
Dans un marché qui dépend du temps qu’il va faire, l’incertitude fait partie intégrante des règles du jeu. Celui des pneus hiver tente de se structurer bon an mal an en tenant compte de cette imprévisibilité due à la météo. Et cherche chaque année la meilleure anticipation possible afin que la période hivernale s’organise au mieux pour la démonte et la démonte des pneus été et hiver.
Mais un autre paramètre vient brouiller encore un peu plus la visibilité que les acteurs de ce métier peuvent avoir sur les commandes de pneus hiver : l’irruption des pneus 4 saisons.
Les pneus 4 saisons se font une place
Cantonnés l’an passé à une sorte de round...
Dans un marché qui dépend du temps qu’il va faire, l’incertitude fait partie intégrante des règles du jeu. Celui des pneus hiver tente de se structurer bon an mal an en tenant compte de cette imprévisibilité due à la météo. Et cherche chaque année la meilleure anticipation possible afin que la période hivernale s’organise au mieux pour la démonte et la démonte des pneus été et hiver.
Mais un autre paramètre vient brouiller encore un peu plus la visibilité que les acteurs de ce métier peuvent avoir sur les commandes de pneus hiver : l’irruption des pneus 4 saisons.
Les pneus 4 saisons se font une place
Cantonnés l’an passé à une sorte de round d’observation de la part des professionnels, ces pneus ont entamé cette année une progression. Une dynamique plutôt inattendue tant les prestataires semblaient convaincus il y a un an que ce produit n’intéresserait que marginalement les flottes.
Difficile cependant d’évaluer précisément l’ampleur de ce mouvement qui dépend pour beaucoup de l’expérience des prestataires. « Près de 25 % de nos clients ont commandé des pneus 4 saisons et cette proportion atteint 35 % auprès des flottes », témoigne Cyril Caillol, responsable franchise et flotte d’entreprise d’Allo Pneus. Mais cette enseigne est très implantée auprès des PME, ceci expliquant au moins en partie cela.
D’autres prestataires, à l’image de First Stop, tout en reconnaissant l’émergence d’un véritable segment de marché, évalue la part de ces pneus 4 saisons à quelque 3 %, selon Richard Bardonnet, directeur marketing véhicules légers. Une proportion que l’on retrouve chez d’autres grands noms de la distribution. Chez Feu Vert Entreprises, cette part reste inférieure à 10 % mais la croissance est forte, précise Laurent Decallonne, directeur commercial, et le seuil des 15 % pourrait être atteint l’année prochaine.
Mais derrière les chiffres, l’essentiel est de comprendre l’impact de ce que certains considèrent désormais comme le troisième segment du marché des pneus sur les deux autres, ceux des pneus été et hiver. « C’est plutôt une bonne nouvelle, cela permettra d’apporter une réponse plus ciblée à la demande de nos clients », estime pour sa part Hervé Dabin, P-DG de Vulco.
Pour leurs utilisateurs, le principal atout des pneus 4 saisons demeure de s’épargner la monte et la démonte des pneus hiver, ainsi que leur gardiennage – des prestations coûteuses et chronophages. Partant du principe qu’ils conviennent à tous les temps dans des régions où le climat l’autorise et où les épisodes de neige et de grand froid sont rares – l’Ouest de la France notamment –, ces pneus appelés aussi toutes saisons, correspondent aux attentes de certains profils d’entreprises ou de collectivités.
Le pneu 4 saisons, un produit hybride ?
« Nos clients tels que EDF ou La Poste mettent volontiers ce produit en avant », commente Didier Di Meglio, directeur des ventes marché pro d’Euromaster. Et ces pneus sont suffisamment performants pour répondre à des types de besoins, d’usages aussi, dans des régions géographiques précises. Dans les zones blanches, la question ne se pose pas, les clients professionnels restent fidèles à l’alternance été-hiver. Pour le reste, cela demeure l’objet d’évaluations qui vont se poursuivre.
« Il ne faut pas oublier que le pneu 4 saisons constitue un produit hybride, rappelle Rodolphe Noulin, directeur de Speedy. Ce n’est ni l’idéal l’été, ni l’hiver. » « Par rapport aux pneus hiver, les 4 saisons n’ont pas une traction identique sur la neige mais cette traction reste meilleure que celle des pneus été », explique Jean-Philippe Duhoux, directeur commercial de Wyzgroup. « Ces pneus assurent néanmoins la sécurité lors d’épisodes neigeux temporaires », précise Cyril Caillol d’Allo Pneus.
4 saisons : quand et comment s’équiper ?
Certains paramètres freinent au moins provisoirement le développement de ce segment 4 saisons. À commencer par des gammes de produits relativement limitées (voir l’encadré ci-dessous).
Autre difficulté pour les utilisateurs de pneus 4 saisons : savoir quand s’équiper. Ce qui peut représenter un casse-tête quand arrivent dans la flotte de nouveaux véhicules dotés de pneus été en septembre : il faut bien à un moment donné prendre la décision de changer les pneus avant l’arrivée de l’hiver. Mais si la décision penche pour les 4 saisons, que fait-on des pneus été ? « Il faut les réattribuer dans la flotte mais il n’y a aucune garantie de pouvoir le faire intégralement. Quoi qu’il en soit, nous recommandons de mettre les 4 saisons dès lors qu’un changement de pneus est à effectuer », préconise Jean-Philippe Duhoux.
Autre contrainte, cette fois pour les prestataires, l’impact sur le stockage, déjà difficile avec la pléthore de dimensions et de modèles existants avec les pneus été et hiver. « Le stockage devient de plus en plus complexe, il faut avoir des gammes suffisamment larges pour répondre à la demande liée aux dimensions qui arrivent en permanence sur le marché selon les cahiers des charges imposés par les constructeurs aux manufacturiers », détaille Rodolphe Noulin pour Speedy.
« Les manufacturiers eux-mêmes stockent moins de pneus et nous demandent de les stocker. Mais nous devons aussi faire attention aux surstocks. Les distributeurs sont pris en étau », déplore Pascal Gradassi, directeur commercial de Point S.
Le stockage toujours en question
« Cela reste en effet un enjeu, nous sommes conduits à surstocker pour disposer du bon produit et de la bonne dimension. D’où l’importance des opérations spéciales pour ajuster les stocks », confirme Laurent Decallonne pour Feu vert Entreprises.
Enfin, lors de l’arrivée de la saison froide, les campagnes d’équipement massif sont planifiées très en amont par les entreprises et leurs prestataires. Ce qui pose une question : les pneus 4 saisons sont-ils susceptibles d’affaiblir à terme cette organisation, qui reste d’année en année à parfaire, en introduisant une variable d’incertitude supplémentaire ? Peut-être faudra-t-il un jour une anticipation globale qui concerne aussi bien les pneus hiver que les pneus toutes saisons.
Pour l’instant, les prestataires préparent activement avec leurs clients flottes la prochaine saison. Dans un contexte où le segment des pneus hiver, stable en volume, pèse dorénavant un peu moins de 15 % du marché contre 18 % il y a trois ans environ, selon des chiffres avancés par Pascal Gradassi.
Chaque année, le principe reste inchangé : en planifiant sur des périodes données la monte des pneus hiver, les entreprises et les collectivités s’assurent de la disponibilité des produits et d’une opération optimisée sur un délai précis, sans perdre de temps et sans attendre le dernier moment. Cette anticipation se fait parfois en ligne sur des sites spécialisés, ou par le biais de fonctionnalités comme le carnet d’entretien connecté fourni par Euromaster.
Cette démarche est aussi facilitée par le rôle croissant des prestations sur site parmi les prestataires, toujours plus nombreux à les proposer. Avec à la clé des ateliers mobiles qui, de surcroît, parviennent à intervenir en sous-sol, à l’instar d’Allo Pneus et de First Stop. Une prestation appréciée dans les zones très urbanisées dont la région parisienne où la place manque.

Des ateliers mobiles en sous-sol
Une fois les opérations de montage organisées et menées à bien se pose la question du gardiennage, là aussi un service assuré depuis plusieurs années et pour lequel les prestataires continuent de chercher la meilleure formule. Garder les pneus été l’hiver, et les pneus hiver le reste du temps, requiert des capacités de stockage et une logistique solides.
Pour Pascal Gradassi, il est important de stocker les pneus dans les points de vente du réseau, ce que fait Point S, et non dans des entrepôts éloignés de ces points de vente : « Le transport des pneus a un coût non négligeable. Par ailleurs, le fait de les stocker dans les points de vente permet à l’utilisateur de pouvoir passer à l’improviste les récupérer. Les pneus sont référencés selon leurs immatriculations si bien que l’on peut dire à tout utilisateur dans quel centre ils se trouvent. Cela résout la question des stocks morts et évite les doubles investissements. »
Les stocks dormants, sujet complexe
Les stocks morts, ou stocks dormants, sont aussi l’un des soucis rencontrés lors du gardiennage, alors qu’une flotte vit et se renouvelle, notamment dans le cadre de la LLD. « 30 % de la flotte est renouvelée en moyenne chaque année », affirme ainsi Didier Di Meglio. En précisant que les pneus sont souvent de même dimension, ce qui réduit les stocks dormants à quelques pourcents. Un chiffre suffisant cependant pour que l’on s’en préoccupe. Euromaster s’appuie sur un référencement par dimensions. « Dans les grandes flottes, beaucoup de pneus possèdent la même dimension. Nous nous chargeons donc de les écouler avant d’en acheter d’autres », poursuit Didier Di Meglio.
Si les prestataires évoquent volontiers ces stocks dormants, c’est aussi pour en souligner la complexité. Stocker est une chose, réemployer des pneus de dimensions identiques sur un autre véhicule en est une autre. « C’est très onéreux, cela engendre de la logistique et des processus avec autorisation des gestionnaires de flotte. C’est une mécanique difficile à construire. Le jeu en vaut-il la chandelle, et à quels prix ? », s’interroge Laurent Decallonne pour Feu Vert Entreprises.
Euromaster affirme ne facturer que le coût du transport selon un forfait qui ne tient pas compte de la distance. Mais dans d’autres offres, ce coût peut être élevé. Certains prestataires imposent des conditions, à l’instar de Speedy : « Si pendant 18 mois il n’y a pas de demande de restitution, les stocks en question sont détruits, rappelle Rodolphe Noulin. Les règles sont claires pour les deux parties dès le début, d’où l’importance de la traçabilité des pneus et des données de gardiennage. »
Des tarifs à la hausse en 2017
L’informatique peut ici donner un coup de pouce, à l’image de Wyzgroup qui recourt à un logiciel de gardiennage depuis l’an dernier : « Nos clients se montrent de plus en plus exigeants et nous demandent de réutiliser l’ensemble des pneus. Mais il y a toujours des pneus spécifiques pour véhicules spécifiques », explique Jean-Philippe Duhoux. Le prestataire parvient néanmoins à réattribuer 60 à 70 % des pneus. Une règle incontournable : le blocage de commandes de pneus neufs dès lors qu’il y a toujours des pneus en gardiennage.
L’autre évènement récent susceptible d’impacter la gestion des pneus hiver reste l’augmentation générale des tarifs en 2017 – tous segments confondus. Une progression qui s’est faite en deux temps, la première au début de l’année, la seconde courant mars et avril, d’en moyenne 5 %, mais avec des nuances importantes selon les segments et les modèles.
La raison officielle de cette hausse, après plusieurs années de tarifs plutôt stables, voire parfois en recul, est liée à l’augmentation des prix des matières premières. Mais d’autres motivations pourraient avoir conduit les manufacturiers à modifier leurs prix. Dont la volonté d’harmoniser les tarifs à l’échelle européenne alors que des différences notables subsistaient encore selon les marchés.
Pour les responsables de parc, cette évolution suppose de tirer les tarifs vers le bas pour en amoindrir les effets. En commençant par un sourcing plus ouvert aux marques standards dans le domaine des pneus hiver, un segment en général très largement dominé par les marques premium. « Ces marques standards ont connu de bonnes évolutions technologiques pour les pneus hiver », argumente Pascal Gradassi pour Point S. Un mix plus équilibré pourrait donc être une réponse.
Usure et géométrie des pneus : à surveiller
Pour optimiser le budget, l’autre idée soumise par les prestataires est d’être plus vigilant sur l’usure. Ce refrain, bien connu des conducteurs, prend tout son sens avec la gestion des pneus, et plus particulièrement celle des pneus hiver. « Quand on monte des pneus hiver, il faut plus encore surveiller la pression. Ces pneus s’usent plus vite. Si l’on veut les garder le plus longtemps possible, il convient aussi de permuter régulièrement les trains avant et arrière qui ne s’usent pas pareillement », avance Pascal Gradassi.
« Ces manipulations peuvent sembler basiques mais il faut les faire au bon moment : idéalement une fois par mois, mais tous les trimestres, c’est déjà bien, souligne de son côté Richard Bardonnet de First Stop. Pour éviter l’usure irrégulière, des contrôles de géométrie doivent être menés. Les pneus ne sont en effet pas toujours perpendiculaires à la route du fait des nombreux chocs auxquels ils sont soumis : nids de poule, trottoirs, etc. »
Ces contrôles de géométrie devraient avoir lieu deux fois par an, lors des changements de pneus, selon Richard Bardonnet. Mais comme avec la pression, ces contrôles ne sont pas toujours des faits acquis dans les flottes. « La prévention reste un enjeu important dans un contexte où l’usure est un sujet toujours très subjectif. Il dépend beaucoup des flottes et des comportements des conducteurs », estime Rodolphe Noulin pour Speedy..
En interne, les responsables de parc doivent donc tenir un discours pédagogique. Et ce sans oublier que les conducteurs sont soumis à des flux d’informations déjà considérables. Le contrôle de l’usure constitue avant tout un enjeu de sécurité, mais aussi économique. Les prestataires soulignent que ce contrôle participe à l’économie du pneu : par exemple, dès lors qu’un pneu hiver atteint 4 mm d’épaisseur, il est conseillé de le conserver en tant que pneu été. Les programmes de gestion de flotte, comme Master Control et Master Access d’Euromaster, tiennent compte à la fois de la sécurité et du rendement kilométrique, précise Didier Di Meglio.
Faire passer le message en interne
Ce contrôle est d’autant plus important que la tâche devient plus complexe : « Le mix dimensionnel continue d’augmenter et un véhicule moyen de gamme comme le Scénic s’équipe désormais de roues de 20 pouces. Un vrai changement qui impose, à nous spécialistes, de bien respecter l’équilibre des pneus », pointe Hervé Dabin pour Vulco. Il y a toujours du nouveau avec les pneus hiver…