C’est l’époque de l’élaboration des budgets prévisionnels dans les collectivités et du côté des gestionnaires de flotte, l’heure n’est guère à l’enthousiasme. Que ce soit une répercussion de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) lancée en 2007, du plan de rigueur des dépenses de l’État amorcé en 2010 ou tout simplement de la conjoncture, les montants accordés pour le renouvellement des parcs sont le plus souvent revus à la baisse. « Notre budget est en chute libre, indique ce gestionnaire de parc qui préfère rester anonyme. Nous disposons aujourd’hui du quart du budget de 2009 lorsque le plan de relance de l’État...
C’est l’époque de l’élaboration des budgets prévisionnels dans les collectivités et du côté des gestionnaires de flotte, l’heure n’est guère à l’enthousiasme. Que ce soit une répercussion de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) lancée en 2007, du plan de rigueur des dépenses de l’État amorcé en 2010 ou tout simplement de la conjoncture, les montants accordés pour le renouvellement des parcs sont le plus souvent revus à la baisse. « Notre budget est en chute libre, indique ce gestionnaire de parc qui préfère rester anonyme. Nous disposons aujourd’hui du quart du budget de 2009 lorsque le plan de relance de l’État s’était répercuté sur les finances de la ville. »
Par manque de moyens, les responsables de parc vont devoir choisir les services qui pourront obtenir les véhicules qu’ils ont commandés. « La mission des agents municipaux consiste à gérer les commandes de tous les services de la mairie, à sélectionner ceux qui auront le plus besoin de véhicules », décrit Patrick Ranc, adjoint au maire en charge des travaux, de la voirie, des déplacements et des transports en commun, pour la mairie de Valence.
Les collectivités face aux arbitrages financiers
Des arbitrages délicats pour des collectivités qui doivent aussi respecter les impératifs auxquels elles sont soumises en matière d’environnement : des impératifs légaux comme la loi sur l’air – qui les oblige à intégrer 20 % de véhicules propres dans leur parc –, des objectifs que certaines ont pu se fixer à travers les Agenda 21 ou tout simplement des politiques volontaristes.
Économie et environnement, l’équation serait-elle en conséquence de plus en plus difficile à résoudre ? La conjoncture a pour effet de priver les gestionnaires de parc d’un de leur principal levier pour verdir les flottes : la diminution de l’âge moyen du parc en substituant aux plus anciens des véhicules neufs et plus propres. La Fédération des villes moyennes (FVM) regroupe des villes entre 20 000 et 100 000 habitants ; dans son rapport de 2010, elle estimait ainsi à 8,5 années l’âge moyen des véhicules de moins de 3,5 tonnes. Et sans un budget ad hoc, difficile de ne pas voir cette moyenne d’âge inexorablement tirée vers le haut.
Pour répondre aux orientations écologiques des politiques des collectivités, des gestionnaires choisissent d’arbitrer les priorités lors de la rédaction des budgets. À Valence, la nouvelle majorité municipale a fait le choix des véhicules électriques et non polluants dès son arrivée à la tête de la commune en 2008. « Nous avons testé les modèles électriques lors de leur développement et nous sommes l’une des premières villes à avoir été livrée à l’automne 2011 », rappelle Patrick Ranc.
Ces modèles électriques ont permis de remplacer les véhicules polluants dont la moyenne d’âge atteignait les quinze ans. Pour les acquérir sans trop grever le budget, le responsable du garage et son supérieur ont choisi de reporter des achats aux années suivantes : « Nous avons reculé ceux que nous jugions moins importants dans notre budget d’investissement et avons mis les options principales sur l’électrique », explique Patrick Ranc.
Cette stratégie a largement modifié la physionomie de la flotte de Valence dès 2011. Le parc de la ville compte 370 véhicules et matériels en 2012 : 203 véhicules propres et véhicules utilitaires dont 189 véhicules légers, 30 poids lourds, 94 engins et 43 deux-roues. Pour l’électrique, le lancement d’un appel d’offres a abouti à l’achat de Mia. « Nous avons huit Mia de trois à quatre places en moteur 12Kw, trois Mia deux places utilitaires, une quinzaine de véhicules à assistance électrique et une quinzaine de scooters. Le parc électrique devrait passer de 39 à 47 véhicules entre 2012 et 2013 », décrit Patrick Ranc.
Et si l’intégration de véhicules électriques peut peser sur les budgets lors de l’achat, les gestionnaires comptent sur les économies à plus long terme pour rentabiliser leurs investissements. Des économies non seulement sur le carburant mais aussi sur l’entretien. Un double gain appréciable pour ces véhicules qui s’adaptent au mieux à l’usage qui peut en être fait dans les collectivités.
Reste que la gestion des parcs des collectivités n’est pas remodelée uniquement par des budgets en retrait. Les différentes réformes de l’État et de ses administrations ont aussi amené à concentrer les services en région. Dans tous les départements, les flottes du conseil général et de la DDE ont par exemple fusionné il y a quelques années. Conséquence de cette « concentration » : le service d’entretien se trouve le plus souvent rassemblé au sein du conseil général.
Des organisations repensées et rationalisées
Dans le même esprit de rationalisation, l’évolution est semblable à Valence où un service dédié mutualise désormais l’entretien des véhicules d’autres administrations : du centre communal d’action sociale (CCAS), mais aussi de l’office public de HLM, l’OPH. Le garage de la ville supervise aussi l’entretien du parc de la communauté des communes de Valence, Valence agglo sud Rhône Alpes, créée il y a moins d’un an, tandis que les communes ont gardé un mécanicien pour les tâches les plus courantes.
De tels rapprochements contribuent à restreindre le poids des garages qui pèsent sur le budget des collectivités, surtout pour de petites communes. Dans son étude évoquée précédemment, la Fédération des villes moyennes (FVM) estimait que les communes dépensaient entre 3 et 4 000 euros pour l’entretien d’un véhicule léger et qu’un agent pesait entre 20 et 30 000 euros par an dans le budget. Un coût important puisque, toujours selon la FVM, les communes comptent en moyenne 4,5 automobiles pour 1 000 habitants et qu’un agent s’occupe en moyenne de 28 véhicules.
Des garages municipaux toujours en question
Au-delà des concentrations générées par le rapprochement des administrations, les communes profitent également des départs en retraite pour limiter les effectifs. « Les collectivités ne vont pas pouvoir continuer à entretenir des ateliers, embaucher des ouvriers avec les inconvénients que cela représente », confirme Jean-Marc Borne, chef du département véhicules de l’Ugap. À moins qu’elles ne choisissent d’affecter le personnel des garages à d’autres tâches.
« Avant le passage à la location longue durée, nous disposions d’un garage, illustre Marie-Cécile Vandendael, directrice déléguée au développement durable du centre hospitalier de Valenciennes. Nous avons maintenant un contrat avec un garage en ville et le personnel affecté à notre garage a été réorienté en interne sans problèmes. » Ce choix du passage à la LLD a été fait tout récemment par l’hôpital.
Au-delà des économies sur la masse salariale, le coût de la flotte est aussi susceptible d’être réexaminé avec la disparition des garages. En effet, l’existence d’un atelier de mécanique est souvent présentée comme l’obstacle essentiel à l’arbitrage en faveur de la LLD aux dépens de l’achat comme mode de financement.
Location ou acquisition, l’interrogation demeure
Les services proposés par les loueurs (entretien, réparation ou remplacement, etc.) sont de fait moins attractifs pour les collectivités lorsqu’elles peuvent les réaliser par des personnels salariés compétents en interne. Et la question reste patente dans les collectivités : faut-il oublier l’achat pour passer à la LLD ?
Pour les communes, les avantages économiques de l’acquisition sont connus : elle offre la possibilité de passer les frais d’acquisition dans le budget investissements et non dans celui du fonctionnement, à l’inverse donc de la LLD qui n’offre pas en outre de récupérer la TVA. Et pour des véhicules comparables, les collectivités mettent souvent en avant les prix qu’elles obtiennent en recourant aux services de l’Ugap, face aux prix proposés par les loueurs.
Dans une commune du Sud de la France, où la voiture du maire et celle du directeur général des services sont en location, le gestionnaire de parc estime perdre de l’argent sur les deux véhicules : « Celui du directeur général des services nous revient à 17 000 euros en achat alors qu’il coûte 18 000 euros en location sur quatre ans. Et ce sans dépasser le kilométrage, ce qui n’est pas le cas avec l’autre, avec à la clé un surcoût de 3 000 euros », relate ce responsable qui souhaite demeurer anonyme.
Un usage des financements au cas par cas
Reste que la LLD peut se justifier pour obtenir des véhicules avec des prestations spécifiques de services. D’aucuns estimeront que le lissage sur plusieurs années du coût des voitures les plus onéreuses dans les coûts de fonctionnement des comptes de la collectivité en fait partie. Mais ce mode de financement peut aussi être attractif pour les voitures qui roulent le plus et ont besoin d’être toujours opérationnelles dans les mairies.
Une utilisation sélective de la LLD, c’est ce qui se pratique le plus souvent dans les collectivités. « Nous sommes démarchés par la LLD que nous adoptons pour des véhicules de fonction de la DGS et de la DGA mais pas pour les autres services, du fait des faibles kilométrages, justifie Gilles Eymery, chef de service de l’atelier mécanique de la ville de Grenoble. Et les loueurs eux-mêmes ne sont pas partants ».
Toutefois, à l’Ugap, ce mode de financement progresse, surtout auprès des administrations. « Nous n’achetons plus de véhicules depuis 2010 mais nous les louons. Ce qui nous a permis de réaliser une économie de 15 % sur le budget de la flotte de 64 véhicules, mais aussi de disposer de modèles en excellent état et moins polluants. Les anciens véhicules étaient âgés en moyenne de douze à treize ans et effectuaient moins de 15 000 km par an. Le forfait sur cinq ans pour ces 64 véhicules, incluant l’entretien et le remplacement, s’élève à 550 000 euros annuels », détaille Marie-Cécile Vandendael, du centre hospitalier de Valenciennes.
Envisager le recours à la location longue durée
Mais un tel basculement reste peu courant dans le secteur public : « Il est vrai que des collectivités avec des parcs automobiles totalement externalisés sont rares même s’il en existe, reconnaît Wilfrid Kopmels, directeur général adjoint de Public LLD, anciennement Dexia. En revanche, un loueur peut aujourd’hui se poser en force de proposition pour cibler un parc dont la gestion en LLD serait source d’économies. » Il pourra aussi contribuer à reconsidérer des raisonnements bien ancrés à propos de la LLD. Si celle-ci peut apparaître plus onéreuse que l’achat, il faut néanmoins intégrer les « coûts cachés » de ce dernier mode d’acquisition.
Un point sur lequel insiste Wilfrid Kopmels : « Dans le calcul du coût d’un parc, nombre de gestionnaires oublient d’intégrer celui de la gestion administrative qui pèse plus de 20 % du total global. Choisir un modèle adapté aux besoins, efficient en coût global, nécessite un travail important, et revendre prend du temps et coûte de l’argent ; gérer plusieurs factures par véhicule (essence, entretien, etc.) n’est pas non ce qu’il y a de plus efficient, alors que tout peut être mutualisé sur une seule facture », énumère Wilfrid Kopmels qui défend son métier.
Vers toujours plus de transparence dans les dépenses
Ce dernier souligne aussi les durées plus longues pour l’exploitation des véhicules dans les collectivités. « La plupart de celles qui achètent leur parc empruntent sur quinze ans, sur des durées inadaptées à l’objet financé. Elles font donc courir des frais financiers bien qu’elles ne soient plus en possession de leurs véhicules. Cela les incite à prolonger la durée de vie des véhicules au-delà du raisonnable », poursuit Wilfrid Kopmels.
Les arguments des loueurs semblent peu à peu se frayer un chemin dans les collectivités et les pousser à s’orienter vers de nouveaux modes de financement. Et si la majorité ne s’intéresse pas à la location, celle-ci s’installe dans les habitudes. « Depuis trois ans, 720 à 750 marchés publics de location longue durée ont été publiés chaque année, soit environ 7 500 véhicules », rappelle le responsable de Public LLD.
Une certitude, les arbitrages des collectivités en matière de gestion de flotte devraient bénéficier prochainement d’une plus grande clarté. Le plan de finance rendu public fin 2011 annonçait la demande aux collectivités locales de plus de 10 000 habitants de présenter et publier systématiquement un rapport sur l’évolution de leurs dépenses. « Cette obligation portera en particulier sur la dette, les dépenses de personnel et d’effectifs, […] les dépenses de fonctionnement, notamment les dépenses de communication, le parc automobile et l’immobilier », précisait le premier ministre à cette occasion. Certes, le changement de majorité semble avoir suspendu le caractère obligatoire de cette demande. Mais ce n’est sans doute qu’un répit.
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