Principal atout de la télématique pour prévenir le risque routier : mesurer en détail les comportements au volant. Atout supplémentaire : « Les données sont plus fiables. Les conducteurs mettent souvent en doute la légitimité des conseils qu’on leur donne mais avec les boîtiers, cela devient plus crédible. Ces boîtiers favorisent aussi l’autoévaluation car les conducteurs suivent de près leurs propres performances et cherchent à être meilleurs. La mesure des progrès réalisés est source de motivation », souligne Jean-Philippe Monnatte, P-DG d’Automobile Club Prévention (ACP).
Cependant, la mise en place de boîtiers reste complexe du fait des contraintes de protection des données et des réticences des salariés qui se sentent traqués. « Mais ils peuvent y trouver un avantage car cela aide à calculer plus finement les kilomètres effectués à titre personnel et donc les AEN. En passant au réel et non plus au forfait, ils peuvent y gagner financièrement », ajoute Jean-Philippe Monnatte.
Des apports multiples…
Selon Joël Chabas, directeur de Catalytix France pour le télématicien Masternaut, la télématique peut agir de plusieurs manières sur la sécurité routière : « Les alertes remontées favorisent un meilleur entretien et même une maintenance proactive. Cela évite de faire rouler un véhicule avec un niveau d’huile trop bas par exemple, et aide à anticiper les risques de panne. La télématique entraîne aussi une responsabilisation du conducteur qui, via l’outil, peut remonter au gestionnaire de flotte des informations sur l’état du véhicule, notamment quand ce dernier est en pool. »
Le deuxième apport de la télématique concerne le changement des comportements de conduite grâce aux remontées de données : survitesses, mauvais régimes moteurs, accélérations ou freinages brusques, avec à la clé des formations plus individualisées. À partir des données remontées, Masternaut calcule trois scores : un score environnemental, un score de sécurité et un score sur la capacité d’anticipation, la fluidité et la souplesse de la conduite. « Le conducteur a accès à ces scores sur son smartphone avec un système d’alertes lumineuses et sonores », indique Joël Chabas.
Troisième apport, plus méconnu : la télématique peut contribuer à améliorer la sécurité des infrastructures. « Nous développons cet axe avec les constructeurs routiers. De fait, les boîtiers remontent des comportements de conduite en fonction des tronçons de route. On peut ainsi repérer les jonctions routières les plus dangereuses, les feux et les stops où le risque est accru du fait d’une mauvaise visibilité. Cette analyse intéresse aussi les collectivités publiques », avance Joël Chabas.
… et des limites
De son côté, Patrick Clemens relativise ces avantages de la télématique : « C’est un indicateur de plus, efficace en tant qu’alerte. Mais mesurer les freinages ou les accélérations ne suffit pas pour bénéficier d’une vision et d’une analyse fine de la sinistralité. Un conducteur peut avoir des comportements différents d’un trajet à l’autre, entre un début de matinée et une fin de journée », rappelle ce chargé de développement du département prévention du risque routier pour ECF.
D’ailleurs, Johnson & Johnson n’équipe pas ses véhicules de boîtiers. « Nous comptabilisons sous formes de points les accidents 100 % responsables et les événements sur route, c’est-à-dire les infractions. En conformité avec la législation sur les données personnelles, les infractions sont transformées en événements générant des points. Nous ne gardons pas d’historique au-delà de douze mois », explique Martine La Roche, gestionnaire de la flotte de ce spécialiste de la santé. Dès quatre points, le conducteur passe un entretien avec son supérieur hiérarchique. À six points, il devient conducteur à risque et suit une formation individuelle sur route. « À sept points, il bénéficie d’une formation en e-learning et à huit, il est convoqué par le directeur de sa société (une des trois divisions du groupe) et tous redoutent ce type de convocation. Ce dispositif permet également de mesurer l’efficacité des actions », conclut Martine La Roche.
Partir des données du smartphone
« Le smartphone est mieux accepté que le boîtier de télématique. Et lors d’un challenge de conduite réalisé avec des smartphones, un nombre important de conducteurs est volontaire, avec un taux d’acceptation moyen de 85 % », avance Philippe Moulin, directeur et co-fondateur de DriveQuant, spécialiste de l’analyse des données de conduite à partir des smartphones. Selon DriveQuant, recourir à son application Léa lors de ce type de challenge contribuerait à réduire de 20 à 40 % les comportements dangereux en cours de challenge, et entraînerait 5 à 10 % d’économies – des chiffres construits sur la base de challenges menés au sein de la MAIF ou d’Air Products (voir aussi le témoignage SNCF).
Philippe Moulin met en avant un autre apport : « Outre la remontée d’informations sur le comportement de conduite comme les freinages brusques, les virages trop serrés, les pertes d’adhérence, on peut savoir si le conducteur emploie son smartphone au volant. » Et ceux qui pensent l’utiliser très peu sont parfois surpris. « Le premier résultat concret, c’est en effet une diminution de 40 à 60 % de ce comportement à risque », ajoute-t-il.