
Ce n’est qu’un instrument de mesure mais il ébranle tout l’édifice de la réglementation automobile. La procédure d’homologation WLTP (Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedure) des véhicules est entrée en vigueur en septembre 2018. À terme, elle succédera à l’ancien cycle NEDC qui date de 1973. Le passage progressif de l’un à l’autre n’est pas une mince affaire, c’est même un casse-tête pour les acteurs de l’automobile et les services administratifs.
Bien plus strict, ce nouveau mode de calcul du CO2 et des émissions polluantes comprend des tests plus complets en laboratoire (WLTC) et des essais en conditions réelles (RDE). Il entraîne...
Ce n’est qu’un instrument de mesure mais il ébranle tout l’édifice de la réglementation automobile. La procédure d’homologation WLTP (Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedure) des véhicules est entrée en vigueur en septembre 2018. À terme, elle succédera à l’ancien cycle NEDC qui date de 1973. Le passage progressif de l’un à l’autre n’est pas une mince affaire, c’est même un casse-tête pour les acteurs de l’automobile et les services administratifs.
Bien plus strict, ce nouveau mode de calcul du CO2 et des émissions polluantes comprend des tests plus complets en laboratoire (WLTC) et des essais en conditions réelles (RDE). Il entraîne par conséquent une hausse significative des valeurs de CO2 affichées par rapport à l’ancien protocole. Selon le cabinet Jato, l’écart moyen en CO2 entre NEDC et WLTP, tous segments de véhicules confondus, s’élève à 9,6 %, avec de fortes disparités selon le type de véhicule. Les SUV sont davantage pénalisés avec une hausse allant jusqu’à 16,7 %.
NEDC, NEDC corrélé, WLTP
Mais cette augmentation reste théorique puisque les émissions réelles des véhicules, tout comme le cadre fixé par la norme Euro 6 actuelle, n’évoluent pas. Seul le thermomètre change, dit-on. L’objectif est de fournir aux consommateurs des informations plus crédibles sur la consommation et les émissions polluantes qu’avec le NEDC qui sous-estimait la réalité. De nombreux scandales ont d’ailleurs éclaté, montrant les limites de ce protocole et les possibilités de contournement par les constructeurs, notamment pour les émissions d’oxyde d’azote (NOx).
Mis au point au sein de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU) avec l’aide de la Commission européenne, la procédure WLTP est obligatoire pour tous les nouveaux modèles depuis septembre 2017 et tous les véhicules depuis septembre 2018. Mais elle ne remplacera définitivement le cycle NEDC qu’en janvier 2020 : les constructeurs ont obtenu de la part des autorités européennes un délai d’un an, le temps pour eux de ré-homologuer l’ensemble de leur gamme et d’écouler leurs stocks. Cette phase transitoire est également censée préparer le marché à ce changement, entre autres au regard de la fiscalité française du véhicule d’entreprise, basée sur les émissions de CO2.
Pendant cette période, il a été convenu que les constructeurs pourront continuer d’indiquer à leurs clients, à côté des informations WLTP, des valeurs dites NEDC corrélé. En l’occurrence, il s’agit de mesures hybrides issues du NEDC mais soumises à certains critères du WLTP – comme la prise en compte des différents types de motorisations, transmissions et équipements sur chaque véhicule. Ces valeurs en NEDC corrélé sont obtenues grâce à un logiciel de conversion appelé CO2MPAS et développé en collaboration avec l’ACEA (l’association des constructeurs européens) et les services techniques de l’Union Européenne (UE).
Retard à l’allumage
Au départ, ce mode de calcul temporaire devait durer jusqu’à janvier 2019, mais il sera finalement prolongé jusqu’à janvier 2020. Le système de bonus-malus 2019, qui devait initialement se référer aux valeurs WLTP, sera donc basé sur les références NEDC corrélé. Ce rendez-vous manqué s’explique entre autres par les difficultés rencontrées par l’administration pour intégrer l’ensemble des données liées au WLTP, bien plus nombreuses qu’avant. En effet, le WLTP prend en compte chaque équipement et option des véhicules dans le calcul du CO2.
Pour chaque version d’un modèle, il n’y a pas une valeur de CO2 exprimée mais plusieurs. Cela entraîne une explosion du nombre de données et donc une plus grande complexité. Au point de générer des retards et des pannes informatiques : « Le système d’immatriculation des véhicules (SIV) est en cours de modification et ne pourra indiquer qu’à partir de fin 2019 la valeur d’émission réellement mesurée selon la méthode WLTP sur le certificat d’immatriculation », s’est justifié le gouvernement dans son amendement voté le 23 octobre à l’Assemblée nationale.
Plus contraignant, le WLTP introduit de nouveaux tests en laboratoire dits WLTC (Worldwide harmonized Light vehicles Test Cycle). Ces derniers prévoient des accélérations et des régimes moteurs plus élevés qu’auparavant. Ils intègrent aussi de nouveaux paramètres dans leur calcul de la consommation (urbaine, extra-urbaine et mixte) et des émissions de CO2 qui en découlent. Et ces tests prennent désormais en compte la résistance au roulement, le poids total du véhicule (en fonction des équipements, du chargement et des passagers), la qualité du carburant, la température ambiante, et le choix des modèles de pneus et leur pression de gonflage.
Trois classes de véhicules sont définies en fonction de la puissance massique (puissance moteur/masse en ordre de marche). Pour chacune d’elles, les cycles de conduite (urbain, extra-urbain, routier et autoroutier) ont une durée identique. Mais les courbes d’accélération et de vitesse diffèrent. Outre ces épreuves sur bancs d’essai, le WLTP comprend un nouveau cycle de conduite en condition réelle RDE (Real Driving Emissions). Lequel consiste à mesurer les émissions polluantes de chaque véhicule sur route au moyen de systèmes portables de calcul des émissions (PEMS) installés sur la voiture. Ces mesures inédites et prises sur le vif devraient empêcher les dérives constatées chez plusieurs constructeurs.
Une phase de transition avec Euro 6d Temp
Le WLTP intervient dans le cadre de la norme Euro 6d Temp qui correspond à la phase transitoire entre Euro 6c et Euro 6d prévue en janvier 2020. « Entre les deux, il n’y a pas de différence pour les seuils d’émissions, mais le passage au WLTP introduit des coefficients de conformité dégressifs sur les émissions polluantes. Ce n’est qu’à partir d’Euro 6d que les valeurs WLTP seront pleinement utilisées », explique Gaëtan Monnier, directeur des activités transport et mobilité à l’IFP Énergies nouvelles (Ifpen).
Rappelons que la norme Euro concerne les véhicules légers, VP et VUL (de moins de 2 610 kg) et s’applique à tous les types de motorisations (essence, diesel, hybride, GPL ou GNV) mais aussi à des pièces de rechange spécifiques. Si elle donne la mesure de la consommation et des émissions de CO2 des véhicules grâce au WLTP, elle permet surtout de réglementer les polluants atmosphériques nocifs pour l’environnement et la santé humaine : monoxyde de carbone (CO), hydrocarbures non méthaniques et hydrocarbures (HC), oxydes d’azote (NOx) et particules (PM).
Ces rejets sont mesurés à l’échappement et par évaporation sur des bancs d’essai par des organismes agréés par l’UE, tel l’Utac en France. Mais aussi en condition réelle d’utilisation conformément aux nouveaux tests RDE. À chaque évolution de la norme Euro, les critères fixés par l’UE sont plus stricts. L’entrée en vigueur d’Euro 6 en 2014 a ainsi imposé une diminution des NOx de 180 à 80 mg/km sur les véhicules diesel, rendant obligatoire les systèmes de dépollution de type SCR (réduction catalytique sélective).
Moins 37,5 % de CO2 en 2030
Sur le front du CO2, soit les gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique, la législation ne dépend pas directement de la norme Euro qui ne mesure que les polluants atmosphériques. C’est Bruxelles qui décide des objectifs de réduction en la matière, après négociation avec les législateurs. Après des mois de négociations entre les représentants du Parlement européen et ceux des pays membres, les États de l’UE se sont mis d’accord le 17 décembre dernier, soit deux jours après la fin de la COP24 en Pologne, sur des objectifs de baisse des émissions de CO2. Lesquels seront de – 37,5 % pour les voitures de tourisme et de – 31 % pour les utilitaires d’ici 2030, avec un objectif intermédiaire de – 15 % pour les deux catégories de véhicules à l’horizon 2025. L’année de référence a été fixée à 2021.
Ce compromis est plus strict que la proposition initiale de la Commission européenne et des orientations prises par les Accords de Paris, qui prévoyaient une réduction de 35 % des émissions sur les VP et de 30 % sur les VU. Mais il reste en deçà du souhait des eurodéputés qui réclamaient une diminution des émissions de 40 % pour l’ensemble du parc automobile européen (VP et VUL confondus) d’ici 2030, avec un objectif intermédiaire de – 20 % en 2025. Précision : le texte définitif ne devrait être validé et formalisé que fin janvier.
Les pour et les contre
Entre les pays producteurs d’automobiles et ceux promoteurs d’une politique ambitieuse de lutte contre le changement climatique, il a donc fallu trancher. Car les 28 États membres étaient divisés depuis des mois sur l’ampleur de l’effort à exiger du secteur automobile. L’Allemagne, dont l’industrie automobile pèse le plus lourd, avait averti que des objectifs trop stricts et un virage trop brutal vers la voiture électrique risqueraient de pénaliser son économie et de supprimer des emplois. Tandis que la France et les Pays-Bas avaient insisté pour fixer la baisse à – 35 %. L’ACEA a pour sa part exprimé de « graves inquiétudes » redoutant un « effet dévastateur » sur l’emploi dans l’industrie automobile.
En revanche, la fédération d’organisations non gouvernementales Transport & Environnement a jugé l’accord « insuffisamment ambitieux » au regard de l’urgence climatique. Il n’en reste pas moins que l’Europe passe à une vitesse supérieure dans la course à la voiture propre. Cette directive devrait contribuer à porter la part des véhicules à émissions de CO2 nulles ou faibles (moins de 50 g/km) à 35 % en 2030 sur le marché des VP. Un tiers des véhicules vendus seront donc électriques ou hybrides rechargeables. Pour ce faire, l’UE devrait mettre en place un mécanisme d’incitation fiscale pour encourager les constructeurs à développer ce type de véhicules. Mais aussi d’éventuelles sanctions financières pour ceux qui ne respecteraient pas les règles. Des principes dont les modalités restent encore à définir.
95 g de CO2/km dès 2020
En attendant, une autre échéance, plus proche, attend les constructeurs : ils devront en effet se limiter à une moyenne de 95 g/km de CO2 dès 2020 pour 95 % des véhicules neufs produits, avant un élargissement à la totalité de la production en 2021. En cas de dépassement, des amendes très lourdes seront appliquées : 95 euros par gramme de CO2 au-dessus de la limite, à multiplier par le nombre de véhicules immatriculés concernés. Les mauvais élèves pourraient alors payer des sommes importantes (voir aussi notre brève). La mise sous pression ne fait que commencer…
Émissions de CO2 des constructeurs et amendes potentielles | |||||||
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Constructeur | CO2 2016 (g/km) | CO2 2017 (g/km) | Objectif 2021 | Prédiction 2021 | Amende potentielle (en millions d’euros) | Amende potentielle (en % de l’EBIT en 2017) | |
1 | Toyota | 105,5 | 103 | 95,1 | 87,1 | – | – |
2 | Renault-Nissan-Mitsubishi | 111,2 | 112 | 94,8 | 92,1 | – | – |
3 | Volvo | 121,5 | 124,3 | 106,7 | 93,7 | – | – |
4 | Honda | 126,9 | 127,3 | 96,6 | 95,5 | – | – |
5 | Groupe PSA | 110,4 | 112 | 93 | 95,6 | 600 | 20 |
6 | Hyundai-Kia | 124,7 | 122 | 94 | 96,1 | 300 | 5 |
7 | Mazda | 127,7 | 131,2 | 94,9 | 98,1 | 75 | 8 |
8 | FCA | 120 | 120 | 91,8 | 98,5 | 700 | 10 |
9 | Ford | 120 | 121 | 95,4 | 99,8 | 430 | 10 |
10 | Volkswagen | 120,4 | 122 | 97,7 | 101,5 | 1 400 | 10 |
11 | BMW | 122,9 | 122 | 102,4 | 104,4 | 200 | 2 |
12 | Daimler | 125,3 | 127 | 102,8 | 104,6 | 190 | 1 |
13 | Jaguar | 150 | 151,4 | 130,6 | 130,1 | – | – |
Source : PA Consulting Group |
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