Prévention du risque routier : Comment réduire sa sinistralité ?

Face au coût financier et humain prohibitif des accidents de la route, les entreprises disposent d’une large palette de solutions pour limiter les risques d’accidents. Apparus il y a une trentaine d’années, les spécialistes de la prévention ont développé des programmes de formation qui ont fait la preuve de leur efficacité. L’accident de la route n’est pas une fatalité.
3287
Prévention du risque routier : Comment réduire sa sinistralité ?

Difficile de faire plus explicite que les statistiques éditées par la Caisse Nationale des Assurances Maladie des Travailleurs Salariés. L’organisme rappelle que 55 % des accidents mortels du travail dont sont victimes les salariés ont lieu sur la route.

En 2006, la CNAMTS a enregistré 21 806 accidents routiers du travail, dont 2 569 ont entraîné une incapacité permanente et 116 ont été mortels. Ces accidents sont à l’origine de 1 526 786 journées de travail perdues. Et la durée moyenne d’un arrêt de travail pour incapacité temporaire s’établit à 70 jours contre une moyenne de 50 jours pour l’ensemble des accidents du travail. Les accidents routiers du travail représentent environ 3,11 % de l’ensemble des accidents du travail, mais 21,60 % des accidents mortels. En 2006, la CNAMTS a enregistré 555 032 accidents routiers pendant le trajet du domicile au travail, dont 6 414 ont entraîné une incapacité permanente et 338 ont été mortels. Pour ce type d’accidents, 3 558 462 journées de travail ont été perdues avec une durée moyenne d’arrêt de 65 jours.

Au total, en 2006, la CNAMTS a donc enregistré 76 838 accidents avec arrêt de travail dont 8 983 avec incapacité permanente. En 2006 toujours, la route a causé la mort de 454 salariés, ce qui représente 49,29 % de l’ensemble des accidents mortels du travail. Le nombre total de journées perdues s’élève à 5 085 248. La branche Accidents du Travail et Maladies Professionnelles de l’Assurance Maladie couvre près de 18 millions de salariés pour deux millions d’employeurs.

En 2005, 1,6 million d’accidents ou de maladies professionnelles ont été déclarés à l’Assurance Maladie, 6,6 milliards d’euros de prestations ont été versées dont 3,7 milliards d’euros de rente. Quant à la MSA, qui assure la protection des entreprises agricoles, elle enregistre en moyenne 4 500 accidents et quelque 50 morts par an sur la route. A ces chiffres, il faudrait rajouter ceux des entreprises publiques et des collectivités territoriales. Bref, le bilan est lourd et confirme, s’il en était besoin, que les entreprises et les salariés payent un lourd tribut aux accidents de la route.

Des conséquences juridiques et financières

Pour l’entreprise, le coût d’un accident est prohibitif. Plus elle conserve les risques, plus la facture sera élevée. Cela étant, même si elle transfère ses risques auprès d’un assureur, elle devra au minimum verser les franchises. Dans le cas d’un accident ayant entraîné des dommages corporels, l’entreprise devra indemniser le passager accidenté ou la victime du conducteur.

La loi Badinter oblige l’assureur à prendre en charge les dommages causés aux tiers, mais se défausse si le conducteur est sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiant. Et le conducteur devra prendre en charge les dommages qui ne seront pas pris en charge par l’entreprise si l’accident intervient alors qu’il n’a pas respecté le code de la route. Lorsque l’entreprise a tout mis en oeuvre pour protéger son collaborateur, l’assurance maladie ou les organismes sociaux des régimes spéciaux et des collectivités couvrent les dommages corporels. Cela étant, l’entreprise devra débourser des cotisations sociales à hauteur de l’importance et de la fréquence des accidents enregistrés. Mais les tribunaux recherchent avec davantage de zèle les responsabilités des différentes parties. Ainsi, l’entreprise peut être considérée comme responsable si le collaborateur passait une communication téléphonique professionnelle au moment de l’accident, si les pneus du véhicule étaient lisses, s’il était mal aménagé, si les freins étaient défaillants…

Dans les cas extrêmes, l’entreprise peut payer jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros si elle n’a pas rédigé de document unique qui recense précisément les risques encourus par ses salariés et qu’elle n’a pas mis en place de mesures pour les limiter. Si, dans la majorité des cas, les entreprises évaluent leurs risques chaque année, plus rares sont celles qui pensent à intégrer les aléas de la circulation routière. Si rien n’a été fait, le procureur peut mettre en cause l’entreprise et son représentant.

La prévention s’organise

La responsabilité juridique de l’entreprise et de son représentant n’est qu’une des facettes des conséquences d’un accident routier survenu dans le cadre du travail. Les sinistres automobiles génèrent des coûts directs et indirects dont les montants sont difficilement mesurables. Quote-part des accidents automobiles dans la cotisation accident du travail et prime d’assurance (franchises, risques non couverts quand les dommages ne sont pas assurés) ne représentent que la partie émergée de l’iceberg.

L’interruption de l’activité est tout aussi dommageable : au temps perdu, il faut ajouter l’immobilisation et le remplacement du véhicule, l’indisponibilité du salarié, l’embauche d’un intérimaire, les marchandises détruites ou perdues, les actions commerciales différées ou annulées, la dégradation de l’image de l’entreprise et du climat social, la perte de confiance des salariés… Les coûts indirects sont deux à trois fois plus importants que les coûts directs.

Face à ces enjeux économiques et juridiques, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à prendre conscience de l’utilité de la mise en place de mesures pour circonscrire le risque routier. Et depuis 20 ans, de nombreuses structures ont été créées pour conseiller les entreprises et former les conducteurs. D’anciens champions automobiles comme Jean-Pierre Beltoise avec Beltoise Evolution ont créé leurs programmes de formation. D’autres intervenants ont acquis également leur légitimité : Automobile Club Prévention, Automobile Club de l’Ouest, Centaure, Codes Rousseau, Automobile Club Prévention, La Conduite Préventive, Dekra Industrial (nouveau nom de baptême de Norisko), Ecole de Conduite Française, Develter Formation…

Des courtiers et des assureurs proposent également d’analyser la sinistralité de l’entreprise et de mettre en place des actions correctives. C’est le cas d’Allianz, d’Axa Entreprises, de Marsh ou encore de Covéa Fleet. Ce dernier vient de créer une filiale dédiée à cette activité et baptisée Covéa Fleet Solutions. Actions de communication pour sensibiliser les collaborateurs de l’entreprise, formations sur simulateur de conduite ou sur circuit, modules de formations sur Internet, les solutions ne manquent pas et sont complémentaires. A titre d’exemple, l’ancien pilote Bernard Darniche vient de créer Darniche Interactive pour proposer des modules de formation sur Internet.

La conduite : un acte de travail

Bref, les solutions sont nombreuses et chacun des acteurs propose des actions adaptées à la situation de l’entreprise et au budget dont elle dispose. Spécialiste de la sécurité routière et de la formation depuis plus de 30 ans, Stéphane Develter a créé sa propre école de formation en 1995. En 2005, ce chef d’entreprise dynamique a fondé une deuxième structure pour développer et commercialiser des simulateurs de conduite et des outils informatiques dédiés à la pédagogie. Avantage du simulateur selon son créateur : « Pour une journée de formation sur un simulateur avec l’accompagnement d’un formateur, l’entreprise ne doit débourser que 1 500 à 2 000 euros HT. Douze personne peuvent être formées le matin et douze autres l’après-midi. Cette solution est beaucoup plus économique que les formations sur circuit. De plus, le simulateur est le seul outil qui permet de mettre les stagiaires dans des situations d’accidents graves sans qu’ils ne courent de risques. »

Et les résultats peuvent être spectaculaires. La baisse du nombre d’accidents atteint jusqu’à 20 % la première année et jusqu’à 50 % au bout de trois ans. Reste que ces résultats dépendent de la situation initiale de l’entreprise. Si des actions sont déjà en place et que les accidents sont peu fréquents, il sera difficile d’améliorer encore une situation qui est déjà sous contrôle. Quoi qu’il en soit, le défi consiste à maintenir les résultats dans le temps.

Les actions de formation doivent être pérennes et l’entreprise doit constamment entretenir son plan de formation en variant les solutions pédagogiques : communication, nouvelles procédures, formations sur piste, sur simulateur, événements récurrents ou exceptionnels… La prévention doit devenir une véritable valeur dans la culture de l’entreprise. Pour y arriver, la direction générale et le management doivent s’impliquer et montrer l’exemple. En changeant les habitudes et les mentalités, les collaborateurs de l’entreprise comprennent que l’accident de la route n’est pas une fatalité. En agissant sur l’organisation des déplacements, sur le choix et l’entretien des véhicules, sur l’usage du téléphone et du GPS et en renforçant les compétences des conducteurs, l’entreprise peut maîtriser le risque routier. Le véhicule est un outil de travail et la conduite doit être appréhendée avec la même conscience professionnelle que les autres aspects de la mission du collaborateur.

PARTAGER SUR