
Le « plan vélo » constitue l’un des outils les plus récents qu’un gestionnaire de flotte doit maîtriser. Et il est à mettre entre toutes les mains, car ces atouts sont nombreux. Dans une entreprise, ce document aide à analyser les besoins en mobilités douces des salariés. « Nous réalisons une centaine de plans vélo par an. Et ces plans se développent, tout en offrant une réponse aux demandes des salariés », résume Timothée Quellard, directeur associé d’Ekodev, un cabinet de conseil spécialiste des démarches RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise).
Mais l’employeur peut également se servir de ce plan vélo pour anticiper ou coller...
Le « plan vélo » constitue l’un des outils les plus récents qu’un gestionnaire de flotte doit maîtriser. Et il est à mettre entre toutes les mains, car ces atouts sont nombreux. Dans une entreprise, ce document aide à analyser les besoins en mobilités douces des salariés. « Nous réalisons une centaine de plans vélo par an. Et ces plans se développent, tout en offrant une réponse aux demandes des salariés », résume Timothée Quellard, directeur associé d’Ekodev, un cabinet de conseil spécialiste des démarches RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise).
Mais l’employeur peut également se servir de ce plan vélo pour anticiper ou coller aux impératifs environnementaux. D’autant que ces derniers vont multiplier le nombre de zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m), mais aussi les volets réglementaires à intégrer pour se mettre en conformité avec l’accord de Paris sur le climat.
Un avantage pour le salarié…
Partons d’un constat : la moitié des Français parcourt moins de 10 km au quotidien pour se rendre au travail. On peut alors imaginer que 30 % pourraient se mettre au vélo. « Il faut réaliser un plan vélo pour au moins une autre raison. Les politiques “vélo”, par l’entremise du forfait mobilités durables, améliorent nettement la “marque employeur” d’une entreprise. Ce forfait mobilités durables représente en effet un avantage financier pour le salarié, qui peut aller jusqu’à 800 euros par an, le tout exonéré d’impôt pour l’employeur », rappelle Thomas Verstrepen, senior consultant chez Wavestone, un cabinet de conseil qui accompagne les entreprises dans leur transformation numérique et écologique.
D’autres raisons peuvent être mises en avant. « Le plan vélo contribue aussi à disposer de salariés-cyclistes plus efficaces. Avec un vélo, on arrive à l’heure, sans avoir peur des retards liés aux bouchons ou à la recherche d’un stationnement pour se garer, pour un prix de location qui avoisine celui du passe Navigo, le ticket de transport francilien », argumente Arthur de Jerphanion, dirigeant de Tandem. Ce prestataire commercialise des solutions de location de vélos et a publié en 2022 le livre blanc « Comment réussir le plan vélo de son entreprise ».
… et le gestionnaire de flotte
Pour le gestionnaire de flotte, développer un plan vélo offre, enfin, l’occasion de se valoriser, tout en mettant en exergue les gains réalisés pour son employeur. C’est aussi l’occasion de déployer des projets transverses qui seront menés avec des équipes provenant des ressources humaines, des achats, de la finance et de la communication. Un plan vélo devient alors une technique très intéressante pour se faire connaître et se promouvoir. Mais pour réussir un plan de mobilité vélo, il est indispensable de suivre une méthode pour ne pas commettre d’impair. La voici.
Étape 1 : obtenir l’aval de sa direction
Tout d’abord, s’assurer du soutien de sa direction constitue le point de démarrage de tout bon plan vélo. À l’état d’ébauche, l’idée est de livrer, à son comité exécutif ou à sa hiérarchie, une étude sur la faisabilité d’un plan de déplacements décarbonés. On y évoquera toutes les raisons pour préférer les mobilités douces : gains financiers, politique RSE, marque employeur, perception auprès des clients, etc. On mettra en avant une flotte de vélos de fonction ou pas, le forfait mobilités durables ou pas, avec en outre une ébauche de budget. Ce dernier, pour un vélo électrique à 3 000 euros pièce, sera de l’ordre de 500 euros par an et par engin. À cela il faudra peut-être ajouter des infrastructures comme des parkings vélos sécurisés.
Sur ce sujet du coût du vélo pour l’entreprise, Arthur de Jerphanion, pour le prestataire Tandem, avance un calcul. « Un vélo revient à 75 euros de loyer moyen mensuel, avec une répartition de 70 % à la charge de l’entreprise et de 30 % pour le salarié, soit environ 50 euros mensuels pour l’employeur. En déduisant 25 % de l’impôt sur les sociétés, on arrive à un total annuel de 450 euros par an par vélo », calcule ce responsable.
Étape 2 : mener une enquête de mobilité interne
Une fois obtenue la validation de la hiérarchie, il faut mener une enquête auprès des collaborateurs. Par une série de questions, il s’agira de recueillir des informations sur leur lieu de domicile, leur intérêt vis-à-vis des mobilités douces, leurs habitudes, leurs besoins de transport, leurs craintes, etc. Plus l’enquête est faite sérieusement, plus les informations collectées seront fiables et exploitables.
Mener une enquête…
« C’est le point de départ incontournable, souligne un gestionnaire de flotte du Grand Est qui travaille dans le BTP. Ce dernier souhaite garder l’anonymat car sa direction n’a pas encore validé son projet. J’ai mené une enquête interne en m’appuyant sur l’outil de questionnaire Google Forms. Mon service informatique m’a épaulé. » Mais ce responsable conseille de se faire aider par un professionnel des sondages. « C’est un vrai métier et il m’a parfois manqué des informations importantes. Je n’avais pas, par exemple, pensé à questionner les salariés qui précisaient n’utiliser aucun mode de transport. Il n’y avait pas non plus de ligne sur comment les salariés viennent au travail », illustre ce gestionnaire.
Avec cette étude, un employeur peut notamment mesurer combien de salariés habitent à moins de 10-12 km de leur entreprise. Soit le plus souvent la distance maximale à partir de laquelle un collaborateur ne se montrera pas intéressé par le vélo. « Il faut ensuite vérifier combien de salariés sont intéressés, note Jean-Christophe Melaye, dirigeant de Bee.Cycle, un prestataire qui propose des solutions de mobilité alternatives et principalement le vélo. Puis, on analysera les accès sécurisés pour rejoindre les bureaux ou l’existence ou pas de parkings sécurisés pour les deux-roues », poursuit Christophe Melaye. C’est ce que l’on appelle le diagnostic de l’entreprise. On y compilera aussi des informations sur les transports en commun qui mènent au site de l’employeur, sur la distance au centre-ville, à la gare, etc.
… et analyser les résultats
« Nous avons réalisé notre plan vélo-mobilité en juin 2022. Nous avons ainsi constaté que la moitié de nos collaborateurs qui employaient une voiture pour se rendre au travail se montraient “ouverts” aux nouvelles mobilités en général, et au vélo en particulier. Nous avons alors sollicité un prestataire et nous avons décidé de louer ses vélos dont le prix maximal ne devait pas excéder 2 700 euros », relate Stéphane Kolb, directeur général adjoint – gouvernance opérations et transition énergétique, de la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique. Cette entité regroupe 2 000 collaborateurs, 215 agences et dix centres d’affaires à Bordeaux, Dax, Limoges et Niort pour les plus importants.
Étape 3 : consulter les collaborateurs
Cette étude quantitative pour cartographier les forces en présence doit se coupler avec une étude qualitative. Cette dernière prendra l’aspect d’ateliers qui réuniront un panel de salariés afin de récolter leurs envies, leurs difficultés mais aussi leurs solutions. Il faut prendre le pouls du terrain avec des thématiques comme les trajets alternatifs, ceux domicile-travail, ceux concernant le professionnel ou les déplacements des visiteurs. Des idées sont alors émises et la démarche se conclura par une réunion globale pour déterminer les idées et solutions les plus judicieuses.
Ce travail effectué, il faudra enfin définir un catalogue de vélos. « Je préconise de ne proposer qu’une liste restreinte de cinq à dix deux-roues, avance Jérôme Blanc, co-fondateur de Tim Sports, une société de location longue durée de vélos. Avec un catalogue limité, on peut alors, en cas de démission d’un salarié, repositionner un vélo pour un autre collaborateur », recommande ce prestataire.
Étape 4 : mettre en place les actions
À l’issue de l’étude de mobilité et du « brain storming », une série d’actions va se détacher. « Dans notre plan de mobilités douces, commente une gestionnaire de flotte parisienne, nous listons une dizaine d’actions pour permettre aux collaborateurs de choisir le bon vélo et la bonne façon de le pratiquer en toute sécurité avec des ateliers de prévention routière. In fine, notre but est de décrocher le label Employeur Pro-Vélo », poursuit cette responsable. Cette dernière préfère ne pas être nommément citée alors que son plan n’a pas été validé par les instances représentatives du personnel.
Ce label Employeur Pro-Vélo se veut une sorte de « visa » qui doit inciter salariés, fournisseurs et clients à recourir au vélo pour leurs trajets domicile-travail et professionnels. Il valorise aussi les sites employeurs qui mettent en œuvre des actions ambitieuses, spécifiques au vélo et conformes au cahier des charges élaboré par la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB).



Parmi les 45 salariés de la société de conseil parisienne Agama, quinze personnes ont fait le choix de recourir au vélo pour circuler. Avec, pour chaque vélo loué, un casque, un gilet fluo, un cadenas, une assurance et une révision annuelle.
Décliner les mobilités douces
Ce plan vélo peut aussi déboucher sur une analyse plus poussée des mobilités douces en entreprise. « Avec notre politique vélo, nous avons pu travailler les mobilités douces dans leur ensemble, explique un responsable de parc de la région de Toulouse, lui aussi anonyme. Nous avons donc ajouté au plan vélo une politique pour développer l’autopartage ou la location interne des véhicules de service ou de fonction, à destination de salariés qui souhaitent bénéficier d’un véhicule le soir, le week-end ou les vacances. Il pourrait aussi être question de tickets de transport en commun disponibles à la réception pour des collaborateurs qui en auraient besoin. Nous réfléchissons enfin au crédit mobilité pour substituer à la voiture de fonction de l’argent destiné à la mobilité. Nous travaillons au renoncement à la voiture de fonction de nos collaborateurs par tous les moyens possibles », résume ce gestionnaire.
Du pragmatisme
Ce sera aussi le moment d’aborder toute une série de questions pragmatiques. « Il ne faut pas oublier de prévoir des parkings sécurisés et le volet formation pour que les salariés découvrent les accès les plus sûrs, les coins dangereux ou les pistes cyclables accessibles », conseille Jean-François Dhinaux, dirigeant d’Azfalte, un prestataire qui intègre le vélo dans les politiques mobilité de ses clients.
Étape 5 : lever les freins au plan vélo
Mais ce plan vélo, comme toute nouvelle façon de faire, rencontre parfois des oppositions. Le principal frein au vélo en entreprise est résumé par Olivier Girault, dirigeant de la société de cyclologistique Toutenvélo et président de l’association Les Boîtes à Vélo. Cette association nationale promeut la cyclomotricité professionnelle, avec 450 adhérents dont le nombre de salariés oscille entre 1 et 250.
« Du côté des entreprises, synthétise Olivier Girault, la plus grande crainte avec le vélo tient en premier lieu à la sécurité. C’est pourquoi l’association Les Boîtes à Vélo propose le programme de trois heures ma “cycloentreprise” qui s’adresse aux PME. Il s’agit de former les collaborateurs à la sécurité avec une partie théorique, puis de passer à une phase pratique pour qu’ils s’approprient par exemple l’usage des vélos cargos. C’est une très bonne manière de mesurer la simplicité de ces engins, détaille ce responsable. En second lieu, toujours par le biais de ce cursus, nous en profitons pour montrer les capacités de transport de ces vélos cargos. Les stagiaires s’aperçoivent alors qu’ils peuvent aisément renoncer aux fourgonnettes. C’est idéal pour les professionnels qui circulent au sein d’une agglomération sur un rayon de 10 km », souligne Olivier Girault.
La sécurité en question
Mais certaines entreprises refusent de sauter le pas. C’est le cas d’Orange. Alexandre Nepveu y est chargé de projets mobilités pour le groupe, à la tête de 15 300 véhicules sans aucun vélo. « Nous avons expérimenté une flotte de vélos sur quelques sites, mais nous avons abandonné sur une décision de notre direction des assurances, précise-t-il. Nous avons alors décidé de soutenir financièrement nos salariés propriétaires de vélo dans leurs trajets domicile-travail, mais pas de disposer d’un parc de deux-roues en interne. »

Orange fait aussi appel au forfait mobilités durables pour offrir à ses salariés 400 euros par an au maximum. Dans cette enveloppe, tout peut se cumuler : transports en commun, vélo, covoiturage, sans donc dépasser les 400 euros. Dans cet écosystème, le covoiturage peut se faire par le biais du fournisseur de solutions Klaxit. Pour sa part, l’autopartage s’appuie sur une flotte à destination des trajets professionnels, avec un système de location courte durée afin que les salariés puissent emprunter les véhicules le soir ou le week-end. Mais pas de vélo !