Les pouvoirs publics affichent de grandes ambitions pour l’électrique. La Programmation pluriannuelle de l’énergie table sur 2,4 millions de VP et de VUL électriques et hybrides rechargeables en circulation à l’horizon 2023, soit dans trois ans seulement. Ce qui revient à multiplier par douze les volumes actuels.
Cet objectif se double d’un autre défi tout aussi difficile à relever puisqu’il va s’agir de multiplier les infrastructures de recharge de véhicules électriques (IRVE). Les autorités espèrent 50 000 points de charge accessibles au public en 2020 et 100 000 en 2022, alors que le contrat stratégique de la filière automobile vise un...
Les pouvoirs publics affichent de grandes ambitions pour l’électrique. La Programmation pluriannuelle de l’énergie table sur 2,4 millions de VP et de VUL électriques et hybrides rechargeables en circulation à l’horizon 2023, soit dans trois ans seulement. Ce qui revient à multiplier par douze les volumes actuels.
Cet objectif se double d’un autre défi tout aussi difficile à relever puisqu’il va s’agir de multiplier les infrastructures de recharge de véhicules électriques (IRVE). Les autorités espèrent 50 000 points de charge accessibles au public en 2020 et 100 000 en 2022, alors que le contrat stratégique de la filière automobile vise un ratio de dix véhicules électriques pour un point de charge.
27 661 points de charge publics
« Les obstacles liés au prix et à l’autonomie de l’électrique sont en train de tomber. Avec les nouveaux modèles, les tarifs ont baissé et les autonomies dépassent les 300 km. Désormais, les efforts doivent se porter sur le déploiement des bornes de recharge publiques », confirme Joseph Beretta, président de l’Avere-France. Créée en 1978, cette association fédère l’ensemble des acteurs de l’écosystème du véhicule électrique (voir le témoignage).
Sur ce sujet de la recharge, l’Avere-France et le Gireve ont récemment publié les derniers résultats de leur baromètre trimestriel sur le degré d’avancement de la couverture territoriale en IRVE. Le Gireve (Groupement pour l’itinérance des recharges électriques de véhicules) se présente comme une plate-forme d’interopérabilité qui cherche à rassembler le plus grand nombre d’opérateurs de recharge pour faciliter la vie des conducteurs.
Ce baromètre estime ainsi à 27 661 le nombre de points de recharge ouverts au public en France au 17 septembre 2019, soit + 20 % en un an. Pour atteindre les objectifs du gouvernement, le nombre de points de charge devra augmenter de plus de 80 % dans les douze mois. Des résultats à mettre en regard avec les données publiées par Enedis : au premier trimestre, l’énergéticien estimait le nombre de points de charge installés chez les particuliers et les entreprises à respectivement 91 000 et 123 388. « La recharge publique est nécessaire dans les conditions d’itinérance. Quand vous quittez votre domicile, vous pouvez avoir besoin de vous recharger dans un lieu public. Et dans une zone dense dépourvue de parking, il faut des bornes sur la voie publique », illustre Joseph Beretta.
Avec 230 000 VL électriques en circulation, la France aligne un point de charge pour 7,2 unités, constatent l’Avere-France et le Gireve. Une couverture donc supérieure à celle préconisée par l’Union européenne d’un point de charge pour dix véhicules.

1 point de charge pour 7 véhicules
« Notre pays est bien placé, note Joseph Beretta. En Europe, ce ratio est d’un pour dix. En Norvège où l’électrique a trouvé sa place, il est encore plus faible avec un pour douze, avec un rythme de déploiement des bornes qui n’a pas suivi celui de la courbe des ventes des véhicules électriques. »
Aujourd’hui, la recharge accélérée, soit une puissance entre 14 et 22 kW pour une recharge complète en une heure et demie à deux heures, constitue l’essentiel du réseau. Avec 17 845 points de charge, ce type d’IRVE est présent dans 64 % des cas, un chiffre stable par rapport à l’édition 2018 du baromètre publié par l’Avere-France et le Gireve.
La recharge rapide affiche une puissance comprise entre 24 et 130 kW et autorise un « plein » de plus de 80 % en moins d’une demi-heure. Cette technologie couvre 9 % du réseau actuel avec 2 397 points de charge et ce volume s’accroît rapidement (+ 11 % entre mars et septembre 2019).
Dans 49 % des cas, les IRVE sont implantées sur la voirie ou sur des sites publics. Et la part des parkings progresse : ils mobilisent 29 % des implantations. Le solde réunit les parkings d’entreprises et de commerces avec 22 %.
Diversifiées dans leurs puissances et leurs types d’implantation, les IRVE le sont aussi par zones géographiques. Sans surprise, l’Île-de-France est la plus équipée avec 4 019 points de charge. L’Occitanie suit avec 3 434 prises. À elles deux, ces régions réunissent près de 26 % des points de charge ouverts au public. Elles devancent l’Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle-Aquitaine avec respectivement 3 133 et 3 132 prises.
Une répartition inégale
Les zones les mieux équipées bénéficient de grands réseaux de recharge interdépartementaux. Selon la densité de population, le Lot est le mieux loti : il offre 152 points de charge pour 100 000 habitants. Suivent les Hautes-Alpes avec 140 prises, devant la Lozère et ses 123 prises. En queue de peloton se trouvent la Haute-Corse, la Seine-Saint-Denis et la Haute-Loire avec moins de dix points de charge pour 100 000 habitants.
Face aux résultats de ce baromètre, l’Avere-France appelle à la vigilance sur plusieurs éléments. « La densification du maillage ne suit pas la croissance du marché, constate Cécile Goubet, déléguée générale. Alors que depuis le début de l’année les immatriculations de véhicules électriques ont bondi de près de 50 %, le nombre de points de charge n’a augmenté que de 20 %. » L’association déplore surtout la faible hausse du nombre de points de charge rapide, nécessaires pour de longues distances.
Enfin, l’association souligne l’importance de la qualité du service. De son côté, le Gireve travaille avec plus d’une centaine d’opérateurs pour assurer l’interopérabilité entre les bornes publiques. La plate-forme référence tous les points de charge d’Europe. En France, figurent dans le référentiel du Gireve les installations des acteurs publics comme les mairies, les départements et les régions, et celles d’acteurs privés : Ionity, Newmotion, EVBox ou Belib’ à Paris.
Les différents types d’infrastructures
« Quand une borne est installée sur la voie publique, sa puissance doit s’adapter à l’usage », rappelle Joseph Beretta, président de l’Avere-France. En soulignant que pour les recharges nocturnes, 7 kW suffisent. « Pour des recharges rapides, la puissance doit osciller entre 22 et 150 kW. Cette dernière typologie répond aux besoins sur autoroute où 300 km d’autonomie peuvent se récupérer en vingt minutes. Le temps de recharge est lié à la puissance de la borne », poursuit Joseph Berreta. Pour qui un standard européen s’est imposé : le type 2 pour le courant alternatif et le Combo 2 pour le courant continu. Certaines bornes répondent encore au standard asiatique, soit le type 1 pour le courant alternatif et le Chademo pour le continu. « Sur les bornes de recharge rapide et grâce à trois cordons différents, tous les véhicules peuvent se recharger. Si un flottement a pu se produire au début des années 2010, le problème est réglé. Et plusieurs cordons sont stockés dans le véhicule. La cartographie permet de localiser la borne et de savoir quel type de prise utiliser. À terme, seuls subsisteront les standards européens. En attendant le type 1 est le plus présent sur le réseau », conclut ce responsable.
Un référentiel qui vise l’universalité
Créé en 2013 par Renault, CNR, la Caisse des Dépôts, EDF et Enedis, le Gireve rassemble plusieurs milliers de points de charge dans différents pays. Et fédère jusqu’aux supermarchés et aux hôtels qui n’ont qu’une à deux bornes, ou les acteurs qui développent uniquement des badges de recharge comme Chargemap. « Le défi consiste maintenant à installer des bornes aux endroits où elles sont réellement employées, explique Marie Bonnefous, responsable communication du Gireve. Parallèlement, la qualité de service devra s’améliorer. »
Pour installer des bornes, les collectivités territoriales, les établissements publics, les enseignes de la grande distribution, les opérateurs de parkings, les particuliers et les copropriétés peuvent bénéficier d’aides financières de l’État. Lancé en 2013, le Programme d’investissements d’avenir (PIA) a permis de déployer 22 000 points de charge. Les entreprises sont aussi éligibles au programme Advenir dont l’enveloppe globale était initialement dotée de près de 20 millions d’euros. En 2016, le gouvernement tablait sur 13 700 points de charge au 31 décembre 2020 dont 3 000 en voirie. Ce chiffre a été porté à 18 000.
En octobre 2019, le programme avait permis de participer au financement de 11 000 unités et seuls 11 millions d’euros avaient été débloqués. Advenir fonctionne sur le modèle des certificats d’économies d’énergie (CEE). Les fournisseurs d’énergie se voient obligés de financer des projets d’économies d’énergie et d’inciter leurs clients à en réaliser pour obtenir des CEE. Soit les énergéticiens mettent en place eux-mêmes des plans d’économies, soit ils achètent des CEE aux entreprises non soumises à l’obligation, soit ils paient davantage de taxes à l’État. L’installation d’IRVE est éligible à l’obtention de ces certificats.

Quelles aides financières ?
La prime couvre 40 % du coût de la fourniture et de l’installation des points de charge pour les entreprises et les entités publiques, et passe à 50 % pour le résidentiel collectif. Un montant maximal a été défini selon les types de bénéficiaires. Pour les entreprises et les personnes publiques dont les IRVE sont installées sur des parkings privés, l’aide maximale atteint 1 000 euros, avec 360 euros supplémentaires pour une recharge intelligente. Cette subvention est attribuée par point de recharge. Avec un parking ouvert au public, le plafond atteint 1 500 euros et 1 860 euros avec le pilotage énergétique de la recharge. La demande se fait auprès de la plate-forme Advenir à l’adresse https://mon.advenir.mobi/. Advenir concerne aussi les IRVE installées en voirie et dans les immeubles résidentiels. En juillet dernier, le gouvernement a pris deux mesures pour accélérer leur déploiement. Une surprime va être accordée pour les bornes installées par les collectivités territoriales et la moitié du financement d’une infrastructure de recharge collective sera assurée pour 3 000 copropriétés.
Dans une étude réalisée pour le gouvernement, le cabinet Coda Stratégies estime que la recharge en entreprise revêt une importance capitale en Californie et, dans une moindre mesure, en Norvège. Dans ces États, les véhicules se rechargent sur les parkings des entreprises grâce à des prises à la puissance généralement limitée à 7 kW. Ce qui oblige à rester branché plusieurs heures pour récupérer assez d’autonomie. Il ne s’agit pas d’une charge ponctuelle mais bien d’une pratique qui court sur la journée de travail. En outre, le véhicule ne doit pas être déplacé et la borne n’est pas partagée.
Le droit à la prise
Si les bornes publiques offrent une réassurance pour les conducteurs de véhicules électriques, la majorité des recharges se fait à domicile. Le parc immobilier français compte 19 millions de logements individuels (dont 15 millions avec un parking privatif) et 15 millions d’habitats collectifs (dont 8 millions sans parking). Pour les logements individuels dotés de parkings, installer une prise ou une wallbox ne pose pas de difficulté. Le coût va de quelques centaines d’euros pour une prise simple à moins de 1 000 euros pour une installation sophistiquée. Pour les résidents de copropriétés qui disposent de leurs propres emplacements de parking, l’opération est moins aisée, même si le droit à la prise est reconnu et empêche les assemblées générales de s’opposer à la pose d’une borne. La loi d’orientation des mobilités oblige en effet les copropriétés à évoquer le sujet en assemblée générale avant 2023. Cependant, si les places de stationnement n’ont pas été pré-équipées, les coûts s’envolent avec la nécessité d’adapter le réseau électrique. De plus, les syndics ne jouent pas encore leur rôle de prescripteur et les aides sont peu connues. Pour les logements neufs, le pré-équipement est obligatoire et permet d’installer un point de charge à un coût maîtrisé.
L’importance de la recharge au travail
Selon Coda Stratégies, « en France, la recharge au travail se développe, mais pas systématiquement de la manière la plus appropriée. » Les véhicules stationnent plusieurs heures alors que des opérateurs ont déployé des prises de 22 kW qui autorisent une recharge complète en deux heures au plus. Et la facturation se fait sur une base horaire pour faire tourner les véhicules pendant la journée. Or, les salariés garent les véhicules le matin et ne les reprennent souvent que le soir.
Parmi les freins à la recharge au travail figurait l’obligation de déclarer des avantages en nature. Parfois, l’entreprise contournait ce problème en facturant la recharge au salarié. Mais cette difficulté a disparu. Par un arrêté publié au Journal Officiel du 12 juin 2019, dans le cas de la mise à disposition d’une borne, l’AEN est considéré comme nul pour les déplacements personnels.
Autre difficulté, lorsque les entreprises louent leurs locaux, elles devaient s’arranger avec leurs bailleurs. Mais le rapport de force a tourné à l’avantage des locataires puisque le cadre réglementaire a introduit un droit à la prise. Et certains propriétaires voient d’un bon œil l’équipement en bornes pour accroître l’attractivité de leurs biens. Autre barrière, des bâtiments comme les établissements recevant du public ou les immeubles de grande hauteur rendent plus difficile et plus coûteuse l’installation de bornes.
Nombre de points de charge par région
Île-de-France | 4 019 |
Occitanie | 3 434 |
Auvergne-Rhône-Alpes | 3 133 |
Nouvelle-Aquitaine | 3 132 |
Hauts-de-France | 2 440 |
Normandie | 2 212 |
Provence-Alpes-Côte d’Azur | 2 033 |
Grand Est | 2 000 |
Bretagne | 1 763 |
Centre-Val-de-Loire | 1 526 |
Pays de la Loire | 1 481 |
Bourgogne-Franche-Comté | 1 069 |
Corse | 64 |
Source : Avere-France, Gireve |
Immatriculations de VL électriques par région
Régions | Immatriculations | 2019/2018 |
---|---|---|
Île-de-France | 7 713 | + 47 % |
Auvergne-Rhône-Alpes | 4 161 | + 38 % |
Provence-Alpes-Côte d’Azur | 3 530 | + 85 % |
Occitanie | 2 707 | + 31 % |
Nouvelle-Aquitaine | 2 535 | + 24 % |
Grand Est | 2 249 | + 30 % |
Hauts-de-France | 2 142 | + 57 % |
Pays de la Loire | 1 609 | + 36 % |
Normandie | 1 409 | + 28 % |
Bretagne | 1 382 | + 51 % |
Centre-Val-de-Loire | 1 101 | + 26 % |
Bourgogne-Franche-Comté | 1 036 | + 50 % |
Corse | 111 | + 23 % |
Source : Avere-France, Gireve. Par rapport à la même période de 2018, au 31 août 2019. |
Des barrières à lever
Nombre d’entreprises reculent également devant le montant des investissements financiers. Si le programme Advenir apporte une réponse, il est souvent considéré comme complexe et n’est pas assez connu de l’ensemble des bénéficiaires potentiels.
Les bornes en entreprise sont exploitées par des opérateurs comme Driveco, G2Mobility ou New-Motion qui commercialisent la borne, avec un système de supervision et un pilotage de la maintenance quand l’entreprise fixe sa grille tarifaire, les conditions d’accès, etc. D’autres prestataires prennent en charge le service de A à Z. Les utilisateurs paient ces acteurs qui remboursent l’électricité à l’entreprise.
Concluons avec les coûts. Pour Joseph Beretta de l’Avere-France, le prix d’une borne varie selon qu’elle se situe dans un lieu privé ou sur la voie publique. « Dans le second cas, les contraintes de résistance seront plus élevées. Pour une borne privée de 22 kW, le coût varie de 500 à 2 000 euros. Sur la voie publique, avec les systèmes de protection et la monétique, l’enveloppe est multipliée par deux ou par trois. Le budget d’une borne rapide oscille entre 7 000 et 15 000 euros auxquels s’ajoutent les frais d’installation », détaille Joseph Beretta.
Le prix de l’énergie a aussi son importance dans le calcul du TCO de l’électrique. Et trop souvent, ce TCO serait surévalué par les particuliers et les entreprises. Or, selon Coda Stratégies, le combustible d’un véhicule thermique revient à 0,11 euro/km contre 0,03 euro/km pour l’électrique.
Reste à savoir si la production d’électricité suivra. « Nous avons réalisé un gros travail sur le sujet de la consommation globale des infrastructures avec RTE. En 2030, avec 15 millions de véhicules en circulation, la recharge représentera 7 à 8 % de la demande d’énergie en France. Ce qui ne pose pas de difficultés », répond Joseph Beretta. Mais en rappelant qu’il faudra instaurer une recharge intelligente pour éviter les pics de consommation. « Et les bornes devront être connectées. La différence de tarification entre le jour et la nuit devrait motiver les consommateurs à adopter les pratiques les plus économiques », conclut-il.
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