Chez Orange, les premiers boîtiers télématiques ont été installés dès 2012 sur la moitié de la flotte, soit alors pas moins de 22 000 véhicules. « L’idée était tout d’abord d’obtenir de la donnée kilométrique, relate Patrick Martinoli, directeur délégué aux projets à l’innovation et à l’expertise automobile. En effet, les véhicules sont gérés par des responsables de parc locaux qui ne les voient pas régulièrement, parfois pendant six mois. »
Remonter les kilométrages
En remontant le kilométrage, l’entreprise s’assure que le véhicule ira en maintenance en temps et en heure selon le calcul du constructeur. « Un dépassement de plus ou moins un mois ou quelques kilomètres peut provoquer les foudres du constructeur en cas de casse moteur, et annuler un éventuel effort commercial », avertit Patrick Martinoli.
Avec le kilométrage, Orange peut aussi réagir le plus vite possible aux modifications des lois de roulage, et ce dès un an et demi après le début du contrat pour étaler le surcoût. Et cette connaissance du kilométrage réel contribue à mieux organiser le mix énergétique. « Le choix de l’énergie de propulsion devient fondamental. Si la flotte roule à Paris, il y a de fortes chances que les diesel pris aujourd’hui ne puissent plus y circuler avant leur restitution. Cela nous oblige à revoir la car policy. Orange opte pour l’électrique pour les véhicules roulant moins de 12 000 km par an, l’essence ou l’hybride entre 12 et 22 000 km, et le diesel pour plus de 22 000 km », précise Patrick Martinoli. Pour cela, il faut l’historique des véhicules afin de réorienter le choix de motorisation en fonction du kilométrage. « Par exemple, une personne ayant parcouru 36 000 km en six ans passera à l’électrique et nous trouverons une solution pour compléter l’offre de VE. »
Mais l’opérateur télécoms a décidé d’aller plus loin. « En 2015, alors que j’étais encore au département innovation, je me suis occupé avec Orange Business de passer un accord avec PSA pour remonter les données techniques des véhicules, rappelle Patrick Martinoli. La route est dangereuse et l’entreprise veut absolument éviter les accidents mortels. Et la troisième cause d’accidents, c’est l’état des véhicules. Or, pour garantir ce bon état, nous avons besoin de le connaître. »
Avec la télématique, Orange surveille ainsi quatre grands domaines de données qui vont assurer la sécurité du véhicule et l’intégrité du conducteur. « Le premier, c’est la pression des pneus. Les boîtiers ne nous remontent pas toujours la valeur exacte mais l’important est d’être averti d’une sous-pression. » Le deuxième concerne les défaillances d’éclairage (phares, clignotants, feux stop, etc.) pour « voir et être vu ». Sont aussi contrôlés les dispositifs de freinage (plaquettes, ABS, etc.) et enfin les niveaux d’eau et d’huile et les alarmes moteur.
En prime, Patrick Martinoli obtient la consommation exacte du véhicule. « Cette donnée ne me sert pas à dire qu’untel consomme plus mais à calculer le TCO réel des véhicules et non plus le TCO théorique basé sur la valeur de consommation fournie par les constructeurs. Ainsi, je peux planifier au mieux les dépenses. »
Orange a passé des accords avec PSA et Renault pour remonter ces données sur 90 % de la flotte, majoritairement des VU et des VS, soit les véhicules les plus à risque. « Après, il reste 1 500 VP dont 1 000 véhicules des cadres qui font plus attention, et 500 véhicules de liaison et d’autopartage. » Au départ, Orange équipait ses véhicules de boîtiers de seconde monte. Désormais, les véhicules sont commandés avec la remontée des données grâce à des boîtiers installés en première monte.
Pas de géolocalisation !
« La géolocalisation est interdite chez Orange et même bannie. Ces données ne nous intéressent pas. Nous récupérons les données quotidiennement, comme le kilométrage de la journée. Il n’y a aucune notion de pistage ou de “flicage“. Nous avons confiance en nos salariés. La demande de points de situation peut cependant être utilisée dans un processus particulier lors du vol d’un véhicule : à condition d’avoir une copie du PV ou de la main courante de la gendarmerie, le directeur de la flotte peut demander un point de situation qui sera retransmis à la gendarmerie. Nous avons ainsi retrouvé une dizaine de véhicules l’an passé », relate Patrick Martinoli.
Le choix du boîtier constructeur
« Le boîtier constructeur est le seul moyen de remonter des données techniques fiables via le bus CAN du véhicule, affirme Patrick Martinoli. En cas de branchement pirate sur ce bus CAN, à la moindre panne, la garantie constructeur saute. » Le boîtier de première monte relève de la responsabilité du constructeur, contrairement au boîtier de seconde monte qui relève de celle du fleeter.
« Si quelqu’un décide un jour de récupérer les données de tous les véhicules pour les mettre à disposition, par exemple un loueur, et qu’il ne passe pas par les constructeurs, il n’y aura aucune garantie sur ces données. Et cela peut même causer des soucis si le branchement du boîtier a été fait au mauvais endroit. »
L’entreprise paie d’une part le boîtier et d’autre part un abonnement de quelques euros par véhicule et par mois aux constructeurs. En revanche, la remontée des données est organisée en interne, par l’intermédiaire du fleeter du groupe Orange, Ocean, qui les regroupe, les met en forme et les transmet pour affichage aux gestionnaires de flotte. Ces données sont stockées à la fois chez les constructeurs, attachées à un numéro de châssis (lié à l’immatriculation), et chez Orange.
« Il n’y a pas de notion de propriété sur les données télématiques, conclut Patrick Martinoli. Renault et PSA remontent des données. Ce qu’ils en font, je ne sais pas. J’ignore s’ils les exploitent par exemple pour corriger leurs futures générations de véhicules. »
La flotte d’Orange en chiffres
• 18 900 véhicules • 1 500 VP dont 1 000 véhicules de cadre et 500 véhicules de liaison et d’autopartage
• 17 400 VU et VS