
Avec les NOx, tout est question de température. Ces particules polluantes sont notamment produites à température élevée par les moteurs lors de la combustion du carburant. Et les dispositifs utilisés pour les traiter, que ce soit les catalyseurs SCR ou les pièges à NOx, sont également plus ou moins efficaces selon la température. Afin de réduire les émissions de NOx des moteurs diesel, Bosch a donc cherché à améliorer la gestion de la température en l’ajustant au mieux selon les conditions de conduite (voir notre brève).
Optimiser le traitement des NOx selon les conditions de conduite
Pour y parvenir, l’équipementier s’est appuyé sur des tests réalisés sur route selon le protocole RDE, grâce à un dispositif PEMS (Portable Emissions Measurement System). Cela lui a permis d’établir un profil de roulage en conditions critiques, qui a ensuite été sévérisé lors d’essais sur bancs à rouleaux. « Par exemple, nous avons retenu un dénivelé de 1 600 m au lieu de 1 200 m, et une vitesse maximale sur autoroute de 160 km/h au lieu de 145 km/h », nous a indiqué Rémy Schmitt, expert Bosch Powertrain et responsable de la cellule qualité de l’air en France.
À partir des données récoltées, les ingénieurs de Bosch ont mis au point un démonstrateur. Ils ont modifié une Golf en l’équipant d’une cylindrée adaptée de 1.7 l, d’un filtre à particules, d’un catalyseur SCR vieilli et d’une solution logicielle spécifique. L’objectif : optimiser le fonctionnement du moteur selon le style de conduite et améliorer l’efficacité du système de post-traitement des gaz.
Réchauffer les gaz d’échappement en les faisant recirculer dans le moteur
En pratique, Bosch a revu le système de recirculation des gaz d’échappement (EGR, pour Exhaust Gaz Recirculation). « Le CO2 est un excellent absorbeur de température car il a une capacité calorifique supérieure à l’oxygène », nous a expliqué Rémy Schmitt. En circulant dans le moteur, le CO2 capture les calories. Cela pour effet d’une part de diminuer la température de combustion et donc la production de NOx ; et d’autre part de réchauffer les gaz d’échappement pour les maintenir au-dessus de 200 °C, température de conversion optimale des NOx. Tout l’enjeu consiste alors à ne pas trop diminuer la température de combustion, sous peine de diminuer son efficacité et donc d’augmenter les émissions de CO2.
Un turbocompresseur à géométrie variable permet de contrôler la pression du collecteur des gaz d’échappement et de favoriser leur recirculation quel que soit le régime moteur. « Et si la température est vraiment trop basse, nous jouons sur une injection retardée et différentes phases de réchauffage », a ajouté Rémy Schmitt. La technologie n’a rien de révolutionnaire puisqu’elle est déjà utilisée sur les poids lourds, mais a été optimisée pour la conduite d’un VP en ville.

Des émissions inférieures à la norme européenne prévue pour 2020
Le démonstrateur de Bosch a finalement été testé à plusieurs reprises sur le même circuit qu’au départ. Bilan : « Notre meilleur roulage n’a émis que 13 mg/km, tandis que les émissions en ville dans les conditions les plus sévères n’ont pas dépassé 40 mg/km », a déclaré Rémy Schmitt. Soit bien en dessous de la norme européenne actuelle, qui limite les émissions de NOx à 90 mg/km lors des tests WLTP et à 168 mg/km en conditions réelles, mais aussi de la norme prévue pour 2020 (120 mg/km). De plus, ces résultats sont stables quel que soit le style de conduite et la température ambiante, a précisé Rémy Schmitt.
Selon Bosch, le système n’affecte pas la puissance du moteur, même si la consommation de carburant est pour l’instant supérieure de 1 à 2 % à celle d’un diesel équivalent. « La consommation de carburant devrait rester identique sur un autre moteur à condition d‘avoir la même géométrie, c’est-à-dire avec le SCR le plus proche possible de la sortie du moteur », a estimé Rémy Schmitt. L’expert a de plus annoncé une consommation d’AdBlue de 1 l/1 000 km.
« Cette solution n’existe pas seulement en laboratoire mais elle est déjà présente dans la rue, a précisé Heiko Carrie, président de Bosch France. La technologie est disponible dès maintenant sur des produits qui existent déjà en série. »
Un avenir pour le diesel ?
Ce n’est pas un hasard si Bosch a présenté maintenant cette technologie. 2018 devrait être une année charnière. En cause : le ralentissement de la demande de diesel. Selon l’ACEA, les ventes ont en effet diminué de 17 % sur les trois premiers mois 2018. En conséquence, Bosch a cessé ses activités diesel sur le site de Venissieux et les emplois des 1 600 collaborateurs du site de Rodez, spécialisé dans la fabrication d’éléments diesel, sont également menacés.
« Avec cette solution, nous sommes convaincus que personne ne pourra interdire le diesel en ville », a ajouté le président de Bosch France. Reste à savoir si cette démonstration technologique aura une influence sur les politiques publiques, alors que plusieurs constructeurs automobiles ont également mis au point des moteurs diesel à faibles émissions de NOx.
« Après des années de chute du diesel, on constate une stagnation du taux de CO2 du parc, voire une augmentation en Allemagne, si bien que l’on ne va pas pouvoir atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. L’électricité et l’hydrogène sont bien sûr des pistes pour l’avenir mais ne sont pas disponibles à court terme. La seule solution aujourd’hui, c’est l’hybride rechargeable, mais elle représente encore un investissement important puisqu’il faut financer deux moteurs. Il faut donc que les politiques regardent sans émotion les faits et les chiffres et prennent une décision », a commenté Heiko Carrie.
L’électrification comme objectif à long terme
Malgré tout, l’électrification reste le premier axe de développement de Bosch qui investit chaque année plus de 400 millions d’euros pour électrifier sa propre flotte de véhicules. « L’électrification des moteurs est clairement un objectif à long terme, soit via les batteries, soit via l’hydrogène, nous ne nous sommes pas encore décidés », a déclaré Heiko Carrie.
L’équipementier a déjà lancé en 2017 le service de location de scooters électriques Coop, concurrent de Cityscoot, dont la flotte est passée de 1 100 à 1 700 scooters en mai 2018. Et le groupe a annoncé il y a quelques semaines qu’il investirait non pas dans la production mais dans l’électronique des batteries électriques, notamment pour améliorer la gestion de la température dans les batteries.