
Plus jamais ça ! Au cours du mois de décembre de l’année dernière, les distributeurs et les manufacturiers ont été si débordés par la demande soudaine et hors norme en pneus hiver qu’ils ont décidé cette année de prendre le taureau par les cornes. Le secteur s’est organisé au mieux pour éviter une nouvelle pénurie durant l’hiver à venir, en comptant notamment sur la bonne volonté de clients nombreux à avoir ont été paralysés par des véhicules immobilisés, parfois deux à trois jours.
Avant tout, convaincre les entreprises de s’equiper
Mais la situation n’est pas si simple. Toute la chaîne du pneu hiver, des précommandes jusqu’à la livraison en...
Plus jamais ça ! Au cours du mois de décembre de l’année dernière, les distributeurs et les manufacturiers ont été si débordés par la demande soudaine et hors norme en pneus hiver qu’ils ont décidé cette année de prendre le taureau par les cornes. Le secteur s’est organisé au mieux pour éviter une nouvelle pénurie durant l’hiver à venir, en comptant notamment sur la bonne volonté de clients nombreux à avoir ont été paralysés par des véhicules immobilisés, parfois deux à trois jours.
Avant tout, convaincre les entreprises de s’equiper
Mais la situation n’est pas si simple. Toute la chaîne du pneu hiver, des précommandes jusqu’à la livraison en passant par la fabrication et le stockage, est sensible à de nombreux paramètres, si aléatoires qu’un grain de sable peut vite dérégler la machine. À commencer par la demande. Comment prévoir d’avance si l’on va vraiment avoir besoin de pneus hiver si la saison froide s’avère plus douce que de coutume ? Pour les entreprises des « zones blanches », les massifs monta gneux et l’Est de la France, et surtout les gros rouleurs, la question ne se pose pas. « C’est dans leurs gènes », affirme Hugues de Monteville, directeur de l’exploitation d’ALD. Mais les autres ?
« Nombre d’entreprises font encore la confusion entre l’ancien pneu neige et le pneu hiver, explique Maurice Garnier, conseiller technique au Syndicat des professionnels du pneu. Le pneu hiver est efficace dès lors que la température descend en dessous de 7 °, même sans neige ni verglas. Les pneus été durcissent à cette température, tandis que les pneus hiver accrochent beaucoup mieux le sol. » C’est pour cette raison que le syndicat, relayant ainsi les efforts de la profession, a lancé une importante campagne de communication autour du pneu hiver en octobre dernier.
Cette campagne n’est assurément pas un luxe tant les utilisateurs sont nombreux à s’interroger sur la pertinence de s’équiper. À quoi bon un budget pneus hiver dans une région où les hivers ne sont pas rigoureux ? Les prestataires ont une batterie d’arguments, parmi lesquels celui, bien sûr, de la température : « Il peut faire 5° partout », rappelle Philippe Rives, directeur grands comptes du distributeur First Stop. Mais aussi celui de la sécurité. « Il est vrai que la prévention devient toujours plus importante dans les préoccupations des entreprises, en tout cas des plus grandes d’entre elles », confirme Olivier Rigoni, fondateur de la société de conseil Cogecar. Mais à l’opposé, l’argument du budget retient plus d’un gestionnaire. Car les pneus hiver, c’est un coût qui peut être non négligeable. Pas pour le pneu hiver lui-même, certes encore un peu plus cher que le pneu été, selon les dimensions. Mais la différence s’est beaucoup atténuée entre les deux, si l’on en croit les prestataires. « Et le prix des pneus a baissé dans leur globalité ces dernières années, tout en proposant des performances techniques croissantes, souligne aussi Geoffrey Del Grande, chef de marché prestations et études chez LeasePlan. Mais ce qui coûte, c’est le stockage, la démonte et la remonte. » « Cela peut jusqu’à doubler, voire tripler le budget pneus », ajoute Olivier Rigoni.
Le pneu hiver coûte cher en stockage et en montage
D’où l’idée d’utiliser des pneus hiver… toute l’année ! Une idée qui suscite la gêne chez les prestataires. Aucun ne conteste que s’affranchir de leurs services amène à réduire le budget pneus hiver, mais « nous ne le conseillons pas : le pneu hiver s’use plus vite hors saison et du point de vue de la sécurité, le pneu été est évidemment meilleur », avance Philippe Rives, de First Stop. D’autres rappellent qu’il faut mettre la question du coût des pneus hiver dans une perspective plus large et y intégrer les conséquences financières d’une sinistralité élevée due à l’usage de pneus été en hiver. Mais pour toutes les entreprises qui ont décidé de s’équiper cette saison, la question a été et reste encore de savoir quand. Échaudées par la pénurie de décembre 2010, certaines ont préféré recourir au système de précommandes mis en place cette année par des prestataires.
Un marché du pneu structurellement déséquilibré
Mais ces derniers, distributeurs ou loueurs, s’inquiètent en effet de la difficulté des manufacturiers à répondre à une demande en hausse. « Ils travaillent à une échelle européenne, privilégient les pays où la demande est forte, comme l’Allemagne. Les pneus hiver y représentent la moitié du marché là où ils ne constituent que 10 à 12 % de parts de marché en France », constate Maurice Garnier. La crise de 2008 est aussi passée par là, obligeant les manufacturiers à réduire leurs capacités de production. « Mais la sortie de crise, avec les diverses primes gouvernementales, a été plus rapide que prévu, note Rodolphe Noulin, directeur flottes entreprises de Speedy Fleet. Les manufacturiers ont alors privilégié la production de pneus été au détriment de pneus hiver. » S’ajoute à cela la demande croissante des marchés asiatiques et voilà comment l’on aboutit à une pénurie quasi structurelle. Parfois irrités par ce « scénario de crise imposé par les manufacturiers », selon les mots employés par Rodolphe Noulin, distributeurs et prestataires comprennent néanmoins les contraintes auxquelles leurs fournisseurs sont confrontés. « Dans un monde qui fonctionne à flux tendus, une surproduction pénalise un compte de résultat. L’équation demeure compliquée », estime Olivier Rigoni. « De plus, l’industrie est rythmée par des cycles longs. Il n’est donc pas facile de réagir vite », complète Rodolphe Noulin. Les manufacturiers ont pourtant su retailler leur production très rapidement après la crise de 2008.
2011, nouvelle année de pénurie ?
Quoi qu’il en soit, les distributeurs se préparent à une nouvelle année de pénurie. Même si tous ne le formulent pas ainsi. Les uns sont plutôt optimistes, à l’instar de Philippe Rives, pour First Stop. « Actuellement, à fin septembre, la disponibilité ne semble pas mauvaise », estime-t-il. D’autres sont plus nuancés : « Nous ne sommes pas toujours très satisfaits, admet Geoffroy Del Grande pour Lease- Plan. Les manufacturiers ne nous garantissent pas la fabrication de toutes les dimensions et nous sommes obligés de porter sur nos contrats la mention ”sous réserve de disponibilité”. Deux des trois majors font néanmoins état de conditions meilleures que l’année dernière et je pars donc assez confiant », conclut-il. D’autres envisagent un scénario encore plus nuancé, à l’instar de Rodolphe Noulin, pour Speedy. Fleet. Selon lui, les taux de livraison ne seront pas à la hauteur des commandes. Les distributeurs vont devoir redoubler d’efforts. « Il faut harceler les manufacturiers et avoir un large panel de marques », préconise Olivier Basurko, directeur commercial de Popgom.fr, site de vente sur internet qui cible les particuliers et les petites entreprises. Popgom.fr va ainsi se fournir chez Nokian, en Slovaquie, un spécialiste du pneu hiver qui peut faire du réassort quand les généralistes ont fini leur production. À défaut d’assurer une livraison fluide et continue, l’ensemble du secteur s’est organisé pour gérer, en quelque sorte le mieux possible, la pénurie plus ou moins forte qui s’annonce. « Les manufacturiers sont venus nous voir dès avril, alors que d’habitude ils prennent contact avec nous pour les pneus hiver durant l’été », évoque Pascal Gradassi, directeur commercial de Point S.
Pré-réserver ses pneus ou anticiper ses commandes
Et la meilleure gestion possible reste l’anticipation. Voilà pourquoi plusieurs prestataires ont lancé des pré-réservations, parmi lesquels Euromaster, Profil+ ou encore LeasePlan à travers des sites internet spécifiques. Et Euromaster a ouvert son système de pré-réservation le 26 juillet dernier. Quand il n’existe pas de système de pré-réservation proprement dit, il est possible d’anticiper les commandes, à l’image des adhérents de Point S qui les ont établies beaucoup plus tôt que d’habitude. Cette volonté d’anticiper ne contribue pas seulement à préserver les entreprises qui se soucient vraiment des pneus hiver et ne souhaitent pas connaître de problème la saison prochaine ; elle facilite aussi une logistique qui peut se révéler passablement compliquée. « Elle l’est nettement plus pour les pneus hiver que pour les pneus été qui bénéficient d’une séquence de livraison beaucoup plus longue, explique Jérôme Douet, responsable marketing chez Euromaster. Il n’y a pas d’urgence équivalente avec le pneu été. » Sans compter les très nombreuses références de pneus, liées non seulement aux marques, mais aussi aux dimensions et autres éléments tels que les indices de vitesse. Et pour couronner le tout, les pneumatiques destinés aux véhicules neufs… « Nous nous attendons à de nombreuses commandes dans ce domaine et cela nécessite d’anticiper le stockage de nouvelles tailles », précise Pascal Gradassi, pour Point S. D’où l’intérêt de connaître le plus tôt possible les commandes de pneus hiver. Les systèmes de préréservation sont à ce propos très précis, avec des fiches complètes à remplir par les clients. Pour les prestataires, le stockage n’est pas une mince affaire : il faut un réseau avec un maillage suffisant et les espaces adéquats pour entreposer les pneus nécessaires près des clients. « Tout le monde ne peut pas stocker partout et dans de bonnes conditions », remarque Hugues de Monteville, pour ALD. Les loueurs font d’ailleurs intervenir plusieurs réseaux, y compris ceux des concessionnaires. Le stockage ne sert pas que pour la livraison des pneus hiver, il permet aussi le gardiennage des pneus été pendant la saison froide (et inversement) pour toutes les entreprises qui ne peuvent elles-mêmes les entreposer. Couramment proposé et généralement payant, ce service peut aussi être offert gratuitement par certains prestataires comme Speedy Fleet. Autre prestation importante mise en avant par les différents acteurs, et consécutive à la gestion des commandes, le suivi de parc. Il s’avère utile, surtout pour des entreprises dont les collaborateurs sont très mobiles. Imaginons un salarié muté de Lille à Marseille : il aura fait sa commande de pneus hiver à Lille au printemps, avant d’être muté quelques mois plus tard. Il prépare son déménagement mais oublie les pneus hiver qu’il a commandés. Or il peut avoir besoin ponctuellement d’aller dans l’arrière pays provençal et procédera à une autre commande sur place.
Philippe Rives, directeur grands comptes, First Stop
Entreposer les pneus et assurer le suivi de parc
Un scénario loin d’être rare selon Pascal Gradassi, de Point S. « Souvent, les chefs de parc ne voient pas l’intérêt de s’occuper de ces questions, mais ce faisant, on peut aisément perdre de 60 à 80 pneus sur un parc de 2 000 véhicules par exemple », décrit-il. Des systèmes d’alerte sont alors proposés. « Nous ne pouvons pas gérer nousmêmes cette question mais nous alertons le gestionnaire de parc, à lui de prendre la bonne décision… ou pas », conclut Pascal Gradassi. Des outils de suivi de parc existent aussi par l’intermédiaire de sites dédiés, comme le propose Profil +. Autour des pneus hiver la palette des services est large. À vous de faire votre choix.