Motorisations : le TCO à l’épreuve des usages

Alignement progressif des fiscalités du diesel et de l’essence, incertitudes sur l’évolution des taux d’intérêt ou encore changement des méthodes de mesure des émissions de CO2 : la conjoncture a rarement été aussi incertaine pour la gestion des flottes. Difficile dans ces conditions d’exercer la principale tâche du responsable de parc : réduire le TCO ou au moins le maîtriser.

Anticiper les interdictions du diesel…

« Pour trancher, nous regardons les tendances, indique pour sa part Pierre Boscart, responsable du service véhicules de Bouygues Construction, à la tête de 10 000 véhicules. Et ces tendances sont à l’augmentation des coûts et des contraintes de mobilité pour le diesel, mais aussi à plus long terme pour l’essence avec le retrait des véhicules thermiques souhaité par le gouvernement ou par des villes comme Paris », projette Pierre Boscart. Une projection pertinente même si elle ne peut, à courte échéance, servir d’unique orientation à une politique de baisse des coûts : la suspension des ventes de modèles thermiques par le gouvernement est envisagée pour 2040 et l’interdiction des diesel à Paris projetée à l’horizon 2030… Cette anticipation par le représentant de Bouygues Construction n’en révèle pas moins une tendance : pour nombre de responsables de parc, l’optimisation du TCO passe plus que jamais par une meilleure adéquation de la flotte à ses usages (voir le témoignage de Pierre Boscart).

D’ores et déjà, cette approche conduit certains à repenser le choix des motorisations en fonction de plusieurs critères : kilométrage parcouru, trajets urbains ou routiers, etc. Chez l’assureur Harmonie Mutuelle par exemple, la flotte compte environ 850 véhicules. Elle comprend pour l’instant essentiellement des diesel des marques françaises, pour un parc composé à 75 % de petits véhicules de type 208 et Clio, le reste rassemblant des voitures de fonction.

… pour passer à l’essence

« Depuis un an, nous basculons vers l’essence, retrace Benoît Comte, gestionnaire de la flotte d’Harmonie Mutuelle, surtout pour des commandes de véhicules sur le périmètre Centre-Île-de-France. Cette décision est motivée par les restrictions croissantes de circulation des véhicules à Paris, à l’image de la vignette Crit’Air. Nous élargirons peut-être cette politique à l’échelle nationale. » Une démarche similaire est menée par Dentsu Aegis Network France. Le parc de cette entreprise de communication compte environ 110 véhicules, principalement des marques BMW et Mini. Il s’agit de voitures de fonction en location, que les salariés peuvent emprunter aussi le week-end (voir aussi notre article). La car policy comprend trois catégories : une pour la direction, une pour le comité de direction et une pour les directeurs. Très orienté diesel, le parc de Dentsu Aegis Network France, à l’instar de celui d’Harmonie Mutuelle, bascule peu à peu vers l’essence mais aussi l’électrique et l’hybride.

« Aujourd’hui, notre parc inclut sept voitures électriques, des BMW i3, employées par les membres de la direction », indique le responsable de la flotte, Stéphane Belair. Les diesel sont dorénavant réservés à la petite catégorie de gros rouleurs qui dépassent les 60 000 km à l’année. Et dans le but d’alléger le poids de la fiscalité, « nous travaillons à sélectionner des véhicules sous les 120 g/km de CO2, voire les 110 g », poursuit Stéphane Belair.

Cette orientation vers des motorisations plus adaptées aux usages, avec en outre une diminution notable du nombre de véhicules aux émissions malusées, ne résulte pas d’une décision unilatérale de la part de la direction de Dentsu Aegis Network France. Si la baisse des coûts motive l’encadrement de la car policy dans cette entreprise où le véhicule constitue une partie de la rémunération, le choix des modèles ne se fait pas sans concertation avec les conducteurs. « Lors des renouvellements, nous orientons les salariés vers l’essence, l’hybride ou l’électrique, décrit Stéphane Belair. Nous les accompagnons pour choisir les véhicules qui leur correspondent vraiment, et pour éviter qu’ils ne prennent un gros modèle. Et nos salariés sont à l’écoute. »

Des véhicules adaptés aux besoins

Au final, objectifs économiques de la direction, visées écologiques et attentes des salariés peuvent se retrouver : « Avec la responsable RSE arrivée il y a un an, nous recherchons des leviers d’économie sur les déplacements avec des solutions comme les vélos électriques, l’autopartage, etc. », complète Stéphane Belair.

Autre illustration de cette recherche d’une meilleure adéquation entre les usages et les véhicules avec Technip FMC. Le parc de ce spécialiste du conseil et des solutions pour l’exploitation du gaz et du pétrole compte plus de 200 véhicules, essentiellement des voitures de fonction. Depuis 2011 chez Technip FMC, l’attribution des motorisations aux collaborateurs se base sur les kilométrages parcourus. « Chaque personne roule différemment, constate Florent Duvault, responsable achat et manager de la flotte. Une personne qui parcourt 45 000 km sur trois ans passe ainsi automatiquement en essence ; à 60 000 km, cela dépend du véhicule sélectionné. Dès 75 000 km, on opte pour le diesel » (voir son témoignage).

Cette répartition en fonction des kilométrages correspond aussi à une nouvelle manière d’aborder le TCO pour l’entreprise. « Depuis 2011, la car policy a été modifiée avec le choix de s’appuyer sur des budgets en TCO, avec des taux de CO2 et des CV fiscaux maximaux. Elle n’est plus basée sur le prix catalogue remisé sans restriction, ce qui pouvait engendrer des coûts supplémentaires de TVS », explique Florent Duvault. Une stratégie payante, avec une moyenne de 177 g/km de CO2 auparavant, contre 102 g/km désormais.

Le TCO toujours au premier rang

Au sein du Groupe Henner spécialiste de l’assurance, Christophe De Peretti, le gestionnaire de parc, joue plutôt un rôle de conseil auprès des salariés conducteurs des 108 VP de la flotte : « Nous les orientons vers des véhicules moins polluants et au CO2 le plus faible. De plus, les restrictions sur le diesel, le nivellement des prix du carburant et l’évolution des valeurs résiduelles des loueurs nous incitent à proposer, en fonction de la loi de roulage, davantage les véhicules essence, surtout en Île-de-France qui rassemble 70 % de notre flotte », détaille ce responsable. Avec des résultats puisque cette démarche a déjà amené à réduire le coût de la TVS : celui-ci a reculé sur les deux dernières années d’environ 40 %, soit de 815 euros par véhicule en 2015 à une moyenne de 447 euros en 2017 (voir le témoignage de Christophe De Peretti). Une démarche à suivre…