Pneumatiques : les gestionnaires mettent la pression

Morose le marché du pneumatique ? Selon les derniers résultats du Syndicat des professionnels du pneu, l’année 2012 s’est conclue avec une réduction des volumes de ventes de 2,5 % pour les pneus de véhicules tourisme, 4X4 et camionnettes (TC4). Une diminution en partie compensée par les bonnes performances des produits à forte valeur ajoutée, comme les pneus hiver qui progressent de 12,9 % sur l’année et limitent le recul du chiffre d’affaires du secteur à – 0,3 %. « Le marché du pneumatique hiver a progressé de 9 points en quatre ans », confirme Thomas Blanchet, responsable flotte tourisme et camionnette chez Michelin.

Dans ce contexte, les acteurs du marché se mobilisent pour défendre et développer leurs parts de marché. Du côté des enseignes de réparation, les flottes d’entreprise sont particulièrement visées. Pour les conquérir, certaines attaquent frontalement le principal obstacle sur leur route : les loueurs. Créée par des anciens du manufacturier Continental, l’enseigne Pneus Wyz annonce ainsi des économies de 30 à 40 % sur le coût des pneumatiques par rapport aux loueurs longue durée.

Spécificité de cette enseigne créée en 2009, c’est un « pure player », autrement dit : on ne la trouve que sur internet. Pour faire réaliser le changement de pneus, il faut s’adresser à un garage qui a signé un partenariat avec le site. Celui-ci effectue strictement les opérations déterminées en amont par le gestionnaire de flotte. Pneu Wyz annonce s’être associé avec un millier de partenaires en France. Des garages de proximité le plus souvent, à même d’assurer les prestations de remplacement, voire le stockage des pneus hiver et été.

« Notre flotte est composée de 280 véhicules dont une cinquantaine de VU dérivés de VP et des véhicules de fonction. Auparavant, les pneus étaient inclus dans le contrat de location. Or nous nous sommes aperçus que ce poste n’était pas du tout géré par le loueur et le plus souvent surfacturé. Non seulement l’entreprise payait sur la durée du contrat des changements qui n’étaient pas toujours effectués mais à la restitution du véhicule, les pneus changés nous étaient facturés », relate Frédérique Drillon, responsable des achats de l’agence d’intérim Start People. Qui a fait le choix en 2010 de faire appel à Pneu Wyz.

Internet rebat les cartes du marché du pneu

Fabrice Chevillat, responsable des 410 véhicules de la flotte de Paritel, ne dit pas autre chose. Dès son arrivée au sein de l’opérateur télécom à la mi-2012, il a choisi de sortir les pneus de son contrat de location pour les confier à Speedy. Une enseigne avec laquelle il avait travaillé dans son poste précédent. « Les loueurs facturent des pneus mais souvent, les conducteurs n’en consomment pas la totalité, ce qui n’est pas remboursé en fin de contrat. Et nous n’avons aucune visibilité sur ce qui se passe réellement. Parfois, des pneus excédentaires au contrat sont facturés sans explication », détaille-t-il. Et les gains sont là : « En gestion directe, nous réalisons entre 20 et 25 % d’économie », constate le responsable.

Outre la facturation excessive, cette absence de visibilité sur la consommation des pneus constitue un outil de moins pour bien comprendre le comportement de conduite des salariés. « On ne peut pas connaître la moyenne d’utilisation et en déduire l’usage du véhicule, pour mettre ensuite en place le travail préventif nécessaire quand il y a des dérapages d’un conducteur sur sa consommation », poursuit le responsable de Paritel. Reste que sortir les pneus du contrat de location n’est pas anodin : si l’opération génère des gains, elle peut se révéler coûteuse en temps pour le gestionnaire de flotte.

Gérer les pneus en direct ou avec un loueur ?

Bien conscientes de cette surcharge de travail, les enseignes déploient des outils pour faciliter la tâche. En termes de personnel tout d’abord. Dans les enseignes, des équipes se consacrent uniquement aux flottes. « Nous disposons de trois équipes, explique Vincent Lugagne, directeur de l’activité clients professionnels chez Euromaster. Pour les flottes de plus de 200 véhicules, une équipe de responsables des grands comptes établit des accords avec les gestionnaires de parc, avec en soutien une équipe de chargés de gestion de ces accords. Sur le terrain, pour des flottes régionales de moins de 200 véhicules, une équipe de commerciaux construit des cahiers des charges et élabore des outils personnalisés. »

Personnaliser les contrats, c’est aussi assurer les gestionnaires d’une maîtrise accrue de ce poste de dépenses. « Nous allons dans le sens du décideur du parc, insiste Rodolphe Noulin, directeur des flottes entreprises chez Speedy. Certaines sociétés signent des accords “full services”, c’est-à-dire tous produits, sans limites de consommations, tandis que d’autres souhaitent limiter les services autorisés. Avec notre interface, nous identifions la quantité et les marques de pneus autorisés. »

Des services toujours plus pointus pour les clients

Car au fur et à mesure que les personnels des enseignes se spécialisent, les outils informatiques qu’elles proposent évoluent eux aussi. En dehors des opérations courantes comme la prise de rendez-vous, ces outils permettent d’affiner les contrats ou de gérer plus précisément les stocks. « Nous offrons un service de gardiennage des pneus hiver et été, avec un reporting sur leur état et une indication sur le millimètre de gomme restant, indique Philippe Rives, directeur grand comptes chez First Stop. L’entreprise sait où en est son stock de pneus : leur nombre et le niveau d’usure et le point de vente détenteur. Nous commercialisons également un service de transferts de pneus d’un centre à un autre pour qu’ils servent à un autre conducteur. »

Autre outil qui devrait se généraliser : le reporting élaboré sur la base des éléments du nouvel étiquetage des pneus. « Nous nous structurons pour élaborer des reportings avec le détail des informations sur la consommation, la distance de freinage, le bruit des pneus, note-t-on chez Euromaster. Nous pouvons apporter une traçabilité et aider les gestionnaires de flotte à prouver leur engagement sur ces critères. »

Des outils de reporting et de facturation

Enfin, parmi les outils déployés pour affiner la gestion du poste pneus, les indispensables éléments de back-office. « Nous mettons en avant une facturation centralisée ou par centre de coût, en format papier et numérique selon une fréquence déterminée par le décideur. Et courant 2013, le site speedyfleet.fr va s’enrichir de nouveaux contenus accessibles en ligne, notamment un reporting des consommations », anticipe Rodolphe Noulin chez Speedy.

Mais si des outils de gestion virtuels peuvent contribuer à une baisse du coût du poste pneumatiques, l’optimisation passe aussi par le choix du bon modèle en fonction des usages. Un arbitrage particulièrement nécessaire pour les pneus hiver, garants de la sécurité des conducteurs mais aussi de la continuité de l’activité. Là encore le rôle des gestionnaires de flotte est essentiel pour guider les conducteurs. « Pour les pneus hiver, nous réalisons des plaquettes qui incitent à anticiper la monte. En effet, en France, nous ne sommes pas les mieux placés pour la fourniture de pneus par les manufacturiers », souligne Fabrice Chevillat pour Paritel.

Quant aux pneus employés dans des conditions normales, les gestionnaires attendent « une réponse complète à leurs attentes en matière de sécurité, longévité et économie de carburant », estime Thomas Blanchet chez Michelin. C’est dans cet esprit que le manufacturier propose aux gestionnaires de parc son nouveau produit : l’Energy Saver Plus.

À chaque usage son pneumatique spécifique

Selon Michelin, ce pneu économiserait 200 litres de carburant sur 45 000 km comparé à un pneu qui atteindrait son niveau de gomme minimal sur cette distance. Question sécurité, il gagnerait 1,20 m en longueur de freinage par rapport à la génération précédente. Pour la version utilitaires, le gain serait de 270 l sur 60 000 km et de 2 m au freinage.

Reste que tous les gestionnaires de flotte ne se tournent pas vers des produits premium. À la mairie de Lille, le budget pneus annuel est compris entre 40 et 50 000 euros. « Face aux restrictions budgétaires, la mairie a revu sa politique d’achat, rappelle Sébastien Lautrie, chef du service transport garage de la ville. Sur les conseils de son prestataire Deka Pneu mais aussi des mécaniciens en interne, la mairie, qui s’orientait jusqu’ici vers des pneus premium, recourt maintenant à des marques moins chères. « Un changement qui n’affecte pas le comportement routier des véhicules puisqu’ils roulent principalement en ville et font très peu de kilomètres, environ 8 000 km en moyenne annuelle », poursuit Sébastien Lautrie.

Là encore, les prestataires souhaitent répondre à cette évolution de la demande. « Nous pouvons préconiser les pneus en fonction de l’usage des véhicules, avance-t-on chez Euromaster. Des premium pour les collaborateurs qui roulent le plus et d’autres marques pour les usages urbains, les roulages moins intensifs, les véhicules les plus âgés ou les activités présentant le plus de risques de casse. »

Des orientations vers des produits moins coûteux qui pourraient bien contribuer à modifier encore les courbes des résultats des manufacturiers en 2013…