
« 80 % des recharges se font à domicile ou sur le site des entreprises », résume Lilian Birocheau, directeur général de ChargeGuru. Cet installateur de bornes dans sept pays européens pilote 10 000 bornes électriques dont la moitié pour le compte d’entreprises. Lilian Birocheau reprend : « La majorité des conducteurs parcourent 30 à 40 km par jour. On parle du besoin du lendemain. La borne de 7,4 kW au domicile ou dans le site de l’entreprise suffit donc à ce besoin. L’itinérance est un besoin complémentaire pour les usages intensifs. Il s’agit d’un usage récurrent pour les gros rouleurs et d’un usage ponctuel pour les autres », complète ce...
« 80 % des recharges se font à domicile ou sur le site des entreprises », résume Lilian Birocheau, directeur général de ChargeGuru. Cet installateur de bornes dans sept pays européens pilote 10 000 bornes électriques dont la moitié pour le compte d’entreprises. Lilian Birocheau reprend : « La majorité des conducteurs parcourent 30 à 40 km par jour. On parle du besoin du lendemain. La borne de 7,4 kW au domicile ou dans le site de l’entreprise suffit donc à ce besoin. L’itinérance est un besoin complémentaire pour les usages intensifs. Il s’agit d’un usage récurrent pour les gros rouleurs et d’un usage ponctuel pour les autres », complète ce prestataire.
Quelle recharge ?
Spécialiste de la mesure d’audience, Médiamétrie, à la tête de six véhicules électriques, rejoints prochainement par seize autre modèles électriques, valide ce constat. « Les ravitaillements se font à 10 % en itinérance, à 45 % au domicile et à 45 % au siège de l’entreprise », note Émeric Arnoult, directeur des achats et des moyens généraux. La majorité des collaborateurs font donc appel à cinq bornes installées au siège social de Levallois-Perret (92) par l’opérateur d’infrastructures de recharge ChargePoint, et à la carte TotalEnergies pour l’itinérance. De façon générale, sur les cinquante véhicules de la flotte, seuls quinze ont une utilisation itinérante pour laquelle la carte de TotalEnergies est nécessaire. Et si un ravitaillement doit se faire en dehors de ce réseau, les collaborateurs emploient leurs cartes bancaires et rentrent les dépenses dans une application mobile destinée aux notes de frais.
De son côté, le spécialiste du vitrage Carglass s’appuie sur un parc de 575 véhicules, soit 400 ateliers mobiles et 175 véhicules de fonction. Pour l’instant, cette flotte comprend 36 modèles hybrides rechargeables et quatre électriques. Locataire de son siège de Courbevoie (92), Carglass y a installé treize bornes qui lui sont entièrement dédiées. Les 380 centres de l’enseigne sont aussi en cours d’équipement et 400 bornes y seront implantées.
Le choix des cartes
« Pour les recharges personnelles et pour ne pas créer de déséquilibre avec les collaborateurs des centres, le coût de l’électricité est facturé au prix coûtant dans les sites tertiaires. Les bornes intelligentes remontent les consommations à partir d’une carte accréditive fournie aux collaborateurs par l’opérateur des bornes », expose Mourad Fellah, le gestionnaire de la flotte de Carglass.
En 2021, Carglass a aussi commencé à équiper le domicile de ses collaborateurs d’infrastructures de recharge dotées d’un système à partir duquel sont comptabilisées et remboursées les consommations. 26 conducteurs bénéficient de ce dispositif. Le collaborateur enregistre le numéro de la borne dans le système à partir de la carte multi-énergies de TotalEnergies, les consommations sont validées par le badge et les kW consommés sont remboursés par l’entreprise. Pour un usage personnel, la carte est refusée et aucun remboursement n’intervient. Seuls les collaborateurs éligibles à l’installation d’une borne à domicile peuvent prétendre à une voiture de fonction électrique.
En itinérance, avec la carte TotalEnergies, les collaborateurs de Carglass peuvent se ravitailler aux bornes de l’énergéticien. Au siège de Courbevoie, dans les directions régionales et dans le centre qui abrite les équipes de la relation-client, des cartes spécifiques fournies par Carglass ouvriront aux collaborateurs la possibilité de recharger les véhicules personnels.
En mode automatique
En dehors du réseau de TotalEnergies, les cartes du prestataire servent aussi à se réalimenter dans les infrastructures gérées par le Gireve, la plate-forme d’interopérabilité qui rassemble différents fournisseurs de services de mobilité électrique. Avec ce système et comme pour les cartes carburant classiques, les collaborateurs de Carglass n’ont pas à avancer les frais et le reporting se fait automatiquement sans passer par un système de note de frais. Les possibilités de paramétrage s’apparentent à celles des cartes carburant avec des jours d’enlèvement, des plafonds, etc. La facturation a lieu tous les quinze jours.
Chez l’enseigne de grande distribution Lidl, le ravitaillement en électrons des collaborateurs se fait à l’aide de la carte multi-énergies (essence, recharge électrique) d’un prestataire sélectionné par l’entreprise. Ces cartes fonctionnent dans les différents sites et en itinérance. Pour préparer l’avenir, les bornes semi-intelligentes installées au siège et dans les directions régionales seront capables d’évoluer pour mettre en place, si besoin, des usages payants.
« Un outil de notre prestataire de cartes permet de gérer les recharges, la facturation et le reporting, y compris sur les bornes Lidl de nos sites administratifs et de nos entrepôts, explique Ousmane Mbodje, responsable du pôle mobilité en charge du fleet et du travel management. Sur ces bornes Lidl, nous pouvons aussi assurer le suivi de la disponibilité et la maintenance avec un outil de supervision. Et les enlèvements anormaux sur nos sites comme en itinérance génèrent des alertes. De façon générale, nous pouvons contrôler toutes les charges qui dépassent la capacité des batteries. »
Poser les conditions
Dans le cahier des charges de Lidl pour départager les opérateurs de mobilité, l’enseigne précisait sa volonté de recourir à une seule carte de paiement pour les énergies fossile et électrique. Autre exigence, les bornes installées sur site devaient donc être intelligentes pour monitorer et superviser la charge. En outre, chaque borne devait fournir le maximum de puissance possible en fonction des conditions du réseau. Les bornes devaient aussi être communicantes pour être supervisées et interopérables. L’opérateur devait également proposer un maillage national et être capable d’installer des bornes partout en France. Enfin, Lidl souhaitait que ses collaborateurs bénéficient d’une application mobile pour connaître la localisation des bornes de l’opérateur en cas de besoin.
Des e-stations chez Lidl
En itinérance, les collaborateurs de Lidl peuvent aussi recharger sur les bornes installées dans les parkings des magasins de l’enseigne. Ces parkings de 500 supermarchés s’équipent en effet d’un total de 2 300 points de charge (22 et 120 kW). Fin 2022, l’enseigne a d’ailleurs ouvert sa première e-station de recharge en France, à Villefranche-sur-Saône (69), suivie par cinq autre e-stations en 2022 et 2023. Pour être plus précis, ces premières e-stations possèdent chacune treize places de stationnement dotées chacune d’un point de charge, avec des recharges rapides et ultra-rapides. Sur les treize points de charge, quatre affichent une puissance de 22 kW (charge accélérée) en AC, quatre autres vont jusqu’à 90 kW (bornes rapides) en DC et cinq autres s’échelonnent de 180 à 360 kWh (bornes ultra-rapides) en DC. En 2022, dans ces e-stations de Lidl, la facture atteignait 0,25 euro le kWh sur les bornes en 22 kW, et 0,40 euro sur les bornes rapides et ultra-rapides.
Des cas complexes
Les collaborateurs de Lidl peuvent aussi se recharger sur les bornes de l’opérateur qui fournit les cartes multi-énergies ou sur des installations d’autres opérateurs. « L’interopérabilité existe désormais mais elle n’est pas encore très homogène, observe Ousmane Mbodje. Dès que l’on sort du prestataire de notre carte multi-énergies, nous supportons des frais supplémentaires. »
Car pour les ravitaillements en itinérance, la situation demeure souvent complexe. « Dans une station-service, le prix est affiché en fonction du carburant et le compteur de la pompe indique pareillement le tarif, constate Mourad Fellah pour Carglass. Pour une borne de recharge et en dehors des applis mobiles, aucune information n’est disponible. »
Parmi les dysfonctionnements constatés par Carglass, des conducteurs ont pu recharger à des bornes où le prix du kW était affiché sans que l’entreprise n’obtienne de factures globales à la fin. Carglass a aussi eu à déplorer des factures élevées quand les conducteurs laissent leurs véhicules rechargés stationner sur l’emplacement des bornes : le coût peut aller jusqu’à 100 euros pour seulement 10 kW, soit seulement 30 à 40 km d’autonomie sur le seul mode électrique. Depuis, les conducteurs sont sensibilisés à ce sujet. « Sur le réseau public, les collaborateurs rechargent où ils le peuvent. Seule règle : ils ne doivent pas laisser le véhicule stationner à l’emplacement de l’infrastructure une fois le ravitaillement effectué. La recharge en itinérance représente un appoint et doit le rester », insiste Mourad Fellah.
Un appoint et rien qu’un appoint
Un constat que confirme Lilian Birocheau pour ChargeGuru : « Plus la puissance de la borne est élevée, plus le tarif l’est aussi. Il varie de 0,20 à 0,80 euro par kWh. Au-delà de ce prix indexé sur la quantité d’énergie, une tarification à la durée vise à éviter les voitures “ventouses“, ces véhicules qui occupent la place alors qu’ils sont rechargés depuis longtemps. Au-delà d’un certain temps, la tarification à la durée devient très dissuasive. »
Ce que confirme le distributeur Lidl qui incite ses collaborateurs à se ravitailler dans les différents sites de l’entreprise pour les hybrides rechargeables. « Ces véhicules PHEV peuvent extraire 3,7 à 7 kWh, avance Ousmane Mbodje. Seuls quelques exemplaires se dotent d’un réservoir de 22 kW. Si vous êtes sur une borne publique, le prix du kW, ajouté à celui de la durée de recharge, décuple le coût. Ces voitures demandent du temps pour se recharger, sont seulement compatibles avec les installations en courant alternatif AC et ne supportent pas la recharge en courant continu DC. »
Dans les prochains mois, Carglass va chercher de nouveaux partenariats autour de la recharge. « Les réseaux s’élargissent à de nouveaux acteurs, la concurrence se renforce et nous pouvons espérer de meilleurs tarifs, surtout pour les bornes rapides, anticipe Mourad Fellah. Un prestataire a ainsi augmenté ses prix en début d’année mais est revenu en arrière. Plus globalement, j’attends du législateur des obligations en matière d’affichage des prix sur les bornes pour obtenir le coût réel de la recharge. »
Vers l’harmonisation
« Dans l’avenir, nous souhaitons une harmonisation de la refacturation des coûts de la recharge d’un opérateur à un autre, souligne Ousmane Mbodje pour Lidl. Aujourd’hui, le paiement peut se faire avec la carte de l’opérateur, la carte bancaire ou le smartphone. Mais l’harmonisation est nécessaire pour éviter des coûts qui vont du simple au double. Plus globalement, je souhaite des batteries à l’autonomie accrue et à la taille réduite, et une recharge plus rapide. Avec ces progrès, le mythe de la panne et du temps de charge étendu aura sauté », pronostique Ousmane Mbodje.
Face à la variété des possibilités de recharge, Médiamétrie n’a de son côté pas encore défini de stratégie pour favoriser telle ou telle localisation, tel ou tel réseau, telle ou telle technologie. « Nous ne sommes pas encore entrés dans une logique de “bas coût” afin de nous concentrer sur la disponibilité de ces bornes en premier lieu, confie Émeric Arnoult. À l’avenir, quand l’offre se sera étoffée, nous sélectionnerons les prestataires. » Pour le moment, Médiamétrie n’a pas non plus défini de règles contraignantes pour organiser la recharge. « Nous le ferons en fonction du devenir du marché, du comportement des collaborateurs et de l’évolution de l’avantage en nature », poursuit Émeric Arnoult.
En consolidation
Le mot de la fin à Lilian Birocheau, pour ChargeGuru : « Le gouvernement incite de plus en plus les gestionnaires de flotte à s’adapter à l’électrique. Il y a toujours plus de véhicules électriques et toujours plus de bornes. Le modèle offert par l’entreprise doit être repensé, constate ce prestataire. Qui reprend : le réseau des infrastructures doit être consolidé et interopérable. Le marché n’est pas encore mature et consolidé et il évoluera vers des solutions globales (sites de l’entreprise, domiciles des collaborateurs et itinérance). D’ici cinq ans, le panorama des offres et des acteurs aura probablement évolué », conclut Lilian Birocheau.