à rendre les moteurs électriques plus efficaces. Le Groupe PSA a créé fin 2017 une co-entreprise avec le fabricant japonais de moteurs électriques Nidec. « Nous préparons ce qui se fait de mieux en rendement pour le moteur électrique, au-delà de 90 % sur le cycle WLTP qui est assez représentatif de l’utilisation client, annonce Alain Raposo. Nous regardons aussi le rendement domaine par domaine et selon le profil d’usage du véhicule. »
« Chez Toyota, de notre première génération d’hybrides à l’actuelle quatrième génération, nous nous sommes principalement concentrés sur l’augmentation de la densité volumétrique de puissance et sur le downsizing du moteur électrique, rendu possible par l’augmentation du régime. Nous avons atteint un très bon niveau, mais il y a encore des moyens d’améliorer le moteur électrique », confie Timothy D’Herde, directeur général motorisations du centre de R&D de Zaventem chez Toyota Motor Europe.
La question des terres rares
L’un des éléments qui influencent notablement le coût dans un moteur électrique reste le recours à des aimants permanents. « Pour être les plus efficaces possibles, ceux-ci ont besoin d’un type de matériaux, les terres rares », explique Gilles Le Calvez, directeur du programme véhicule pour l’institut Vedecom. Les terres rares sont un groupe de 17 oxydes métalliques de minéraux rares aux propriétés électromagnétiques remarquables, dont le néodyme (Nd). Seul problème : ces éléments sont dits « critiques » car leurs gisements ne sont pas répartis uniformément dans le monde. D’où l’importance de pouvoir s’en passer. « Sur la Zoé, Renault a employé un rotor bobiné alimenté en courant continu pour remplacer les aimants mais la machine est plus lourde et le rendement un peu dégradé, si bien que cette technologie ne se développe pas », pointe Gaëtan Monnier pour l’Ifpen.
Une première solution intermédiaire testée chez Vedecom est le moteur à commutation de flux, avec le remplacement d’une partie des aimants au néodyme (NdFeb) par des bobines. Une autre solution consiste à troquer les aimants à terres rares par des ferrites, en cherchant à minimiser la perte de densité de puissance et donc l’impact sur le rendement « Nous évaluons aussi les matériaux qui apparaissent dans les laboratoires pour voir leur impact sur le moteur électrique », ajoute Gilles Le Calvez.
La piste de la reluctance variable
L’Ifpen travaille aussi sur les aimants sans terres rares dans le cadre du projet européen Refreedrive (Rare Earth Free e-drives featuring low cost manufacturing). Une autre option y est explorée : la machine dite « à reluctance variable ». « Le rotor, de par sa forme et l’orientation des matériaux ferromagnétiques qui le composent, génère un couple pour se positionner de façon à limiter la pénétration du flux magnétique créé par le stator, expose Gaëtan Monnier. En revanche, la performance massique n’est pas excellente et la machine peut être bruyante. » L’objectif est donc de coupler la reluctance variable et la machine synchrone dans une approche dite synchro-reluctante ou HSM (Hybrid Synchronous Machine), déjà présente en série depuis 2017 sur le véhicule eAixam.
Des moteurs électriques plus compacts
« Plus un moteur électrique tourne vite, plus il peut être compact », souligne de son côté Gilles Le Calvez. Vedecom a donc aussi planché sur un moteur électrique à haute vitesse. Seul souci : « Celui-ci nécessite un réducteur (l’équivalent d’une boîte de vitesses), alors qu’actuellement on peut se servir des moteurs électriques avec un lien direct vers la transmission, poursuit-il. Nous avons mis au point un réducteur magnétique mais nos études ont montré que pour une application automobile, nous n’atteignions pas les performances nécessaires, notamment en coût », détaille Gilles Le Calvez. Des travaux sont aussi en cours ailleurs sur des réducteurs mécaniques, mais la solution a pour l’instant été écartée pour l’automobile.
Autre piste : le bobinage. Vedecom dispose d’une machine à bobinage automatique pour tester la faisabilité et la structure d’un bobinage donné. « Le cuivre pose problème. Dans le process industriel classique, le bobinage est effectué par insertion, ce qui conduit à des têtes de bobine encombrantes », signale Sid Ali Randi, ingénieur R&D moteurs électriques pour Renault, détaché chez Vedecom. En résumé, une partie non négligeable du cuivre ne sert pas à produire de la puissance mécanique. « Nous travaillons donc sur un autre type de bobinage, dit en épingles, pour diminuer la taille de la tête de bobine et ainsi la quantité de cuivre employée de manière à réaliser des moteurs plus légers, poursuit Sid Ali Randi. Nous souhaiterions aussi ouvrir un autre axe de travail, celui de la durée de vie des machines électriques, particulièrement agressées à bord d’un véhicule, pour en améliorer la robustesse et la fiabilité », complète-t-il.
La piste électromagnétique
Le Groupe PSA et Nidec planchent aussi sur la maîtrise des pertes électromagnétiques associées aux typologies de bobinage, aux rotors et à la structure d’assemblage du rotor et des aimants. « L’électromagnétique n’était jusqu’ici pas forcément poussée dans ses derniers retranchements car ses applications industrielles n’étaient contraintes ni par la masse ni par le volume, comme c’est le cas à bord d’un véhicule », éclaircit Alain Raposo. Autre enjeu : la conception de machines modulables qui s’adaptent aux besoins de plusieurs véhicules. « Pour couvrir toute la gamme de puissances, on peut déjà jouer sur la longueur du moteur, mais aussi sur d’autres paramètres comme le type de bobinage », indique Sid Ali Randi.
Optimiser les moteurs électriques passe aussi par des recherches sur l’électronique de puissance et entre autres son refroidissement. « Nous cherchons à minimiser la taille des moteurs afin de faire des économies sur les coûts matières. Toutefois, les pertes restent approximativement les mêmes, les moteurs étant déjà très efficaces. De ce fait, la densité des pertes augmente : les températures s’élèvent proportionnellement et imposent alors un refroidissement plus performant », décrit Guy Diemunsch, expert thermique chez Vedecom. Les ingénieurs planchent donc tout d’abord sur de nouveaux matériaux pour les composants d’électronique de puissance, afin d’atteindre des températures maximales de 250 à 300 °C, contre 150 °C aujourd’hui dans l’automobile. « Cela limite les encombrements des échangeurs de chaleur, éléments actuellement les plus encombrants », argue Guy Diemunsch.
Optimiser l’électronique de puissance
En parallèle, Vedecom a breveté des solutions de refroidissement à faibles coûts, basées sur des caloducs : des tubes de cuivre remplis de vide où de l’eau pure est évaporée à faible température. « Cette technologie permet d’extraire une quantité importante de calories, ce qui autorise une forte intégration au plus près des composants électroniques », ajoute Guy Diemunsch. Les ingénieurs ont aussi mis au point « un système de simple circulation d’huile par convection forcée qui nécessite une faible puissance de pompage et améliore l’efficacité globale du groupe motopropulseur », avance Guy Diemunsch. Ce système remplace la technologie à jet d’huile, très performante pour refroidir les têtes de bobinage, mais « plus consommatrice d’énergie que les circuits de refroidissement classiques et plus complexe à intégrer dans une machine. »
Enfin, Vedecom réfléchit sur la caractérisation des échanges entre les fils de cuivre et les fluides de refroidissement dans des canaux fins. « L’eau est le fluide le plus performant mais aussi le plus corrosif et électriquement conducteur. L’huile est diélectrique et autorise de bons résultats mais en raison de sa viscosité, elle nécessite plus d’énergie que l’eau pour assurer le refroidissement », précise Guy Diemunsch. Vedecom travaille donc sur la sécurisation de l’usage d’eau glycolée pour refroidir le moteur. « Afin de baisser les coûts de production des moteurs, nous cherchons des processus de fabrication exigeant le minimum de précision, tout en maintenant un transfert thermique important », complète Guy Diemunsch.
De multiples pistes de travail
Pareillement, le projet Expresso (EXcellence en PoweR modulE à Sablé-sur-Sarthe), piloté par Valeo, vise à développer des modules de puissance plus performants. Ce composant électronique clé de l’électrification des véhicules se situe dans l’onduleur, l’organe qui convertit le courant électrique continu fourni par la batterie en courant alternatif. Les partenaires du projet travaillent à la fois sur de nouveaux matériaux, de nouveaux postes d’opération du procédé de fabrication avec l’utilisation de composants spécifiques, et sur une solution numérique de gestion de la ligne de production basée sur des algorithmes d’apprentissage. La motorisation électrique n’a pas fini de nous surprendre.
Dossier - Motorisations : place à la mixité !
- Moteurs : vers la fin du moteur universel
- Réglementations et motorisations
- PFA : une étude mutualisée sur les motorisations
- Moteurs thermiques : l’entrée en résistance
- Motorisations : qu’est-ce que le cycle de Miller ?
- Eagle travaille les moteurs essence
- Moteurs électriques : l’optimisation tous azimuts
- Des moteurs électriques synchrones ou asynchrones
- Motorisations : les deux types d’hybridation
- Véhicules électriques : quelle source d’énergie ?
- Vers la route électrique ?