
En quatre grandes étapes détaillées, nous déroulons ici la démarche-type pour construire un plan de mobilité (PDM). « En général, ce PDM est porté par le département développement durable de l’entreprise. La raison est simple : l’essentiel de la réflexion se concentre sur les trajets domicile-travail. Et on oublie souvent le volet des déplacements professionnels », note Guillaume Le Clercq, dirigeant du bureau d’études AlterMob, spécialiste de l’accompagnement des entreprises et collectivités dans la transition énergétique des mobilités. C’est d’ailleurs ici un constat fait par de nombreux spécialistes des plans de mobilité.
Exit alors le...
En quatre grandes étapes détaillées, nous déroulons ici la démarche-type pour construire un plan de mobilité (PDM). « En général, ce PDM est porté par le département développement durable de l’entreprise. La raison est simple : l’essentiel de la réflexion se concentre sur les trajets domicile-travail. Et on oublie souvent le volet des déplacements professionnels », note Guillaume Le Clercq, dirigeant du bureau d’études AlterMob, spécialiste de l’accompagnement des entreprises et collectivités dans la transition énergétique des mobilités. C’est d’ailleurs ici un constat fait par de nombreux spécialistes des plans de mobilité.
Exit alors le gestionnaire de flotte qui perd l’occasion de « porter » une réflexion globale sur l’ensemble des déplacements au sein de son entreprise. La mobilité professionnelle est pourtant comprise dans le PDM et sa gestion permet à ce responsable de développer ses champs de compétences. Sans oublier que le PDM fait partie des mesures d’avenir, appuyées par le gouvernement, pour favoriser la sobriété énergétique. Le responsable de parc doit donc se pencher sur sa construction. Et il est particulièrement bien placé pour gérer cette mission car il connaît, de façon pratique, sa flotte. Au cœur des dispositifs de mobilité de son employeur, il pourrait donc faire avancer les choses plus rapidement.
Prendre le PDM en main
D’autant que ces PDM n’en sont qu’à leurs balbutiements. Selon les spécialistes, pas plus de 5 % des entreprises françaises en ont développé un ces dernières années. C’est donc le bon moment pour s’emparer de cette mesure assez simple et génératrice d’économies. Car les déplacements coûtent cher et tout incite à penser que ces coûts ne vont pas diminuer. Repenser ces trajets améliorera donc la rentabilité de l’entreprise mais aussi le pouvoir d’achat des salariés, leur confort de vie et leur santé avec de modes de déplacement plus doux. Et construire un PDM contribue aussi à réduire les émissions de gaz à effet de serre, comme dans les entreprises du tertiaire où les déplacements peuvent être responsables de jusqu’à 80 % de ces émissions.
Dans cette démarche collective et fédératrice du PDM, reste à convaincre sa direction et les salariés. Pour cela, il faudra mettre en avant une méthode en quatre points que le gestionnaire de flotte peut mener en interne ou avec l’appui d’un prestataire spécialisé en mobilités douces.




Étape 1 : Avant de construire un plan de mobilité, trouver des alliés
« En matière de PDM, nous assistons une cinquantaine d’entreprises réparties sur 200 sites, débute Stéphanie Meyer, directrice du cabinet de conseil et d’études spécialisés dans les mobilités EM Services, filiale de RATP Dev. Pour développer un PDM, je conseille au gestionnaire de flotte, en tout premier lieu, d’être épaulé, voire “sponsorisé“ par sa direction. La première démarche est alors de se rapprocher de son dirigeant et de le convaincre du bien-fondé de cette démarche. Plusieurs thèmes seront à aborder : les économies à réaliser, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), la qualité de la vie au travail et l’amélioration de la marque employeur », énumère Stéphanie Meyer.
Une fois cet appui assuré, le gestionnaire devra, ensuite ou en parallèle, convaincre les salariés avec les représentants du personnel en appui. Les seconds doivent être associés le plus en amont possible car ils faciliteront la mise en place des enquêtes auprès des salariés sur leurs modes de transport.
Avec cette précision d’un prestataire spécialiste des PDM : « Selon les modules retenus, le coût global d’un PDM oscille entre 2 000 et 10 000 euros, avec au maximum 40 000 euros pour les grandes flottes. Mais cela rapporte. Si l’on prend le PDM comme un outil pour réduire de 10 % sa flotte de 1 000 véhicules de fonction, le PDM générera pas loin de 1 million d’euros de gains par an, sur un délai de neuf à douze mois. » Un argument qui peut faire mouche.
Étape 2 : Poser un diagnostic au plan de mobilité
Le diagnostic reste l’autre point de départ de tout PDM. « Il faut mesurer et récolter les données d’activité des déplacements, de son parc, des consommations en carburant, du kilométrage, des temps de rotation, de l’usage des parkings, énumère Guillaume Le Clercq pour AlterMob. Chaque site doit être analysé avec ses accès en transports en commun, en voiture ou en vélo. Il s’agit de mener une étude auprès des salariés avec des questionnaires comme ceux proposés sur le site de l’Ademe. »
Il faut ensuite mesurer les temps de transport des collaborateurs, leurs modes de déplacement, leurs besoins et souhaits de mobilité. Sont-ils prêts à changer de mode de déplacement ? Cette tâche menée à bien, l’entreprise a en main un bilan des parts modales de déplacement avec des pourcentages précisant, par exemple, que 80 % des salariés viennent au travail en voiture, 10 % en transports en commun, 6 % en vélo et 4 % à pied. Et les données collectées vont servir à poser un diagnostic.
Intégrer la flotte dans le PDM
Élément crucial : il faut intégrer et analyser la flotte dans le PDM en même temps que les trajets domicile-travail, ce qui constitue souvent un écueil de la démarche. Mais cela ouvre des pistes, comme celle des véhicules sous-employés qui seront mis en autopartage pour le reste des salariés. Ou celle des véhicules électriques des techniciens ou des vélos de service qui seront mis à disposition (refacturée ou pas) de tous les salariés le week-end ou le soir. L’imagination doit être au pouvoir.
Mais ce processus peut aussi se mener petit à petit. C’est la façon de faire du spécialiste des piscines, spas et arrosages de jardins Irrijardin. Basée en banlieue de Toulouse, cette entreprise compte 250 salariés en propre et 400 collaborateurs chez ses 115 franchisés. Irrijardin s’appuie sur 49 véhicules de service et cinq voitures de fonction. « Nous avons d’abord misé sur un forfait mobilités durables (FMD), du covoiturage puis du télétravail, relate Sophie Gucciardi, la directrice des ressources humaines. Ensuite, nous avons considéré comme essentiel de bénéficier d’une vision globale de la mobilité, d’où un PDM en 2022. »
Le cas d’Irrijardin
Sophie Gucciardi est alors allée voir la direction avec l’aval du comité sécurité environnement (CSE). « Pour que cela fonctionne au mieux, je conseille de faire le point sur les initiatives menées autour de la mobilité. Notre politique de télétravail répondait ainsi à un nouveau besoin de nos salariés. Et il est important de se faire aider par des start-up pour trouver des solutions innovantes et les intégrer dans un plan global d’écoresponsabilité de l’entreprise, avec l’appui des partenaires sociaux. Ce que nous avons réalisé en instituant un groupe de projets qui inclut systématiquement un membre du CSE, véritable co-acteur chez nous de cette politique. En travaillant de la sorte, mener à bien un plan de mobilité n’a rien de compliqué », conclut Sophie Gucciardi.
Étape 3 : Définir le plan d’actions
Les données recueillies, il est temps de définir les pistes d’amélioration et d’impulser un plan d’actions, avec des objectifs clairs et des indicateurs mesurables. « Notre PDM a été lancé en 2019, rappelle Martine Baruch, responsable RSE chez l’assureur Allianz France (8 500 salariés, 2 500 véhicules dont 200 voitures de fonction). Un plan d’actions a été établi et nous le remettons à jour cette année. Pour que ce type de plan fonctionne, je conseille de le mettre en œuvre en s’appuyant sur les connaissances d’un prestataire extérieur et avec les partenaires sociaux. Ensuite, pour une entreprise comme la nôtre, avec de nombreuses implantations régionales, le mieux reste de définir une politique globale et de la décliner selon les particularités de chaque site. C’est donc une vision globale que l’on aménagera localement », préconise Martine Baruch.
Fixer des étapes…
« Le PDM doit se faire pas à pas, ajoute Laure Wagner, dirigeante de “1 km à pied“, une plate-forme d’analyse des trajets domicile-travail pour développer les PDM. La première tâche est de travailler le besoin de mobilité à la source, en réaffectant des salariés dans des sites ou bureaux au plus proche de chez eux, ou en limitant la pause-déjeuner car 28 % des Français repartent manger chez eux. Ensuite, il faudra diminuer la fréquence des trajets avec le télétravail et les tiers-lieux. Le gestionnaire de flotte pourra aussi réduire l’usage de la voiture avec des alternatives comme les transports en commun, la marche à pied ou le vélo. Une autre opération consistera à déployer du covoiturage et à électrifier la flotte. Il est important de développer ces mesures une à une », expose Laure Wagner.
Il faut ensuite avoir en tête cette recommandation : chaque salarié peut choisir une mobilité différente car chacun à ses propres besoins. Certains n’ont pas d’autres choix que la voiture. D’autres pourront prendre un vélo, les transports en commun ou choisir le télétravail. Il faut donc offrir de nombreuses alternatives, avec souvent des avantages fiscaux : remboursement des transports en commun, FMD jusqu’à 800 euros par an et par salarié. L’employeur peut aussi installer des bornes de recharge ou octroyer des places de parking pour les véhicules électriques ou le covoiturage. Sans oublier la formation à l’éco-conduite afin d’économiser du carburant, à titres professionnel mais aussi personnel.
… et des objectifs concrets
Il faudra aussi se fixer des objectifs concrets et simples à atteindre, par exemple en offrant des vélos afin que 5 % des salariés qui viennent en voiture se mettent au vélo. Ou en misant sur le covoiturage si 80 % des collaborateurs viennent en voiture, en visant alors le chiffre de 60 %. Avec en parallèle la volonté de restreindre le nombre de voitures de fonction. « Il faut rappeler plusieurs faits, note Alexandre Fournier, directeur marketing et communication de Mobility Tech Green, spécialiste de l’autopartage et du conseil en audit de mobilité. De nombreux véhicules de service ou de fonction ne roulent que 5 % du temps. Les trajets de moins de 10 km peuvent donc s’effectuer en vélo électrique. Et l’autopartage peut réduire de 25 % le nombre de voitures en parc, avec à la clé un coût moindre en carburant. »
Étape 4 : Travailler la communication autour du plan de mobilité
Le plan de mobilité doit aussi s’accompagner d’un plan de communication pour expliquer aux salariés l’intérêt des nouvelles mesures pour eux, la planète et l’entreprise. « En matière de mobilité, la communication demeure fondamentale, explique Philippe Bloquet, le dirigeant de la plate-forme spécialisée en logiciels RH PeopleSpheres (100 salariés à parité entre Paris et Montpellier, 1 voiture de fonction). Nous venons de développer une série de mesures (FMD à 500 euros par an, télétravail de trois jours par semaine) et nous nous sommes appuyés sur des groupes projets. Ils se composent de salariés très investis dans la décarbonation des mobilités. Ces “ambassadeurs“ sont moteurs et avancent des solutions. Ils ont ainsi créé des vidéos humoristiques pour promouvoir les mobilités douces, avec nos salariés comme acteurs. Ce groupe suggère aussi de développer le covoiturage dans notre entité de Montpellier », décrit Philippe Bloquet.
Évoquer les résultats obtenus
Cette politique de communication doit s’accompagner de campagnes régulières sur les actions menées et les résultats obtenus. Il faudra aussi, c’est en partie de la communication, effectuer des enquêtes régulières auprès des salariés pour mesurer leurs évolutions, leurs nouveaux besoins, leurs suggestions. « Le manque de communication peut nuire à un PDM. Il faut nourrir ce type de projet. Par exemple en l’alimentant avec une forme de “gamification“ et de challenges pour que les collaborateurs continuent à utiliser les dispositifs proposés. Ou avec un concours pour récompenser le service qui a décroché la meilleure note en éco-conduite ou celui dont l’empreinte carbone a le plus diminué. On offre aussi des cadeaux et l’on donne du sens à ces mesures », avance Alexandre Fournier pour Mobility Tech Green. En soulignant que ces collaborateurs sont alors plus sensibilisés à ces questions de déplacement.
« Ils peuvent avoir plus envie d’employer le FMD pour se rendre à vélo à leur travail ou se montrer plus enclins à accepter de choisir, contre une somme d’argent, une plus petite voiture de fonction, si possible électrique, et/ou un vélo de fonction. Comme tous nos clients nous le demandent actuellement, on peut pareillement mettre à disposition des autres collaborateurs les véhicules de fonction qui ne roulent pas », poursuit Alexandre Fournier.
Faire sauter les barrières
« Pour bien communiquer, il faut des moyens pour accompagner les salariés dans leur transition vers des mobilités vertes, résume Denis Saada, dirigeant de Betterway, un prestataire de solutions de mobilité durables. Pour faire comprendre, nous prônons donc de proposer régulièrement des ateliers découvertes, comme sur la sécurité à deux-roues ou la réparation de ces vélos. Cela fait sauter les barrières psychologiques qui freinent le recours aux mobilités durables. C’est la même chose pour promouvoir le covoiturage en expliquant comment cela fonctionne. Nous réalisons aussi des ateliers sur le FMD pour expliquer à quoi cela sert et comment s’en servir », conclut Denis Saada.