Progresser encore. La tâche peut sembler ardue lorsque tous les moyens ont déjà été déployés. Dans le cadre d’un plan de prévention routière au sein d’une entreprise, il est rare de passer à côté des leviers déjà connus pour améliorer les statistiques de la sinistralité : équipements des véhicules, implication de la hiérarchie, communication et formation des salariés.
La prévention, démarche de longue haleine
Des dispositifs qui demandent souvent une longue mise en place : « Nous avons bâti un plan de prévention à partir de 2001 avec les grandes étapes classiques : engagement de la direction puis des collaborateurs. Ce plan a vraiment...
Progresser encore. La tâche peut sembler ardue lorsque tous les moyens ont déjà été déployés. Dans le cadre d’un plan de prévention routière au sein d’une entreprise, il est rare de passer à côté des leviers déjà connus pour améliorer les statistiques de la sinistralité : équipements des véhicules, implication de la hiérarchie, communication et formation des salariés.
La prévention, démarche de longue haleine
Des dispositifs qui demandent souvent une longue mise en place : « Nous avons bâti un plan de prévention à partir de 2001 avec les grandes étapes classiques : engagement de la direction puis des collaborateurs. Ce plan a vraiment pris son essor et sa forme actuelle en 2006 », retrace Philippe Brunel, responsable assurance et risk management de TNT. La flotte du spécialiste de la livraison express compte 726 véhicules dont 200 utilitaires. « Nous avons désormais une politique de flotte qui va du choix des véhicules, aux équipements de sécurité en passant par la ‘‘politique voyages » », poursuit le responsable.
Mais si le déploiement de ces démarches de prévention peut s’étaler sur plusieurs années, les résultats n’en sont pas moins probants. « La diminution de la sinistralité a été de l’ordre de 20 % en 2011 pour les visiteurs médicaux formés », confirme Frédéric Follie, responsable hygiène et sécurité de Bayer. La flotte du spécialiste de la chimie et de la pharmacie compte environ 1 200 véhicules, pour la grande majorité des voitures de tourisme conduites par des visiteurs médicaux. Et cette amélioration se répercute peu à peu sur les résultats globaux de l’entreprise : « Nous observons un repli global de la sinistralité depuis quatre ans, avec un net recul des accidents responsables, de – 14,2 % en 2013 », reprend Frédéric Follie.
Pour le choix des équipements de sécurité, les processus de sélection sont également bien rodés dans les entreprises et ont démontré leur efficacité. Spécialiste breton des installations électriques industrielles, le groupe Cadiou possède une flotte de 160 véhicules, principalement des VUL légers de type Kangoo ou Berlingo ; ces modèles sont choisis dans les sept agences. « Chaque chef d’agence détermine ses besoins selon un cahier des charges très précis. Ces véhicules intègrent différents éléments de sécurité, le plus souvent sous forme de packs », décrit Sylvain Baron, coordinateur qualité sécurité environnement (QSE) du groupe.
Des équipements de sécurité très répandus
Chez Bayer, les voitures intègrent aussi tous les systèmes classiques de sécurité : « ABS, airbags, tout ce qui touche à l’anti-patinage, mais aussi éclairage supplémentaire de type antibrouillard ou encore dispositif de réglage du poste de conduite, énumère Frédéric Follie. Pour les VUL, nous avons renforcé le cahier des charges afin d’obtenir la meilleure visibilité pour le conducteur : vitres à l’arrière, sur le côté, séparation rigide entre les parties chargement et conduite, points d’ancrage pour l’arrimage de charges, mais aussi airbags pour les conducteurs et les passagers. »
Dernier exemple, la flotte du laboratoire pharmaceutique Glaxosmithkline et ses 1 135 véhicules, majoritairement des berlines compactes et quelques utilitaires. En plus des équipements de sécurité classiques, l’attention est poussée jusqu’à sélectionner les modèles qui se comportent le mieux lors des « crash tests ».
Reste que si ces mesures montrent une efficacité indéniable, aucune entreprise n’est à l’abri d’accidents qui réduisent à néant les progrès constatés d’une année sur l’autre. « Nous observons une baisse globale et sensible des sinistres depuis 2001 mais de temps en temps, il peut y avoir une mauvaise période, une mauvaise année, sans phénomène météorologique particulier. Nous savons que les résultats restent fragiles« , déplore Philippe Brunel pour TNT.
Comment éviter ces « mauvaises périodes » ? « La technique constitue un premier pas, mais le comportement de conduite demeure le plus important », résume Florence Dufour-Ferrara, secrétaire générale d’ESR69. Ce Club Entreprise Sécurité Routière rassemble des entreprises du département du Rhône autour de la prévention routière ».
Pour améliorer les comportements et mieux cibler les actions de prévention, nombre d’entreprises cherchent tout d’abord à connaître leurs conducteurs. Qui sont-ils ? Comment appréhendent-ils la conduite au quotidien ? Chez Bayer, ces questions ont été soulevées grâce à une enquête de grande ampleur menée en 2010 auprès des salariés par un cabinet spécialisé.
Évaluer le risque routier de son entreprise
« Nous avons posé des questions très directes via des questionnaires anonymes, identifiant uniquement les salariés par grandes entités de travail : sur leur nombre de kilomètres parcourus, leur accidentologie et ce qu’ils avaient retiré de cette expérience, leur façon d’utiliser les véhicules, des détails qui concernaient leur vie professionnelle de tous les jours, s’ils rencontraient des problèmes de sécurité, de confort, de commodité pour transporter du matériel. Avec cette enquête, nous avons complété l’évaluation du risque routier chez nos itinérants », relate Frédéric Follie pour le groupe chimique.
80 % des 1 200 conducteurs de Bayer ont répondu à cette enquête qui a duré trois semaines. Parmi les résultats de ce sondage, outre de nouveaux axes de communication et de formation, l’importance du confort a aussi été mise en avant, gage d’une conduite plus sûre. « Ce sont des salariés qui roulent beaucoup, rappelle le responsable de Bayer. Ils passent une grande partie de leur temps à bord des véhicules et appartiennent à toutes les classes d’âge. Pour ceux qui ont une longue carrière, il est important d’avoir des véhicules qui offrent sécurité et confort pour le travail de tous les jours. »
Un impératif : mieux connaître les conducteurs
Sans pousser aussi loin les moyens d’enquête, une observation des comportements des conducteurs au quotidien peut aussi servir à envisager les mesures à prendre. C’est vrai chez Le Calvez, un transporteur routier de l’ouest de la France. Pascal Boulanger, directeur hygiène sécurité environnement qualité de ce transporteur, s’inquiète du rythme de vie de certains jeunes salariés qui parfois reviennent de week-end sans avoir pris suffisamment de repos. « Ils ne font pas forcément la séparation entre vie professionnelle et vie privée, note-t-il. Nous avons une vraie préoccupation à ce sujet. »
Pour lutter contre les baisses de vigilance éventuelles dues au manque de sommeil, ce directeur de la sécurité envisage donc de communiquer et de former les salariés sur les siestes « flash ». « Plutôt que d’équiper les véhicules de dispositifs ad hoc, nous nous positionnons plus sur la détection des signes de fatigue : être capable de s’arrêter, de faire une pause », indique Pascal Boulanger.
La connaissance du comportement des salariés reste importante mais une étude poussée de l’accidentologie peut aussi contribuer à envisager avec plus d’acuité les mesures à prendre. Chez Le Calvez par exemple, l’atelier de l’entreprise a mis au point un équipement de coupure de la radio qui se déclenche une fois la marche arrière enclenchée. « Lors d’une marche arrière, l’un de nos conducteurs n’avait pas entendu les appels criés à l’extérieur à cause de sa radio » justifie Pascal Boulanger. Cet équipement prévu pour les poids lourds a ensuite été généralisé aux utilitaires légers.
Chez TNT, l’étude de l’accidentologie a poussé à l’ajout de dispositifs de sécurité sur les véhicules. « Nous possédons une base de données qui permet une analyse précise de la sinistralité en regardant spécifiquement la typologie des accidents, explique Philippe Brunel. Cette base a fait ressortir de nombreux accidents de manœuvre sur les utilitaires légers. Pour cette raison, nous avons formé les chauffeurs et fait installer des radars de recul. Nous avons protégé ces radars parce que nous avions beaucoup de petits chocs multipliés et nous avons aussi protégé les marchepieds. »
TNT mène une démarche au cas par cas
La connaissance du comportement des salariés et de leur accidentologie donne aussi lieu à une communication plus pointue. « Nous devons maintenir la sensibilisation sur la vitesse et le respect des distances de sécurité, souligne Philippe Brunel chez TNT. Les accidents majeurs sont souvent liés à des chocs avant ou arrière, aussi bien en centre-ville, en périphérie que sur l’autoroute. »
Autre entreprise, autre préoccupation : chez Glaxosmithkline, de multiples communications ont déjà été menées à bien autour de cette question des distances de sécurité. Pour Lionel Siby, le responsable de la prévention routière au sein du laboratoire pharmaceutique, l’actualité de la communication tient aux dangers liés aux sens giratoires.
Mais la communication aide aussi à anticiper les causes plus spécifiques d’accident. Chez Le Calvez, Pascal Boulanger évoque, dans ses messages aux salariés, les dangers sur la route en fonction des saisons : « Nous anticipons la période de la coupe des maïs avec les risques de glissade dus à la boue. Actuellement, nous mettons en avant les rebords de route humides », décrit le responsable.
Même démarche préventive chez Glaxosmithkline : « Avant les vacances, nous abordons des points précis pour savoir ce qu’il faut faire ou vérifier sur la voiture. Quand l’ensemble du personnel a reçu un iphone, nous avons repris les informations de la sécurité routière sur le portable », illustre Lionel Siby.
Transmettre le bon message au bon moment
Dans les entreprises, la communication autour des enjeux de la sécurité routière se veut plus pointue pour coller aux préoccupations propres aux conducteurs, mais aussi plus efficace sur la forme. Toujours chez Glaxosmithkline, Lionel Siby s’adresse aux collaborateurs par « flashs routiers » envoyés régulièrement par e-mail. « Chaque mois, nous communiquons sur la sécurité routière à destination de tout le réseau en France, sur une page dédiée dans notre intranet, facilement accessible », confirme Frédéric Follie pour Bayer.
Et pour améliorer encore la diffusion de ces communications, les responsables de la prévention du risque routier se reposent aussi sur les supérieurs hiérarchiques, relais d’information auprès des salariés. C’est le cas chez le semencier Monsanto où le programme de prévention routière, dénommé Vehicle Safety, se déploie à l’échelle mondiale, avec une très forte implication du management.
Enfin, si cette communication se veut adaptée aux salariés, l’entreprise doit aussi aborder des thèmes que les différentes analyses d’accidentologie et de comportement ne font pas forcément ressortir. Car toutes les sources d’accidents n’émergent pas grâce aux enquêtes ou aux statistiques, aussi élaborées soient-elles. C’est vrai de l’usage des téléphones portables.
Aller plus loin que les chiffres sur l’accidentologie
« Les salariés ne nous disent pas qu’ils étaient au téléphone en cas d’accident. Mais il n’y a aucune raison que l’usage des portables et smartphones soit différent dans notre entreprise que dans l’ensemble de la société française, estime Philippe Brunel pour TNT. Les accidents sérieux, ce sont des manques de vigilance, rappelle-t-il : quelques secondes d’inattention, c’est encore pire que l’usage du téléphone en kit main-libres. » Et de préciser que l’impératif est de s’arrêter pour répondre au téléphone.
Autre danger difficilement identifiable dans les statistiques et pourtant incontournable dans les communications autour de la prévention routière : l’usage de la drogue. Pour aborder cette question, le coordinateur hygiène et sécurité du groupe Cadiou a choisi de mener une campagne d’affichage, doublée de la diffusion d’un DVD de sensibilisation obtenu auprès du Club de prévention routière de département du Finistère. « Même si nous n’avons pas rencontré de problème, nous savons que statistiquement, il y a potentiellement des personnes consommatrices, remarque Sylvain Baron. L’intérêt de la démarche est d’expliquer les responsabilités et conséquences d’une consommation, en cas d’accident ou de contrôle inopiné par les forces de l’ordre. »
Reste que la communication autour de la sécurité routière peut prendre d’autres formes, plus ludiques. Dans nombre d’entreprises se sont développés des challenges de sécurité routière et d’éco-conduite. Chez TNT par exemple, une journée par an est consacrée à un concours entre les salariés regroupés en binômes de chauffeurs et commerciaux. Si les éliminatoires se déroulent sur une journée, ce défi mobilise les salariés bien en amont. « Chaque année cela provoque une émulation entre chauffeurs », relève Philippe Brunel.
Des challenges d’éco-conduite pour motiver les équipes
Les vainqueurs sont ensuite conviés à participer à un challenge international entre les différentes filiales du groupe. Ils sont accompagnés d’un représentant de la direction nationale. Une démarche qui rend le programme de prévention non seulement ludique mais aussi gratifiant professionnellement. Une piste à suivre ?
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