
Pour les enseignes spécialistes du pneumatique, les derniers mois ont été complexes. En effet, tous les intervenants de ce marché étaient dans l’attente du ou des décret(s) d’application des dispositions contenues dans la loi dite « montagne II » du 28 décembre 2016, relative à l’équipement des véhicules confrontés à des conditions hivernales.
Loi montagne ou pas loi montagne ?
Cette loi montagne a choisi de donner le pouvoir de décision aux préfets, un pouvoir donné donc localement afin de s’adapter aux conditions climatiques très variées sur le territoire français. Avec une conséquence concrète : imposer ou non le passage aux pneus hiver...
Pour les enseignes spécialistes du pneumatique, les derniers mois ont été complexes. En effet, tous les intervenants de ce marché étaient dans l’attente du ou des décret(s) d’application des dispositions contenues dans la loi dite « montagne II » du 28 décembre 2016, relative à l’équipement des véhicules confrontés à des conditions hivernales.
Loi montagne ou pas loi montagne ?
Cette loi montagne a choisi de donner le pouvoir de décision aux préfets, un pouvoir donné donc localement afin de s’adapter aux conditions climatiques très variées sur le territoire français. Avec une conséquence concrète : imposer ou non le passage aux pneus hiver dans plusieurs régions, en fonction des conditions géographiques et météorologiques, du 1er novembre au 31 mars. Mais voilà : un communiqué de presse du ministère de l’intérieur, diffusé le 16 septembre dernier, a rappelé qu’« aucune obligation nouvelle n’entrerait en vigueur cet hiver sur ce sujet », contrairement à ce que mettaient en avant « plusieurs articles de presse, reprenant une publication très partagée sur les réseaux sociaux ». Et de spécifier : « Pour mémoire, la réglementation prévoit qu’un équipement spécifique des véhicules type chaînes est obligatoire sur les routes où est implanté le panneau “B 26“, et lorsque les routes sont enneigées. » Dont acte.
Reste à savoir si le ou les fameux décrets seront publiés et quand. Car leur application amènerait les entreprises à devoir adapter leurs véhicules et les distributeurs à repenser leurs stocks et leur organisation pour la monte et la démonte des pneus, et pour le stockage. Ce changement législatif arriverait en outre à un moment clé sur le marché, avec la percée des quatre-saisons. Présents depuis quelques années, ces pneus commencent à prendre leur place et tout laisse à croire que nous n’en sommes qu’au début. Pour une majorité de prestataires, l’application de la loi montagne aurait en effet conduit de nombreux clients à se tourner vers les quatre-saisons. C’est très vrai des particuliers, mais aussi pour une partie des entreprises et des professionnels. Les quatre-saisons sont de fait perçus comme un bon compromis dans de nombreuses circonstances, et notamment pour les entreprises dont les collaborateurs circulent beaucoup sur tout le territoire.
Pour les distributeurs, cette évolution vers les quatre-saisons risque de rendre plus ardu encore le casse-tête du stockage. Avec pour conséquence une complexité supplémentaire. Mais à terme, la percée des quatre-saisons finira sans doute par simplifier le stockage : ces gammes affichent un nombre de références plus restreint que celles des pneus été et hiver.
Quels pneus stocker ?
« Il y a quelques années, on stockait majoritairement des pneus été ; aujourd’hui, il faut avoir de nombreuses dimensions sur les trois types de pneus, été, hiver et quatre-saisons, explique Laurent Decallonne, directeur commercial de Feu Vert Entreprises, un spécialiste de l’entretien automobile venu sur le marché du pneu. Or, si nous n’avons pas le bon produit au bon moment, nous ratons la vente. » Feu Vert Entreprises travaille donc sur des stocks types établis d’après les ventes des derniers mois, et avec l’aide d’un module informatique qui génère un réassort automatique dans des circonstances bien précises. « Un point de vente vend deux pneus quatre-saisons d’un modèle précis : ce module regarde si cette référence fait partie des ventes phares et le réassort se fait automatiquement », illustre Laurent Decallonne.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier le rôle des manufacturiers : « Il est impossible pour une enseigne de disposer de toutes les gammes, de toutes les dimensions, de tous les indices de charge. D’où l’importance des manufacturiers pour bénéficier de possibilités de livraison rapide. Ils sont au fait de cette réalité et possèdent les moyens logistiques pour répondre à cette situation », souligne Rodolphe Noulin, directeur de Speedy. Pour Laurent Decallonne, la montée en puissance des quatre-saisons est attendue : « Nous avons eu de nombreux clients réticents au départ. Mais après deux ou trois années d’expérimentation, ils commencent à identifier les avantages apportés par ces pneus. Nous avons même eu deux ou trois entreprises, à la tête de 500 à 1 500 véhicules, qui ont demandé de basculer en quatre-saisons la presque totalité de leur flotte, à l’exception des véhicules situés dans les zones blanches », relate-t-il.
L’avantage des quatre-saisons est bien connu : ils dispensent les conducteurs, quels qu’ils soient, d’opérer la monte et la démonte des pneus hiver, et évitent au responsable de parc le sujet délicat du gardiennage. Pour peu que les quatre-saisons correspondent aux besoins bien identifiés des flottes grâce au compromis qu’ils proposent entre pneus été et hiver, ils épargnent ces opérations coûteuses. Une économie à laquelle bien des entreprises peuvent se montrer sensibles. Sans compter l’éventuelle perte de temps pour des salariés qui doivent se déplacer pour changer leurs pneus.
Mais encore faut-il bien évaluer le coût d’un équipement quatre-saisons et le gain attendu. Si une partie importante des prestataires tient cette économie pour acquise, une minorité d’entre eux nuance le constat. Pour Point S, Pascal Gradassi, directeur commercial, estime que personne n’est vraiment en mesure de prouver cette économie, comptes d’exploitation à l’appui.
Tenir compte de l’usure des pneus
Pascal Gradassi en profite aussi pour rappeler l’importance du paramètre de l’usure des pneus dans leur équation économique : « Il ne faut pas oublier que la décision de changer les pneus est souvent celle des conducteurs. Or, il est difficile de maîtriser l’usure des pneus, cela dépend notablement de la perception que l’on peut en avoir. Et certains conducteurs peuvent être amenés à changer prématurément les quatre-saisons, avec derrière un risque de surconsommation. L’alternance entre les pneus été et hiver permet au spécialiste de dire si le pneu est usé ou pas », conclut Pascal Gradassi.
Mais malgré ces contrôles réguliers en atelier, les moyens manquent souvent pour bien estimer l’usure des pneus. Si l’obligation d’équiper un véhicule d’un système de contrôle de pression des pneus (TPMS) a beaucoup apporté depuis 2014, l’absence de système encore fiable dans le domaine précis de l’usure oblige les enseignes à trouver des solutions. Le prestataire Wyzgroup fait ainsi appel à la société Puump pour effectuer des contrôles réguliers sur les sites des clients. Sans oublier que cette usure des pneus dépend aussi largement du comportement des conducteurs. « Nous le voyons dans nos centres, ce degré d’usure varie nettement selon les véhicules, constate Laura Ostyn, Category Manager chez Euromaster. Pour un gestionnaire de flotte, il n’est pas évident de savoir quels sont les meilleurs équipements. La réponse à cette question demeure très liée à la configuration de la flotte, d’autant qu’il faut aussi tenir compte d’autres paramètres que l’usure, comme la consommation de carburant, plus élevée pour les quatre-saisons, et la résistance au roulement plus forte que celle des pneus été », commente Laura Ostyn.
Quel TCO pour les quatre-saisons ?
« Les quatre-saisons restent plus chers que des pneus été, un surcoût que l’on ne peut compenser par le rendement kilométrique qui reste identique. Il est donc impossible d’accroître le kilométrage pour atténuer ce surcoût », ajoute Maxime Hesse, responsable grands comptes du manufacturier Bridgestone. Pour ce dernier, la comparaison économique entre les quatre-saisons et l’alternance pneus été/hiver nécessite de mettre face à face les coûts d’usage. « Les quatre-saisons peuvent être plus économiques mais encore faut-il que l’usage du véhicule autorise cette comparaison », complète Maxime Hesse. Bref, les entreprises ne peuvent faire l’économie d’une étude précise des gains susceptibles d’être apportés par les quatre-saisons, en intégrant l’ensemble des coûts d’exploitation.
La place croissante des pneus quatre-saisons suscite de multiples interrogations chez les prestataires, sauf sur le gardiennage. Sur ce sujet, les quatre-saisons, qui par définition ne demandent pas de permutation été/hiver, ne devraient pas entraîner de modifications majeures.
Quatre-saisons : des atouts pour les enseignes
À ce propos, avec les quatre-saisons, on aurait pu penser que les prestataires se montreraient inquiets à l’idée de perdre les revenus des services autour de la monte et de la démonte des pneus et de leur gardiennage. Un constat que ces prestataires valident, tout en y voyant des avantages. « Oui, cela fait moins de rentabilité pour nous, mais le fait de ne pas avoir à renforcer les prestations autour du gardiennage, qui suppose une vraie logistique, constitue un atout. Ce qui aurait été difficile, c’est une augmentation de la part des pneus hiver dans les taux d’équipement », explique Jean-Philippe Duhoux, directeur commercial de Wyzgroup, en faisant référence aux implications liées à la loi montagne.
Quatre-saisons, été ou hiver, la bataille des pneus ne fait que commencer. Aux gestionnaires de flotte de tirer leur épingle du jeu.
Dossier - Pneus hiver : l’hiver en questions
- Pneus hiver : l’hiver en questions
- Des services pour les pneus hiver
- Nicolas Cotier, SGS France : « Une gestion des pneus hiver confiée au loueur »
- Les pneus hiver plus performants et plus verts
- Des pneus toujours bien gonflés
- Pneus hiver : un marché mature
- Magalie Gattuso, Wilo Salmson France : « La priorité demeure la sécurité des collaborateurs »