
Depuis la loi d’orientation sur les mobilités (LOM), les entreprises de plus de cinquante salariés (voir l’encadré ci-dessous) doivent aboutir à un accord collectif sur les mobilités ou réaliser un plan de mobilité employeur (PDME, ex plan de déplacement). Lequel peut prendre la forme d’un plan de mobilité employeur commun à plusieurs entreprises (PDMEC, ex plan de déplacement inter-entreprises, PDIE). Aujourd’hui, les sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas cette obligation se limitent au retrait des aides financières de l’Ademe. Mais des contrôles et sanctions plus sévères sont attendus dans les prochaines années.
Depuis la loi d’orientation sur les mobilités (LOM), les entreprises de plus de cinquante salariés (voir l’encadré ci-dessous) doivent aboutir à un accord collectif sur les mobilités ou réaliser un plan de mobilité employeur (PDME, ex plan de déplacement). Lequel peut prendre la forme d’un plan de mobilité employeur commun à plusieurs entreprises (PDMEC, ex plan de déplacement inter-entreprises, PDIE). Aujourd’hui, les sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas cette obligation se limitent au retrait des aides financières de l’Ademe. Mais des contrôles et sanctions plus sévères sont attendus dans les prochaines années.
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« Il s’agit de monter des plans qui laissent moins de place à la voiture » et donc plus aux mobilités douces, résume Lucie Verchère, chargée de mission temps et services innovants à la métropole de Lyon, laquelle a suivi 17 PDMEC dont dix actifs, soit au total 60 000 salariés. Au final, la mise en place de solutions de mobilité « valorise le territoire et rend les entreprises plus attractives en termes de recrutement. C’est gagnant-gagnant pour les salariés, les entreprises et la collectivité », estime François Maugère, chargé de mission mobilités innovantes à SQY, l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (78) où six PDMEC se sont formés et regroupés en un seul (voir le témoignage).
Plusieurs partenaires dans un PDEMC

« En tant que collectivité, nous travaillons avec des développeurs économiques et des animateurs mobilités sur les territoires, qui font remonter les besoins. Nous avons un rôle de coordination et d’animation et nous nous réunissons tous les trimestres », explique Lucie Verchère. Avec souvent pour ces entités, en qualité d’autorité organisatrice de la mobilité (AOM), un apport logistique et un rôle de relais des demandes auprès des collègues en charge des aménagements piétons, vélos et transports en commun.
Au sein de SQY, trois partenaires soutiennent les PDMEC, détaille François Maugère : « l’agglomération, la CCI qui réalise un bilan inter-entreprises annuel, et Deltas SQY, une association qui regroupe une grande partie des entreprises du territoire. Le bilan annuel, sur la base d’enquêtes, permet à ces dernières de remplir leurs obligations vis-à-vis de la région et sert, pour certaines, dans le cadre de certifications. Les entreprises adhérentes à Deltas SQY peuvent aussi bénéficier d’un bilan individuel au travers de la cotisation versée à cette association. »
À l’image du Grand Lyon, la collectivité apporte souvent, pour un plan commun, une partie du financement pour la réalisation du diagnostic et du plan d’actions. De son côté, la métropole bordelaise a participé au diagnostic et au financement du PDMEC Bordeaux Inno Campus où onze entreprises se sont fédérées en 2018, dans une zone d’activités où les enjeux sont forts et où des investissements étaient programmés.
PDEMC : un effet de taille…
« Le PDMEC met en avant un bouquet de services. Les entreprises y piochent en fonction de leurs besoins et problématiques, résume Lucie Verchère pour la métropole de Lyon. Chacune est libre de choisir ». Parmi les avantages de ces plans : un effet de taille et donc un poids accru. « L’inter-entreprises mutualise les coûts du diagnostic et des enquêtes préalables », souligne Lucie Verchère. « La méthodologie commune et un accompagnement de la collectivité font aussi aller plus vite », complète Raphaël Cartron, directeur de l’environnement de travail et des achats pour le promoteur immobilier Groupe Pichet, et référent dans son entreprise pour le PDMEC de Bordeaux Inno Campus. « Et quand il faut interpeller le syndicat chargé des transports en commun, cela fait poids », reprend Lucie Verchère.
Ce qui est par exemple valable pour obtenir des pistes cyclables. « Les projets avancent plus vite et de manière pertinente. Les collectivités et les réseaux de transport disposent de données détaillées sur l’ensemble d’un territoire, ce qui assure une rentabilité aux investissements », poursuit Lucie Verchère. « Cette massification facilite l’usage et la réussite du covoiturage », illustre Christophe Doucet, directeur planification et éco-mobilités pour Tisseo, le syndicat mixte des transports de l’agglomération toulousaine. De fait, les salariés abandonnent vite si leurs recherches de covoiturage échouent trop souvent. « On peut aussi inciter au partage, à mutualiser le restaurant d’une entreprise en inter-entreprises », complète Christophe Doucet.
Par ailleurs, les bonnes pratiques essaiment avec les échanges et les rencontres. « Le collectif s’empare des idées individuelles et réciproquement », constate David Arraou, président de l’Association pour le développement durable de la Vallée de la chimie dans la région lyonnaise. Celle-ci regroupe 27 entreprises dont Solvay, Air Liquide, Total ou Arkema, et pilote le PDMEC sur cette zone. David Arraou cite ainsi l’intervention de Janus, une association spécialiste de la sécurité à vélo, au travers d’ateliers et de quizz sur la sécurité routière. Une action lancée par une entreprise et adoptée par d’autres.
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… et un dynamisme collectif
« Au sein de l’IFP Énergies nouvelles, nous avons mis en place des abris à vélos avec une station de gonflage et des kits de maintenance. Nous avons aussi créé un système d’achats groupés et subventionnés de vélos avec deux structures que nous hébergeons, Axelera et Axel One, pour inciter les salariés à l’adopter. D’autres ont suivi », relate David Arraou, également responsable des relations institutionnelles et de la communication de cet organisme membre du PMDEC.
Les PDMEC facilitent aussi la réalisation d’animations pour faire connaître les offres de transport ou les pistes cyclables, ou la venue des opérateurs de mobilité qui installent stands et ateliers. « Les actions nécessitent des animations, des relais et de la communication. Pour le covoiturage, il faut démontrer aux salariés qu’ils ont cinquante collègues habitant près chez eux. Et continuer à animer car les salariés peuvent trouver une solution géniale, mais le souffle retombe souvent », rappelle David Arraou.
Des freins à lever
« La première difficulté consiste à mutualiser pour atteindre cette masse critique indispensable, pointe David Arraou, tout en évitant qu’une des entreprises soit plus importante ou puissante et mène le jeu à son propre avantage. » La notion de groupe offre de fait à de plus petites sociétés de se greffer et de bénéficier des actions et démarches initiées par des entreprises plus importantes. « La plus grande entreprise n’est pas toujours meneuse. C’est plutôt celle qui s’implique le plus et qui maîtrise mieux le sujet », observe Raphaël Cartron pour le Groupe Pichet à Bordeaux. Qui poursuit : « Le problème reste de trouver des problématiques et besoins communs qui font consensus. Si une entreprise s’intéresse au vélo, mais pas les autres, cette action ne sera pas prioritaire. Les diagnostics de départ se font d’abord à l’échelle de l’entreprise, sur une grille commune, puis les données sont compilées et des items communs ressortent. »
Le diagnostic préalable est certes plus complexe : « Il fait remonter les convergence et les divergences, explique Christophe Doucet pour Tisseo à Toulouse. Il faut alors trouver les solutions qui vont apporter le plus de bénéfices au plus grand nombre. Mais sans choisir le plus petit dénominateur commun pour apporter aussi des réponses à ceux qui font les 2X8 ou qui débauchent à 22 h 00. » Ensuite, le rythme des investissements diffère selon les entreprises et les élus. « Mais leur temps n’est pas le même car ils ne sont pas élus pour quinze ans. Or, il faut au moins cela pour améliorer les dessertes lourdes de transports en commun », avance David Arraou pour la Vallée de la chimie.
Transports en commun : la priorité des PDEMC

Le plus souvent, c’est le besoin en transports domicile-travail qui motive, avec une problématique identique pour toutes les entreprises d’un territoire. « À Saint-Quentin-en-Yvelines, nous avons obtenu une amélioration de la desserte avec des trains semi-directs depuis Montparnasse, et plusieurs lignes de bus express depuis le pont de Saint-Cloud, Orly, Houdan, financées par IDF Mobilités. Une expérimentation de navettes autonome est aussi en cours de montage entre la gare de Saint-Quentin et la zone du Pas-du-Lac sur la commune de Montigny », détaille François Maugère.
Le collectif facilite aussi les expérimentations. Le PDMEC de la Vallée de la chimie a ainsi lancé avec Sytral (le syndicat mixte de transports) et Keolis un service de transport à la demande. « Ces huit navettes roulent en permanence. Il suffit de réserver un quart d’heure avant depuis son smartphone. C’est pratique pour rejoindre le métro à 10 km de notre site ou de la gare », souligne David Arraou. « Des entreprises ont créé des navettes entre la gare et leur site car cette solution n’a pas été proposée par la métropole. Il y a un début de mutualisation mais uniquement entre entreprises proches, les autres étant trop éloignées », relate pour sa part Raphaël Cartron pour le PDMEC de Bordeaux Inno Campus.
Autre expérimentation à Saint-Quentin-en-Yvelines : un service d’autopartage opéré par RCI Mobility. Six véhicules électriques, quatre hybrides et trois bornes de recharge à double prise seront mis à disposition des salariés des trois entreprises participantes à la rentrée. Dans la région lyonnaise, en revanche, un projet similaire sur trois PDMEC a échoué. « C’est trop difficile à mettre en place et à gérer. Il y a notamment des freins juridiques sur la responsabilité en cas d’accident », regrette Michel Fourot, chargé de mission mobilités à la métropole de Lyon.
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Limiter l’autosolisme
S’attaquer à l’autosolisme appartient aussi aux pistes de travail. « La première solution est de diminuer le nombre de places de stationnement. Sinon, les salariés continuent à venir en voiture », recommande Lucie Verchère pour la métropole de Lyon. D’autres entreprises, dans le cadre de plans de mobilité, accordent des places de parking privilégiées aux covoitureurs. Avec le covoiturage, les collectivités sont aussi parfois initiatrices. La métropole de Lyon a créé en 2017 un site Covoiturage Grand Lyon, avec déjà 26 000 inscrits sur sa plate-forme dont 27 % l’utilisent au moins une fois par semaine. Les entreprises n’ont donc plus qu’à s’inscrire. Et la métropole lyonnaise facilite aussi le covoiturage, avec des portions de voie réservées aux covoitureurs, comme sur les autoroutes M6-M7 (ex A6-A7).
Parmi les freins au covoiturage : les horaires décalés. Ensuite, tout le monde n’accepte pas de monter dans la voiture d’un inconnu. « Nous avons un site de covoiturage qui couvre tout le Grand Lyon. Mais nous avons décidé de monter, au sein de ce site, une communauté de covoitureurs avec deux autres entreprises. Cela représente un potentiel conséquent de 1 500 salariés. Ils se sentent plus en sécurité et ont moins peur que le conducteur reparte le soir sans eux. D’autres ont créé des communautés comme Solvay et Elkem », décrit David Arraou pour la Vallée de la chimie.
Le plus souvent, les PDMEC adhèrent aux offres de covoiturage d’opérateurs comme Karos ou Klaxit. Les PDMEC de Saint-Quentin-en-Yvelines ont choisi Klaxit qui a démarré son activité dans cette zone. « Et l’agglomération joue les intermédiaires pour accompagner et favoriser la structuration de cette solution. Treize entreprises se sont engagées, soit près de 15 000 adhérents », note François Maugère.
Développer le vélo
Autre piste suivie : le vélo. À Saint-Quentin-en-Yvelines, 170 vélos, disponibles à la Vélostation de la gare de Montigny, peuvent se louer pour une durée allant de la journée à l’année, et un service de trottinettes électriques est à l’étude. Autre exemple lié au PDMEC de Bordeaux Inno Campus : le tramway passe à proximité des entreprises mais le dernier kilomètre posait problème du fait de l’absence de trottoirs et de pistes cyclables. La métropole a donc lancé un programme d’investissements et organisé une visite à vélo pour faire connaître les nouveaux aménagements et les itinéraires et permettre aux salariés d’entreprises différentes de se rencontrer. Parmi les autres solutions testées à Bordeaux : « des abris à vélos sécurisés sur l’espace public, à la gare ou à l’arrêt de tramway pour le dernier kilomètre. Mais certaines entreprises sont opposées au vélo pour des questions de sécurité. Cela ne fait pas consensus », indique Raphaël Cartron.
D’autres actions peuvent concerner les douches, les vestiaires, les abris à vélos, et dépendent des entreprises. Seules ou à plusieurs : « Le PDMEC de Meyzieux près de Lyon fait travailler une association de jeunes en insertion qui recyclent des vélos et les proposent pour les déplacements entre l’arrêt du tramway et les sites des entreprises », illustre Michel Fourot pour la métropole de Lyon.

Quels résultats pour les PDEMC ?
Si les diagnostics de départ constituent un préalable et sont toujours réalisés, la phase de retour d’expérience et d’analyse des résultats des PDMEC est souvent laissée de côté. Mais quelques plans importants avancent un premier bilan. « Dans la Vallée de la chimie, le taux d’autosolisme a reculé de 90 % en 2009 à 75 % », observe Michel Fourot. « À Saint-Quentin-en-Yvelines, la part modale des transports en commun a augmenté de 4 % entre 2015 et 2018, passant de 16 à 20 %. Le covoiturage fonctionne bien avec treize entreprises adhérentes à peine cinq ans après son démarrage », pointe François Maugère. Pour ce dernier, l’impact est aussi indirect sur le verdissement des flottes. « Les entreprises du territoire ont intégré plus de 200 véhicules électriques », complète-t-il. Dont acte.
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