Pneus hiver, un mot d’ordre : anticiper

Àheure d’hiver, pneus hiver. À heure d’été, pneus été. Cette antienne des manufacturiers et des réseaux spécialisés a encore du mal à trouver un écho dans les pratiques. Bien qu’il progresse, l’emploi des pneus hiver reste marginal dans les entreprises. Et les plus avancées sur ce dossier attendent généralement les premières intempéries pour s’équiper.

Sur ce point précis, les habitudes des professionnels rejoignent celles des particuliers. Allopneus a ainsi analysé les commandes prises en temps réel sur son site internet durant l’hiver 2012-2013 et a constaté que chaque grand pic de ventes était directement corrélé aux différents épisodes de froid rencontrés sur les routes de l’Hexagone. À titre d’exemple, l’alerte météo du 26 octobre 2012 mettait en garde contre un épisode de neige en plaine et en montagne, et a entraîné un bond de 100 % des ventes sur quatre jours par rapport à la même période de 2011. Le pic a a été atteint le dimanche 29 octobre avec un record de + 160 % par rapport à 2011…

Cette année, le passage à l’heure d’hiver se fera le 26 octobre. Pour éviter les ruptures de stocks et les délais de montage rallongés, les entreprises ont donc tout intérêt à anticiper la campagne de permutation dès la rentrée. Selon Pneumaclic.com, nouveau site dédié aux professionnels de l’après-vente et créé en septembre 2013 pour lutter contre les difficultés d’approvisionnement récurrentes, 10 à 20 % des 30 millions de pneus vendus chaque année en France ne peuvent être livrés par les canaux de distribution classique.

« L’hiver amplifie ce phénomène, les demandes de pneus étant concentrées sur une courte période alors que les stocks restent limités chez les distributeurs », explique Pneumaclic.com qui annonce la disponibilité de 10 millions de pneus. Anticiper génère également des économies. Selon Michel Duchemian, président de jante-Alu.com, « les prix des pneus hiver augmentent en moyenne de 10 % entre le début et la pleine saison. »

Planifier le recours aux pneus hiver

Si l’équipement en pneus hiver est loin d’être généralisé à l’ensemble des flottes, sa pénétration ne cesse de progresser. En 2013, la croissance des volumes de ventes sur le marché global (+ 3,5 % à 30 millions d’enveloppes) a profité du dynamisme de ce segment. Après un premier semestre en baisse de 2,3 %, le rebond s’est amorcé en juillet à la faveur d’un mois de novembre historique au cours duquel les ventes ont affiché leurs meilleurs chiffres mensuels depuis trois ans à + 26,4 %.

Le Syndicat des Professionnels du Pneu explique ce phénomène par le succès des pneus hiver dont les volumes sont passés devant les pneus été pour la première fois sur le sol français. Plus de 1 million de pneus hiver se sont écoulés en un seul mois, soit 37 % des ventes totales de l’année pour ce segment. Selon le syndicat, les conditions hivernales précoces et l’anticipation de la hausse de la TVA au

1er janvier 2014 expliquent en partie ce succès. Sur l’année, les ventes de pneus hiver se sont accrues de 18,2 % contre + 1,2 % pour les pneus été et – 16,4 % pour le segment toutes saisons. Désormais, les pneus hiver pèsent 17,2 % du marché global contre 15,1 % en 2012 et 13 % en 2011. Le Syndicat des Professionnels du Pneu note aussi une augmentation des ventes auprès des flottes. Les entreprises étant plus sensibles à la sécurité et en avance sur les tendances de consommation, le succès des pneus hiver leur est sans doute imputable pour une part décisive. Le syndicat aurait tout intérêt à livrer l’analyse des ventes par type de clientèle pour confirmer l’ampleur de ce phénomène.

Un succès confirmé pour les pneus hiver

Alors que le Syndicat des Professionnels du Pneu rassemble la distribution spécialisée, les manufacturiers, les grossistes et les importateurs, les principaux fabricants (Bridgestone, Continental, Goodyear-Dunlop, Kleber, Michelin et Pirelli) se sont associés au sein de TNPF (Travaux de Normalisation des Pneumatiques pour la France), structure réunissant des techniciens, avec pour objectif de faire progresser les technologies et la réglementation.

Sur le dossier des pneus hiver, TNPF milite pour les identifier par le logo « 3PMSF », soit l’acronyme de 3 Pics Mountain Snow Flake, qui représente une montagne à trois pics à l’intérieur de laquelle apparaît un flocon de neige. Contrairement au marquage M+S (Mud & Snow, soit boue et neige) apposé sans contrôle et sur le mode déclaratif par les manufacturiers, le 3PMSF ne peut se graver qu’à l’issue de tests d’homologation encadrés par la législation européenne. Selon des essais réalisés par Goodyear, dès que la température au sol passe sous les 10° C, le pneu 3PMSF affiche une distance de freinage plus courte de 3 à 5 m face à un concurrent M+S. Plus cher, le pneu 3PMSF est aussi plus sûr.

Quel que soit le marquage, le pneu hiver est recommandé dès que la température passe au-dessous des 7° C. Adopté après de nombreuses discussions, ce seuil constitue une limite de précaution qui équivaut à une température au sol de 4° C. Comme les véhicules modernes mesurent la température atmosphérique, la notion des 7° C a été retenue pour renforcer sa lisibilité.

Des pneus hiver plus ou moins performants

Pour les entreprises, adopter les pneus hiver s’accompagne de la mise en place d’une organisation spécifique pour permuter et stocker les enveloppes inutilisées. Face à la progression du taux d’équipement en pneus hiver, le Syndicat des Professionnels du Pneu a lancé une certification pour garantir la qualité des conditions de stockage. Le label « Gardiennage Confiance » est un élément d’information pour les clients et vise à améliorer les pratiques des points de vente et leur niveau de service dans les zones géographiques où le taux d’équipement est encore faible.

Pour conserver leur potentiel, les pneus hiver doivent s’entreposer dans un local aéré, sec et tempéré, à l’abri de la lumière du soleil et éloignés de toutes substances chimiques susceptibles de détériorer la gomme. S’ils sont stockés sur jante, ils peuvent être pendus ou empilés. En revanche, sans la jante, la position verticale et une rotation chaque mois les préservent des déformations et de l’usure.

Accordé pour deux ans sur la base d’un audit, le label « Gardiennage et Confiance » permet de fixer des normes et d’attribuer un avantage aux centres les plus performants. Parmi les points de contrôle figurent l’existence d’un espace de stockage destiné au gardiennage, les conditions de stockage, la traçabilité et les informations figurant sur le document de référence, la validité des contrats d’assurance et enfin le système de gestion des stocks.

Organiser la permutation et le stockage

Gestionnaire de flottes indépendant, Fatec assure l’optimisation de plus 40 000 véhicules pour ses clients dont la SNCF et ses 18 000 véhicules. « Aujourd’hui, l’écart de prix des pneus hiver avec les pneus été a diminué et ne dépasse pas les 2 à 3 %, constate Théophane Courau, président du prestataire. C’est davantage la gestion des stocks qui freine les responsables de flotte. Mais les pneus hiver ne déséquilibrent pas le budget automobile. Seul le coût de la permutation renchérit cet équipement. La différence reste toutefois minime en comparaison du coût total d’usage du véhicule. »

D’après Fatec, la quasi-totalité des réseaux assurent le gardiennage à des conditions tarifaires compétitives. Seulement, les entreprises n’ont pas toujours une visibilité optimale sur leurs stocks. Fatec a ainsi développé un outil logiciel avec une fonctionnalité dédiée aux pneus et où chaque enveloppe est identifiée.

Dernier élément qui plaide pour les pneus hiver, la législation française pourrait les rendre obligatoires à plus ou moins long terme. Une raison de plus pour s’y mettre.