
Gestionnaire de mobilité, voire « mobility manager » : une fonction déjà courante notamment en Belgique où sont dispensées des formations d’une semaine sur ce thème. Rien de tel en France pour l’instant. Et pourtant, dans les entreprises, les responsables de parc évoluent indéniablement vers ce rôle.
Un changement guidé par les mutations des parcs, réorganisés de plus en plus souvent autour de l’autopartage, tandis que des solutions innovantes de déplacement s’offrent aux salariés : du covoiturage aux voitures en libre-service, en passant par les crédits mobilité.
Face à ces alternatives aux voitures de fonction et de service, les tâches...
Gestionnaire de mobilité, voire « mobility manager » : une fonction déjà courante notamment en Belgique où sont dispensées des formations d’une semaine sur ce thème. Rien de tel en France pour l’instant. Et pourtant, dans les entreprises, les responsables de parc évoluent indéniablement vers ce rôle.
Un changement guidé par les mutations des parcs, réorganisés de plus en plus souvent autour de l’autopartage, tandis que des solutions innovantes de déplacement s’offrent aux salariés : du covoiturage aux voitures en libre-service, en passant par les crédits mobilité.
Face à ces alternatives aux voitures de fonction et de service, les tâches des professionnels de la gestion de parc se diversifient. Ces derniers ont dorénavant à gérer, outre la flotte, les solutions annexes de déplacement offertes aux salariés.
L’autopartage rebat la donne
C’est l’autopartage qui contribue pour l’instant le plus à bouleverser les tâches traditionnelles des chefs de parc. Pascal Dupont, créateur du fleeter MoPlus, est bien placé pour pointer l’importance croissante de ce système et ses conséquences directes sur le travail de gestion : « Mettre les véhicules en autopartage contribue à réduire les coûts de la flotte mais cela implique aussi de se poser la question de l’utilité de la voiture », résume-t-il.
Avec la diminution du nombre de véhicules dans le parc, le gestionnaire est automatiquement amené à réfléchir, quand cela est possible, à des solutions alternatives à la voiture pour les trajets des salariés. « Quand on compresse la flotte avec un minimum de voitures, cela entraîne des règles d’utilisation du pool qui limitent le recours aux véhicules pour les déplacements, explique Pascal Dupont. Par exemple, un véhicule de pool ne peut pas être employé pour aller à la gare à quelques kilomètres et laissé sur le parking pendant trois jours. »
Covoiturage, transport en commun ou taxi, chez MoPlus les outils en ligne orientent le collaborateur vers la solution de substitution la plus adaptée : « Avant que le salarié puisse prendre un véhicule, quelques questions lui sont posées sur son déplacement. Pour de petits trajets, on l’oriente directement sur un taxi », illustre Pascal Dupont.
De son côté, Mobility Tech Green, prestataire de dispositifs d’autopartage pour les entreprises, propose aux salariés de « covoiturer » avec un de leurs collègues dès la réservation d’un véhicule, au cas où ils réaliseraient le même trajet à la même heure.
Des déplacements à repenser
À l’avenir, projette Alexandre Fournier, le responsable marketing et communication de Mobility Tech Green, d’autres moyens de substitution pourront faire leur apparition : « Nous imaginons des solutions de transport en commun. On peut envisager des dessertes par bus quand il y a des pics de demandes. Toutes ces solutions sont pour l’instant en test mais elles représentent l’avenir pour la gestion de parc. »
Au-delà de ces outils et de ces solutions innovantes pour les déplacements, les services d’externalisation se multiplient en contribuant à faciliter la mutation de la gestion de parc vers la gestion de la mobilité. Une opportunité pour les loueurs : « Le gestionnaire de parc est mature dans sa démarche, il a compris qu’il pouvait s’appuyer sur différents acteurs qui vont avancer des solutions d’externalisation : pour les tâches administratives mais aussi pour l’accompagnement de la vie du conducteur », argumente Barbara Gay, directrice du consulting d’Arval.
Déchargé d’une partie de ce travail, le gestionnaire peut désormais se concentrer sur le traitement des informations qui concernent plus directement la mobilité des salariés. Celles-ci ont par définition des origines multiples. Elles peuvent être issues des services d’autopartage : « Les outils de gestion de l’autopartage permettent de savoir comment répartir les voitures entre les conducteurs et en optimiser l’usage. C’est la première tâche à réaliser. Mais il y a aussi des remontées d’informations sur l’entretien, les émissions de CO2 ou encore la gestion des véhicules mutualisés, souvent couplée à la pratique de l’éco-conduite », détaille Alexandre Fournier pour Mobility Tech Green.
Un rôle moteur pour le gestionnaire de flotte
Cette orientation du responsable de parc vers les solutions innovantes de mobilité l’amène à délaisser certains aspects de la gestion au profit des prestataires extérieurs. En parallèle, c’est sa place dans l’entreprise qui évolue peu à peu.
Dans ce cadre, la diffusion de l’autopartage peut se révéler décisive. Alexandre Fournier distingue trois acteurs « moteurs dans le changement et l’intégration de l’autopartage : le responsable achat, intéressé par la baisse des coûts, le responsable RSE, intéressé par la réduction du bilan carbone, et enfin le gestionnaire de parc, forcément partenaire de ces deux personnes : il représente l’opérationnel. Il connaît les contraintes liées à la flotte parce qu’il connaît les habitudes de déplacement, et il accompagne dans la stratégie de déploiement de l’autopartage. Il en est souvent le moteur. »
Pareillement, ce gestionnaire, transformé en gestionnaire de mobilité, devient incontournable dans la recherche de solutions de substitution aux voitures de fonction et de service : « Il a aujourd’hui plus d’influence sur les choix de mobilité que fait son entreprise, et moins un rôle lié à des tâches opérationnelles. Il a la mission de mettre en place une réelle stratégie de mobilité et d’en assurer le suivi, ainsi que celle de la mutualisation des moyens », décrit Barbara Gay pour Arval. Une analyse confirmée par Alexandre Fournier : « Le gestionnaire préconise en interne des solutions de mobilité partagée, de covoiturage, etc. Cela appartient maintenant à ses missions. »
Demain, un « mobility manager » pour l’entreprise ?
Mobilisé sur la promotion des outils de mobilité auprès de sa hiérarchie, en charge de diffuser l’utilisation de ces nouveaux outils auprès des salariés, le « mobility manager » occupe un rôle charnière entre tous les postes de l’entreprise investis dans la mobilité des salariés, au-delà des solutions d’autopartage.
« Le gestionnaire joue le rôle du noyau au milieu de tous les autres acteurs qui, de près ou de loin, ont un rapport avec la mobilité ou le budget de la mobilité. Il peut concentrer toutes les attentes des parties prenantes : directeur financier, responsables des achats ou des ressources humaines », souligne Barbara Gay.
Compte tenu des attentes distinctes des différentes parties, cette position centrale n’est pas forcément la plus confortable : « Pour les ressources humaines, la mobilité constitue un axe de motivation du collaborateur, de réflexion sur le package de celui-ci, et sur le développement durable. Pour le directeur financier, il s’agit d’une approche budgétaire de planification mais aussi d’optimisation », illustre Barbara Gay.
Au sein des problématiques de déplacement de l’entreprise, ce rôle central du gestionnaire de mobilité est voué à se renforcer au fur et à mesure de la construction des PDE (plans de déplacement d’entreprise). Pour Barbara Gay chez Arval, les PDE vont en effet contribuer à renforcer l’usage de la voiture partagée en ouvrant son accès à d’autres salariés. « En organisant la mobilité, le PDE amène à réfléchir à des logiques de covoiturage, d’autopartage, et à repenser les trajets pour ceux qui avaient déjà des véhicules de fonction ou de service, mais aussi pour tous les autres collaborateurs amenés à se déplacer et qui ne bénéficiaient pas de ces dispositifs de véhicules de fonction ou professionnels », note la responsable.
Vers de nouveaux services de mobilité
Et ces véhicules partagés ne seront plus simplement réservés à des usages professionnels : « Nombre d’entreprises travaillent sur leur PDE et nous sommes sollicités pour les accompagner dans la définition des recommandations préconisées suite aux études. Certaines nous consultent sur le véhicule en autopartage pour l’usage professionnel et privé », poursuit Barbara Gay.
Ainsi, des interlocuteurs traditionnels des gestionnaires de parc, comme les loueurs, sont amenés à envisager de nouveaux services pour les entreprises au fur et à mesure de l’évolution de leur demande. « Aujourd’hui, notre cœur de métier reste la location de véhicules. Mais nous évoluons de plus en plus vers une offre plus globale de mobilité en enrichissant l’offre de services additionnels dans cet écosystème de la location, constate Jérôme de Retz, directeur marketing d’ALD Automotive. Avec l’établissement de PDE, nous sommes interrogés pour apporter des conseils et des aides sur les questions d’autopartage, de covoiturage, d’autopartage courte distance. »
Si la mutation des compétences des gestionnaires de flotte semble inéluctable, elle sera aussi progressive. « La mutualisation, beaucoup en parlent, mais peu la pratiquent bien que la technique existe. Ce qui n’est pas encore très courant, c’est que les entreprises s’occupent de leur parc. Elles s’en occupent parce qu’elles ont des loueurs et des voitures. Mais chercher à optimiser vraiment le parc, ce n’est pas encore si courant », assène Pascal Dupont pour MoPlus.
La mobilité, une notion globale
Le constat est sévère mais Pascal Dupont pondère : « Il me semble que l’on va dorénavant sauter des étapes. Les entreprises ne s’occupaient pas trop de leur parc jusqu’ici ; quand elles vont se poser des questions, elles vont s’occuper non seulement de leur parc mais aussi des questions de mobilité. »
Et les entreprises ne seront pas seules à l’origine de cette accélération, souligne Emmanuel Nedelec, fondateur du service d’autopartage Ubeeqo : « Les changements vont aussi venir des collaborateurs qui eux, finalement, voient dans leur vie personnelle les choses évoluer fortement, surtout pour les urbains. Les offres autour d’eux se multiplient et eux-mêmes revoient leurs besoins de mobilité. Ces collaborateurs vont avoir un impact important », conclut le responsable. Un cercle vertueux en somme.
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