
Alors que l’hiver 2022 approche à grands pas, de même que sa neige qui peut coûter cher aux pneumatiques, comment va se passer l’An II de la loi Montagne qui s’applique aux pneus depuis l’année dernière ? C’est la question que se posent les prestataires spécialistes du pneumatique, après une première saison hiver réussie sous le régime de cette loi. En 2022, les entreprises vont-elles continuer à s’équiper à un rythme aussi élevé que celui constaté à l’automne dernier ? Pour de nombreuses enseignes, la réponse se veut plutôt optimiste. « Nous sommes dans une forme de continuité », constate Stéphane Touquet, responsable grands comptes chez P...
Alors que l’hiver 2022 approche à grands pas, de même que sa neige qui peut coûter cher aux pneumatiques, comment va se passer l’An II de la loi Montagne qui s’applique aux pneus depuis l’année dernière ? C’est la question que se posent les prestataires spécialistes du pneumatique, après une première saison hiver réussie sous le régime de cette loi. En 2022, les entreprises vont-elles continuer à s’équiper à un rythme aussi élevé que celui constaté à l’automne dernier ? Pour de nombreuses enseignes, la réponse se veut plutôt optimiste. « Nous sommes dans une forme de continuité », constate Stéphane Touquet, responsable grands comptes chez Point S. « Nous attendons une seconde vague, d’autant que cette année, il devrait y avoir des sanctions dans le cadre de la loi Montagne », confirme Laurent Decallonne, directeur commercial de Feu vert Entreprises.
La loi Montagne fait son entrée
Rappelons que le gouvernement avait annoncé, quelques jours seulement avant l’application de la loi Montagne à partir du 1er novembre 2021, qu’il n’y aurait pas de sanction pour la saison qui s’ouvrait alors. Pour répondre aux impératifs de cette loi, l’essentiel des grands comptes ne s’en est pas moins équipé l’an dernier, note Benjamin Filippi, directeur d’Eurofleet. Mais dans la catégorie du BtoC, dans laquelle Eurofleet intègre les petites entreprises, « beaucoup ne l’ont pas fait », souligne ce responsable. Pour mémoire, le réseau Eurofleet rassemble les points de vente de trois enseignes, Speedy, Firststop et Côté Route.
Dans leur ensemble, les entreprises semblent donc avoir compris l’enjeu de cette loi Montagne. Certes, il a fallu beaucoup expliquer l’an passé, mais le message a été reçu. Pour la plupart des entreprises qui se trouvent dans les 48 départements concernés par la loi, il n’y a pas d’enjeu réel. Elles restent fidèles à l’alternance entre pneus été et hiver. Et tous les prestataires le soulignent, le segment des pneus hiver a poursuivi sa progression mesurée. D’autres entreprises se sont limitées à une alternative simple : ou elles sont passées aux pneus quatre saisons, ou elles ont conservé les pneus été, tout en se dotant des équipements spéciaux autorisés par la loi pour circuler dans les zones blanches pendant l’hiver, soit les chaussettes et les chaînes.
Une difficile mise en œuvre
Au vu de ces fonctionnements, la pleine application de la loi Montagne cette année ne devrait pas changer la donne. Mais si la décision d’équipement paraît simple à prendre, la mise en œuvre l’est beaucoup moins. « Les entreprises souhaiteraient une modélisation plus uniforme de ce qu’il faut faire, ce qui n’est pas toujours possible compte tenu de la diversité des flottes », note Laurent Decallonne pour Feu vert Entreprises. Illustration à l’appui : « Nous avons un client à la tête d’un parc de 800 véhicules. 200 d’entre eux passeront aux pneus hiver au moment où la loi Montagne s’appliquera, le reste s’équipera en chaussettes. Mais un modèle ne répond pas à tous les besoins : pour telle dimension de pneu, il faut telle chaussette. Et il faut aussi tenir compte du constructeur qui peut signaler que telle chaussette ne convient pas », expose Laurent Decallonne.
Un constat que valide Lionel de Septenville, directeur commercial de Continental Fleet Solutions : « Les équipements spéciaux, comme les chaussettes et les chaînes, conviennent mieux aux petites entreprises. Ils sont plus difficiles à gérer dans les grandes flottes du fait de la multiplicité des dimensions. Ils restent néanmoins une solution facile pour s’adapter immédiatement à la réglementation. »
Mais pour les flottes, la situation devient complexe dans un contexte de spirale inflationniste. « Les entreprises subissent les hausses comme nous les subissons. Il y a déjà eu plusieurs hausses des tarifs des pneus cette année, et il faut compter aussi avec celles des prestations, de l’électricité, etc. », commente Jean-Philippe Duhoux, directeur commercial de Wyz Group, spécialiste de la vente et de la gestion de pneus en ligne.
Les pneus hiver en 2022 : changer de gamme ?
Et dans ce contexte, les solutions sont tout sauf évidentes. Il y a bien le changement de gamme, mais les prestataires remarquent que leurs clients ne le réclament pas : les flottes habituées aux pneus premium ne descendent pas par exemple vers le milieu de gamme. Pour l’instant… Et si elles ont du mal à accepter les fluctuations de prix, elles ne basculent pas non plus vers des gammes inférieures, pointe Coralie Mercier, responsable du marché pneumatique chez Norauto.
« Nous sommes dans une situation exceptionnelle, nous commençons aussi à trouver des réponses exceptionnelles, avance pour sa part Cécile Vasquez, directrice des opérations chez Viasso. Nous concentrons notre politique commerciale sur quelques marques, mais nous proposons un choix plus large afin d’être le plus agile possible. Les prix augmentent mais pas au même moment, ni avec la même amplitude. Cela nous laisse des opportunités. »
Anticiper les besoins
Cette agilité peut contrebalancer une rigidité propre au marché des pneus. D’année en année, celui-ci se structure en effet autour des précommandes, lesquelles vont orienter, au moins en partie, la fabrication des pneus. « Nous nous engageons sur des quantités précises, cela rassure les manufacturiers », témoigne Benjamin Filippi pour Eurofleet. Un engagement précis que la première année d’application de la loi Montagne a renforcé : les prestataires ont voulu stocker au maximum pour faire face à la demande et cela leur a globalement réussi, en dépit de quelques accrocs ici et là. « Bien que nous estimions au mieux nos besoins, nous pouvons avoir besoin de réassort », nuance Benjamin Filippi. Dans un contexte peu sûr, estimer les besoins devient de fait un exercice difficile.
Cette complexité se renforce par un nombre de références qui va croissant. « De nouveaux types de véhicules arrivent sur le marché, électriques notamment, avec des dimensions différentes. Nous avons fait des précommandes mais n’avons aucune certitude », relate Benjamin Filippi. Autre élément qui modifie la façon d’établir les prévisions de commandes, le succès des quatre saisons. « On fabrique ces pneus toute l’année alors que la fabrication des pneus hiver se fait en été, si bien que le réassort est plus facile pour les premiers que pour les seconds », reprend Benjamin Filippi.
Le succès des quatre saisons
Le réassort est peut-être plus difficile pour les pneus hiver, mais l’essor des quatre saisons apporte, en termes de gestion de stock globale, une respiration bienvenue. Selon Benjamin Filippi, les manufacturiers ont produit en 2022 un peu plus de pneus quatre saisons, un peu moins de pneus hiver. Ces quatre saisons sont plébiscités par le marché, « mais ils ont du mal à prendre sur le segment des flottes, explique Coralie Mercier pour Norauto.
Car ces flottes souhaitent offrir le meilleur en matière de sécurité. Pourtant, les quatre saisons ont progressé technologiquement et ils tiennent de mieux en mieux sur les routes enneigées », souligne cette responsable. L’enseigne Norauto s’est d’ailleurs positionnée sur ce marché avec son propre pneu quatre saisons. « Nous le plaçons en milieu de gamme pour les tarifs, avec une qualité de type premium », argumente Coralie Mercier.
Pour Lionel de Septenville chez Continental, le marché s’oriente clairement vers les quatre saisons. « Sur un marché du pneu stable, qui devrait se situer entre – 2 % et + 1 % en 2022, les quatre saisons devraient prendre environ 35 %, avec des hausses plus élevées sur des segments comme les berlines ou les VUL, alors que les pneus hiver devraient connaître une légère augmentation du fait des besoins des flottes dans les zones blanches. Et c’est sur le segment des pneus été que les parts de marché seront prises », détaille Lionel de Septenville.
Une affaire de stockage
Le pneumaticien Continental se déclare serein quant à la production de pneus pour le prochain hiver et ne voit pas de risque de pénurie. Le seul risque, craint par l’ensemble des prestataires, reste un épisode neigeux fort, rappelle Lionel de Septenville.
En plein contexte de crise, les prestataires cherchent donc à ancrer leur activité le plus solidement possible dans un marché par définition incertain et très dépendant de la météo. « Les manufacturiers ont toujours un peu de mal à produire », pointe Jean-Philippe Duhoux pour Wyz Group. Aussi, les prestataires travaillent-ils en fonction de leur savoir-faire et de leur expérience. Et l’acquis de la première année d’application de la loi Montagne les incite à reconduire leur stratégie d’anticipation et de stockage.
Voire à l’améliorer, puisque du côté des équipements spéciaux, en particulier les chaussettes, ils stockent pour ne pas être pris au dépourvu comme en 2021. « Il faut continuer à anticiper les besoins afin d’éviter la surcharge des ateliers. C’est un message toujours compliqué à faire passer, souligne Jean-Philippe Duhoux. Nous avons subi cette situation en 2021 mais elle s’est améliorée depuis. Il y a actuellement une disponibilité des manufacturiers pour les remplacements, compte tenu des difficultés liées aux ventes de véhicules neufs. Mais si la première monte repart, on peut craindre de nouvelles tensions », prévient Jean-Philippe Duhoux.
Du gardiennage des pneus…
L’an dernier, l’un des axes de préparation à la loi Montagne a été la logistique, pour livrer les pneus en temps et en heure et assurer les opérations de démonte et de monte des pneus hiver. Et qui dit logistique pour les pneus hiver dit gardiennage. En 2021, les prestataires ont ainsi concentré leurs efforts sur les zones blanches et limitrophes, les fameux 48 départements concernés par la loi. Et les prestataires ont poursuivi la démarche destinée à renforcer leur logistique, avec des stratégies différentes.
Feu Vert Entreprises a par exemple décidé d’externaliser le gardiennage des pneus, « au lieu de les stocker dans les centres automobiles », précise Laurent Decallonne. Une façon de décharger les ateliers de ce stockage. Mais cela n’empêche pas les prestataires qui ont d’assez d’espace de stocker les pneus hiver/été. Et dans les régions blanches, nombre de centres Feu Vert sont en capacité de stocker et donc d’assurer sur place les opérations de monte et démonte, note Laurent Decallonne.
… à leur transfert
Norauto, pour sa part, centralise une partie de ses stocks dans son nouvel entrepôt, à Meung-sur-Loire, dans le Loiret. « Cet entrepôt nous permet d’envoyer les pneus dans toute la France », avance Coralie Mercier. Les centres qui le peuvent continuent toutefois de stocker s’ils le souhaitent. Mais plus que le stockage des pneus, c’est la capacité à les transférer au bon moment et au bon endroit qui prime, soit les flux entre ces différents points de stockage. Ce n’est donc pas un hasard si Feu Vert a confié cette tâche à un logisticien.
La capacité à bien gérer ces transferts reste en effet indispensable au bon fonctionnement des opérations de monte et de démonte. Une flotte se renouvelle et il faut pouvoir remonter des pneus hiver ou été à un autre endroit que là où ils ont été démontés. La bonne gestion des pneus gardiennés, et surtout de ceux qui ne sont pas remontés sur leur véhicule d’origine, semble de fait être un souci plus marqué cette année que les années passées.
« Il n’est pas question de laisser les pneus quelque part, cela représente une perte sèche », confirme Stéphane Touquet pour Point S. En ces temps où toute recherche d’optimisation est incontournable, le sujet de la gestion des pneus revient donc sur la table. « La loi Montagne a sensibilisé les entreprises à cette problématique », note Stéphane Touquet. Une problématique qui n’en reste pas moins délicate à traiter.
Une logistique complexe
« Il faut connaître les marques, les modèles, le taux d’usure des pneus », énumère Jean-Philippe Duhoux pour Wyz Group. Et quand bien même le prestataire a en main tous les outils numériques nécessaires, il faut s’occuper de la logistique. « Retrouver les pneus, c’est facile, organiser leur transfert est beaucoup plus lourd », complète Jean-Philippe Duhoux.
« Nous faisons en sorte de sensibiliser les conducteurs au fait qu’il existe des pneus gardiennés et qui le sont parfois depuis longtemps. Nous avons parfois de mauvaises surprises quand nous sommes obligés de mettre ces pneus aux déchets. C’est une situation à laquelle peuvent se trouver confrontés des points de vente, constate Benjamin Filippi pour Eurofleet. Pourtant, nous transmettons régulièrement des fichiers de gardiennage, qui récapitulent tout : quels sont les pneus gardiennés avec quelle profondeur de gomme. Mais pour un gestionnaire de flotte, il n’est pas facile de s’adresser à l’ensemble de ses conducteurs sur ce sujet précis », reprend Benjamin Filippi. « Il faut une relation étroite entre ce gestionnaire et son réseau », renchérit Laurent Decallonne pour Feu Vert Entreprises.
L’apport des outils
Pour faciliter la gestion de cette logistique, Wyz Group a conclu un accord avec la start-up CaRool, créatrice d’une application de mesure de l’usure des pneus. Une application aussi capable de mettre en relation le conducteur et son prestataire si le diagnostic nécessite une intervention de ce dernier.
De son côté, pour les opérations de monte et démonte à anticiper, Eurofleet va reconduire le dispositif mis en place en 2021 pour ses clients grands comptes. Ce dispositif consiste à appeler directement les collaborateurs d’une entreprise pour prendre un rendez-vous. Et parmi les services connexes à ces prestations de monte et de démonte, signalons le succès croissant de toutes les prestations liées au convoyage et aux ateliers mobiles qui déchargent les conducteurs de certaines tâches. Un axe de travail central pour les enseignes.
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