
Alors que 70 % des VN devraient encore avoir pour moteur principal un moteur thermique en 2035, peut-on améliorer cette technologie ? « Des efforts incroyables ont déjà été réalisé en dix ans, avec un recul de la consommation de 40 % et une baisse des émissions grâce aux FAP (filtres à particules) et à la SCR (réduction catalytique sélective), rappelle Jean-Luc Brossard, directeur R&D de la Filière automobile et mobilités (PFA). Aujourd’hui, il est toujours possible de limiter les frottements et d’améliorer la combustion, mais la courbe des gains ne peut pas diminuer en ligne droite indéfiniment et les baisses de consommation et d’émissions...
Alors que 70 % des VN devraient encore avoir pour moteur principal un moteur thermique en 2035, peut-on améliorer cette technologie ? « Des efforts incroyables ont déjà été réalisé en dix ans, avec un recul de la consommation de 40 % et une baisse des émissions grâce aux FAP (filtres à particules) et à la SCR (réduction catalytique sélective), rappelle Jean-Luc Brossard, directeur R&D de la Filière automobile et mobilités (PFA). Aujourd’hui, il est toujours possible de limiter les frottements et d’améliorer la combustion, mais la courbe des gains ne peut pas diminuer en ligne droite indéfiniment et les baisses de consommation et d’émissions seront moins importantes à l’avenir », poursuit-il.
Trouver des pistes de progression
Résultat : « Il n’y a pas de rupture technologique envisagée : nous resterons sur un système de combustion à injection directe. Les améliorations, comme la réduction des frottements dans le moteur, s’effectueront plutôt sur le mode de l’évolution continue, le “kaizen” japonais », confirme Gaëtan Monnier, directeur du centre de résultats Transports de l’Ifpen (Institut français du pétrole énergies nouvelles).
« Parmi les pistes, nous pouvons continuer à augmenter le rendement des moteurs, améliorer les performances des solutions de post-traitement ou étudier d’autres types de carburant avec un impact moindre sur l’environnement, tels les biocarburants ou le biogaz », complète Marc Charlet, directeur général du pôle de compétitivité Mov’eo.
Le principal cheval de bataille des constructeurs reste l’optimisation du rendement, qu’il s’agisse du rendement maximum du moteur ou de son rendement moyen. Des techniques sont déjà rodées pour améliorer le rendement moyen, et donc la consommation en usage réel. « Dans cet objectif, le downsizing réduit la cylindrée pour exploiter le moteur dans sa zone de meilleur rendement à même couple demandé », explique Gaëtan Monnier. En effet, lors de la combustion, il se produit des échanges thermiques aux parois des cylindres : « Plus la cylindrée unitaire (volume par cylindre) est faible et plus ces échanges thermiques sont prépondérants. C’est pourquoi les constructeurs cherchent à avoir la cylindrée unitaire la plus forte possible tout en diminuant la cylindrée globale, ce qui conduit à ramener le nombre de cylindres à trois, voire deux. En parallèle, la suralimentation et l’injection directe contribuent pour leur part à maintenir les performances du moteur », ajoute Gaëtan Monnier.
Downsizing et robotisation
Autre piste : l’automatisation des transmissions. « On robotise pour optimiser, note Guillaume Devauchelle, vice-président innovation et développement scientifique du groupe Valeo. Certaines boîtes manuelles ont maintenant deux arbres, ce qui permet de pré-positionner la fourchette lors d’une accélération ou une décélération, et d’éviter la rupture de couple lors du changement de vitesse, le tout sans les pertes potentielles d’une boîte automatique. »
Une autre solution consiste à augmenter le nombre de rapport des transmissions pour utiliser le moteur dans une zone de rendement le plus élevé possible. « Depuis les années 2000, les boîtes 6 vitesses sont devenues le standard mais certaines montent jusqu’à 9-10 rapports. C’est une très bonne solution avec le diesel pour se passer de l’hybridation qui apporte alors moins de gains que sur un moteur essence », reprend Gaëtan Monnier.
Mais il est aussi nécessaire d’accroître le rendement maximum des moteurs thermiques, bien moins bon que celui de leurs homologues électriques. « Le rendement maximum du moteur diesel d’un poids lourd est d’environ 45 %, celui d’un VL diesel autour de 42-43 % et celui d’un VL essence de 37-38 % pour la majorité des véhicules, avec un peu plus de 40 % pour l’Auris et de la Prius », détaille Gaëtan Monnier. Le reste de l’énergie produite par la combustion est perdue. Or, les objectifs de baisse des émissions de CO2 fixés par l’Union européenne vont nécessiter « d’améliorer le rendement maximal des moteurs des VP avec des cibles de 45 % en 2025 et 50 % en 2030 », continue Gaëtan Monnier.
Vers un rendement maximal de 50 %
Le Groupe PSA cherche ainsi à améliorer ses moteurs thermiques, avec pour objectif de passer de 35-36 % de rendement actuellement à 40 %. « À courte ou moyenne échéance, cela suppose de faire appel au cycle de Miller », affirme Alain Raposo, directeur des chaînes de traction et châssis du Groupe PSA (voir l’article).
L’objectif ne diffère pas chez Toyota : « Les progrès seront principalement liés à l’amélioration de l’efficacité de la combustion : nous travaillons tant du côté hardware que software et sur le combustible lui-même. Nous améliorons le rendement thermique du moteur en accroissant les turbulences à l’intérieur du cylindre, ce qui accélère la combustion. Nous nous efforçons aussi de limiter les pertes d’énergie dues à la friction et testons l’ajout d’additifs dans le carburant », décrit Timothy D’Herde, directeur général motorisations du centre de R&D de Zaventem chez Toyota Motor Europe.
Pareillement, Volkswagen a lancé une gamme de moteurs TDi, l’EA288. « Nous avons revu les processus de combustion pour renforcer l’efficacité et le rendement tout en diminuant les émissions », souligne Olivier Dupont, chef du service des ventes aux entreprises de Volkswagen France.
Diesel : les plus et les moins
Pour obtenir un bon rendement, le moteur diesel est un candidat tout trouvé : ce convertisseur reste excellent en thermodynamique, avec un rendement énergétique de très haut niveau. Le moteur diesel possède de fait un haut rendement sur une large plage d’utilisation en régime et en couple. « Il offre donc une très bonne prestation en CO2 quel que soit l’usage, et la variation de consommation d’un conducteur à un autre reste beaucoup plus faible que sur un moteur essence », précise Gaëtan Monnier. Seul inconvénient du diesel : les problèmes de réduction des polluants obligent à faire un compromis consommation-polluants pour les réglages du moteur.
En améliorant le rendement, des solutions comme le diesel ont recours à une combustion en mélange pauvre qui nécessite un traitement catalytique spécifique avec la consommation d’un réducteur : en l’occurrence le carburant pour le piège à NOx ou l’adblue pour la SCR. Or, ces systèmes de dépollution sont chers, complexes et consomment de l’énergie, si bien que le compromis entre consommation, émissions et coût n’est plus avantageux, en particulier avec les véhicules urbains.
C’est là que l’essence entre en jeu. « La plupart des technologies essence fonctionnent à la richesse 1, ce qui permet de traiter plus facilement les émissions par le système catalytique, indique Gaëtan Monnier. En revanche, le rendement du moteur essence se dégrade rapidement dans certaines zones. » Pour information, la richesse équivaut au dosage réel air-carburant divisé par le dosage parfait qui correspond à une combustion parfaite du carburant par le juste apport d’oxygène. Si la richesse est égale à 1, le dosage réel est égal au dosage parfait. Si elle est inférieure ou supérieure à 1, le mélange est respectivement pauvre ou riche en essence.
Essence : un fort potentiel d’innovation
Résultat : l’essence a longtemps été le parent pauvre des motorisations, notamment en Europe. Cependant, depuis 2009 et le passage à la norme Euro 5, l’injection directe et la suralimentation se sont fortement développées sur les moteurs essence dont la taille a aussi été réduite afin d’en diminuer la consommation et d’en améliorer les performances. L’objectif : avoir un couple proche de celui des diesel à l’usage.
« En conséquence, les performances énergétiques des moteurs à essence devraient faire des bonds significatifs via l’évolution et/ou la combinaison de technologies dans les années à venir, estime Gaëtan Monnier. On peut citer le futur SkyActivX de Mazda ou l’utilisation du cycle de Miller et la déconnexion de cylindres chez Volkswagen ».
En parallèle, l’étude de la PFA estime que les biocarburants de première et seconde générations pèseront 10 % de la consommation mondiale de carburant en énergie en 2035, contre 6 % en 2017. Le principe des biocarburants est de diminuer les émissions globales de CO2 des véhicules via l’économie circulaire. Ces biocarburants sont en effet produits à partir de matériaux organiques généralement d’origine végétale et sont destinés à se substituer à l’essence et au diesel.
Des biocarburants pour verdir les moteurs

la biomasse lignocellulo- sique (paille, résidus fores- tiers, cultures dédiées, etc.) en biogazole et en biokérosène. Source : Ifpen

L’Ifpen planche par exemple sur les procédés de production des biocarburants, du bioéthanol au biodiesel avancés (produits à partir de résidus agricoles et de déchets forestiers), au travers des projets Futurol pour le bioéthanol et BioTfueL pour le biogazole, et sur l’adéquation moteur-biocarburant. « Néanmoins, la filière des biocarburants avancés ne pourra se déployer massivement que lorsque les cadres réglementaires seront clarifiés et les politiques publiques incitatives renforcées sur la chaîne complète de la production à l’utilisation », rappelle Gaëtan Monnier.
Ces biocarburants nécessitent toutefois d’adapter légèrement les moteurs. « Dans le cas des alcools qui ont 20 % de capacité calorifique en plus par rapport aux essences classiques, soit on considère que le changement de carburant est marginal et on n’optimise pas le moteur, soit les volumes sont très élevés et on adapte le taux de compression du moteur afin d’aller chercher 2 et 5 % d’amélioration de la consommation », explique Alain Raposo pour le Groupe PSA.
Au Brésil, le Groupe PSA propose déjà de l’E85 qui contient entre 65 et 85 % en volume d’éthanol. « Nous restons en veille en Europe où, à l’instant t, les volumes, le marché et l’offre de carburant ne s’orientent pas vers l’E85, dévoile Alain Raposo. Les motorisations ne sont pas compatibles en Europe avec ce carburant en première monte. Mais nous essayons d’aller jusqu’à l’E25. »
Carburants alternatifs : vers une production « défossilisée »
Pour Jean-Luc Brossard de la PFA, des carburants alternatifs devraient se développer selon les opportunités, tels le GNV, les carburants synthétiques et l’hydrogène, mais ces derniers devront venir d’une production à terme « défossilisée ». « Les politiques européennes commencent à penser les émissions non plus du “puit à la roue“ (tank-to-wheel) mais du “berceau au tombeau“ (cradle-to-grave), ce qui redistribuera les cartes », affirme Jean-Luc Brossard (voir aussi l’article).
Or, à partir des énergies renouvelables, il est possible de faire du “power-to-gas“ ou du “power-to-liquid“, c’est-à-dire de convertir le surplus d’électricité produit en hydrogène grâce à un électrolyseur. Combiné avec du CO2, cet hydrogène peut se transformer en gaz naturel (CH4), et même en chaîne de carbone pouvant être raffinée en carburant synthétique. « Ces solutions présentent un avantage : celui de conserver les usines de production et les infrastructures de distribution existantes », ajoute Jean-Luc Brossard.
La piste du GNV
Autre option : le gaz naturel véhicule (GNV). Pour Alain Raposo, il s’agit sans doute du carburant alternatif qui a le plus de sens : « Les réserves mondiales sont relativement importantes et il suffit d’alimenter en gaz un moteur essence classique. Mais les volumes restent limités. » Là encore, le taux de compression du moteur doit être adapté.
« Le GNV présente différents avantages dont la capacité intrinsèque de sa composition chimique à émettre 23 % de CO2 en moins que l’essence à iso-consommation d’énergie, note Gaëtan Monnier. Il dispose aussi d’un indice d’octane élevé qui autorise un fort taux de compression du moteur et augmente ainsi son rendement. Mais sa nature gazeuse entraîne une perte de couple en prenant la place de l’air dans les moteurs non suralimentés des véhicules à bicarburation. »
Le GNV peut lui aussi être produit à partir de biomasse (voir l’encadré ci-dessus). « Cela impose de se pencher sur le stockage de ce gaz, avec de nombreux travaux sur les réservoirs haute pression, leur forme, leurs matériaux, etc. », déclare Marc Charlet, directeur général du pôle de compétitivité Mov’eo.
De manière plus prospective, le projet européen Photofuel vise à produire des carburants à partir de micro-organismes et à évaluer leur impact sur les performances du moteur.
« Mais les carburants alternatifs n’ont pas encore de business model, saut peut-être le GNV, nuance Jean-Luc Brossard pour la PFA. Le GNV génère déjà un gain de 15 % en consommation et coûte moins cher que l’essence. Il devrait rester autour de 1,10 euro/kg (+/- 10 %) pendant encore dix ans, puisque son prix n’est plus indexé sur le pétrole, avec des avantages fiscaux et un classement Crit’Air 1 en France. »
Les moteurs thermiques n’ont donc pas dit leur dernier mot.
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