
À la manière du « roaming » pour la téléphonie mobile, l’itinérance de la recharge pour véhicules électriques est rendue possible par le principe d’interopérabilité des réseaux de bornes publiques dans les pays d’Europe. Obligatoire depuis 2017 pour tous les distributeurs d’énergie, cette interopérabilité donne à un conducteur la possibilité d’accéder à tous les réseaux de recharge avec un seul abonnement et donc un seul passe, n’importe où sur son parcours ou sa tournée. Cette approche holistique de la recharge publique est gérée par la plate-forme de paiement BtoB Gireve, qui fédère l’ensemble des opérateurs de recharge (CPO) et de mobilité...
À la manière du « roaming » pour la téléphonie mobile, l’itinérance de la recharge pour véhicules électriques est rendue possible par le principe d’interopérabilité des réseaux de bornes publiques dans les pays d’Europe. Obligatoire depuis 2017 pour tous les distributeurs d’énergie, cette interopérabilité donne à un conducteur la possibilité d’accéder à tous les réseaux de recharge avec un seul abonnement et donc un seul passe, n’importe où sur son parcours ou sa tournée. Cette approche holistique de la recharge publique est gérée par la plate-forme de paiement BtoB Gireve, qui fédère l’ensemble des opérateurs de recharge (CPO) et de mobilité (eMSP) en Europe, soit quelque 255 000 points de charge connectés et ouverts au roaming.
Interopérabilité : le point
Selon l’Association française pour l’itinérance de la recharge électrique des véhicules (Afirev), qui défend ce mode de gouvernance dans le cadre de la transition vers l’électrique, l’accès à l’ensemble des réseaux de bornes publiques et la facturation des recharges avec un abonnement unique restent primordiaux pour développer la mobilité électrique, notamment dans le contexte professionnel. Ce « service public de la recharge en itinérance » doit toutefois remplir plusieurs conditions pour bien fonctionner. Il doit permettre à un automobiliste de localiser les points de charge, de connaître leur disponibilité, de les réserver, d’être autorisé à se recharger et de régler le prix de la recharge suivant la facture de son opérateur de mobilité, donc sans avoir à ouvrir de compte chez d’autres opérateurs.
Les chiffres de la recharge publique, en tout cas, progressent : en 2022, Gireve a plus que doublé le nombre de bornes référencées dans son périmètre, tandis que les sessions de recharge ont été multipliées par 2,7 par rapport à 2021. Aujourd’hui, la quasi-totalité du réseau de bornes publiques en France est interopérable, soit 75 000 points de charge. Seules environ 15 000 bornes, installées avant l’obligation de 2017, ne le sont pas. Quant au réseau de superchargeurs Tesla, il se convertit peu à peu à l’interopérabilité.
Répartition des points de recharge par site d’implantation

La recharge à la hausse
Selon le baromètre de l’Avere-France, l’association des professionnels de la mobilité électrique, qui se base sur les données de Gireve, la France comptait 90 803 points de charge ouverts au public à fin janvier 2023, un chiffre en croissance de 63 % sur un an. Cela représente 135 points de charge en moyenne pour 100 000 habitants, avec un taux de disponibilité moyen de 84 %. En ajoutant une estimation des points de charge privés, l’Hexagone comptait, fin 2022, environ 1 200 000 points de charge (sources : Gireve et Enedis).
Pour Clément Molizon, délégué général de l’Avere-France, l’année commence bien : « Nous atteindrons en 2023 la barre symbolique des 100 000 points de charge publics. L’offre actuelle suffit largement pour soutenir le trafic quotidien. On a en effet tendance à surdimensionner les stations de recharge sur autoroute pour anticiper les pics d’affluence lors des vacances et éviter la saturation », rappelle-t-il.
La dynamique doit cependant se maintenir et s’intensifier, avec comme souci l’amélioration constante de la qualité de service et de l’expérience utilisateur. En 2030, il devrait y avoir entre 330 000 et 380 000 points de charge ouverts au public pour les véhicules légers, l’objectif officiel étant de 400 000. L’offre actuelle n’est donc pas adaptée aux besoins de demain. Et la demande va continuer à croître fortement. « Plus on va avancer et plus on aura besoin de points de charge publics, même si les tarifs sont plus chers », prédit Clément Molizon. D’autant qu’un nombre croissant de conducteurs ne pourront pas recharger à domicile et dépendront donc des réseaux publics.
Répartition des bornes de recharge selon la puissance

Pour poursuivre le déploiement des bornes, il va donc falloir agrandir les stations-service pour accueillir davantage de points de charge rapide. Les aires de repos pourraient aussi accueillir des infrastructures de recharge et des services. Tout comme les aires de supermarché, sorties d’autoroute et autres zones commerciales situées à proximité des échangeurs autoroutiers, à l’image des restaurants et magasins McDonald’s, Ikea, Carrefour, etc. Et des acteurs comme TotalEnergies cherchent aussi à acquérir de nouveaux terrains fonciers pour développer leur réseau.
Recharge lente ou rapide ?
Totalement dépendante des réseaux publics, la recharge dite en itinérance ou à destination comporte différentes modalités. Tout dépend des besoins et des cas d’usage. La recharge rapide en DC (courant continu), sur une aire d’autoroute, par exemple une station Ionity, ou un parking de supermarché, peut faire récupérer rapidement jusqu’à 80 % de charge en 30-45 minutes avec un chargeur DC de 150 kW, soit le temps d’une pause déjeuner. En AC (courant alternatif), la recharge lente (maximum 22 kW) sur les bornes publiques nécessite une plus longue immobilisation du véhicule, soit trois à quatre heures ; elle peut donc s’envisager « à destination », pendant un long rendez-vous client ou le soir sur un parking d’hôtel.
« En matière de recharge en itinérance, il y a autant d’usages que de besoins. La puissance de charge dépend donc des itinéraires routiers empruntés, des tournées, mais aussi de l’autonomie du véhicule et des préférences des collaborateurs, confirme Clément Molizon, pour l’Avere-France. Sur l’autoroute, on va avoir tendance à recharger le plus vite possible (150 kW) pour ne pas perdre de temps. Sur les aires de supermarché, c’est différent, le temps de pause peut être plus long. On peut alors se contenter de puissances moindres (50 kW). »
La recharge rapide en DC représente actuellement 12 % des recharges publiques, un ratio qui devrait rester inchangé à l’avenir avec l’augmentation du nombre de véhicules électriques et de bornes. L’Association des sociétés françaises d’autoroutes (ASFA) indique que 80 % des aires s’équipent de bornes rapides, soit une station tous les 60 km.
Taux de disponibilité* des bornes de recharge

* Une borne est considérée comme disponible quand elle n’est ni en maintenance, ni hors-service.
Les autoroutes en mode rapide
Au total, le réseau autoroutier compte 1 553 points de charge, dont 78 % fournissent une puissance supérieure à 150 kW. Les bornes haute puissance (plus de 150 kW) se sont ainsi fortement développées en 2022 : leur nombre a été multiplié par cinq sur le territoire. Et le secteur se montre très dynamique avec de nombreux nouveaux acteurs : Total, Izivia, Carrefour, etc.
Une raison à cela : les sociétés d’autoroute sont dans l’obligation d’équiper leurs stations-service en bornes. En 2023, la plupart l’ont fait et le réseau autoroutier sera couvert à 100 % d’ici l’été. Il faut rappeler que ces sociétés ont bénéficié d’une aide de l’État de 100 millions d’euros, prévue pour le développement de la recharge sur autoroutes et voies rapides. « Ce qui a donné un vrai coup de pouce à la filière », reconnaît Clément Molizon, pour l’Avere-France. Mais selon lui, un nouveau plan de déploiement sera nécessaire pour renforcer de façon pérenne le maillage autoroutier. Et l’Avere-France alerte déjà sur les risques de saturation de certains réseaux dès 2024, si de nouveaux chantiers ne sont pas lancés au plus tôt. Et l’association exhorte l’État à engager dès à présent, avec les sociétés d’autoroutes et les acteurs publics et privés de la recharge, un travail d’anticipation et de planification d’installation de points de charge complémentaires dès 2024 et pour les quinze prochaines années.