
Chaque année, de nouveaux gestionnaires de flotte intègrent le marché du travail. Qui sont-ils ? Difficile d’établir un portrait-robot tant cette population est hétérogène.
Pour Marine Duret, 32 ans, diplômée d’un BTS en comptabilité-gestion, à la tête de 400 véhicules pour le fleeteur Fatec Group, la gestion de flotte a commencé chez un spécialiste en aéronautique de la Côte d’Azur. « J’occupais un poste de commerciale en Suisse, précise-t-elle. J’ai eu l’opportunité de rejoindre, un peu par hasard, une entreprise du Sud de la France comme gestionnaire de flotte. Cela a duré deux ans. »
Marine Duret a ensuite été embauchée début 2019 par...
Chaque année, de nouveaux gestionnaires de flotte intègrent le marché du travail. Qui sont-ils ? Difficile d’établir un portrait-robot tant cette population est hétérogène.
Pour Marine Duret, 32 ans, diplômée d’un BTS en comptabilité-gestion, à la tête de 400 véhicules pour le fleeteur Fatec Group, la gestion de flotte a commencé chez un spécialiste en aéronautique de la Côte d’Azur. « J’occupais un poste de commerciale en Suisse, précise-t-elle. J’ai eu l’opportunité de rejoindre, un peu par hasard, une entreprise du Sud de la France comme gestionnaire de flotte. Cela a duré deux ans. »
Marine Duret a ensuite été embauchée début 2019 par Fatec à Marseille, toujours à la même fonction. « À l’origine, je ne connaissais pas vraiment le métier mais il demande deux qualités qui m’intéressaient : un bon relationnel et le sens du service. Avec la rigueur et le sens de l’organisation, ce sont les compétences majeures recherchées. Nous sommes des chefs d’orchestre qui font le lien avec le conducteur et les acteurs de l’automobile : loueurs, assureurs, concessionnaires, constructeurs, administrations, etc. », énumère cette responsable.
À la tête de quelque 200 véhicules Géraldine, 31 ans, qui souhaite garder l’anonymat, est pour sa part titulaire d’un bac + 3 en gestion et management. « Je suis arrivée totalement par hasard dans le domaine de la flotte automobile », souligne-t-elle.
La gestion de flotte par hasard
Une situation mise en avant par Robert Maubé, expert-conseil en gestion de flottes automobiles du cabinet RRMC : « Les nouveaux arrivants ne choisissent pas vraiment ce métier. On leur a confié cette mission et ils se rendent compte qu’elle est beaucoup plus complexe et plus large qu’attendu… Les débutants ont un choc mais ils sont intellectuellement satisfaits de ce travail valorisant, avec un chiffre d’affaire à gérer en général méconnu. » Mais ces « primo-arrivants » ne sont pas les seuls à découvrir la gestion de flotte… « En 2018, lors de l’audit du parc d’une entreprise du CAC 40, le contrôleur de gestion estimait ce budget à 10 millions d’euros par an. Je lui ai démontré que cela lui en coûtait… 30. C’est dire si l’on sous-estime le coût de sa flotte et qu’en conséquence, les employeurs ont du mal à préciser aux nouveaux arrivants les contours du poste de gestionnaire », complète Robert Maubé.
Professionnaliser
Cette situation suppose aussi, pour les entreprises, de former au plus vite des professionnels de qualité. Car une prise de conscience a eu lieu chez les employeurs. Maintenant, même les petites et moyennes structures envoient leurs nouveaux gestionnaires de flotte en formation. De fait, il n’est plus question de se déplacer comme avant : le transport a un coût économique et écologique que personne ne nie plus. Conclusion : les salariés embauchés pour ce poste se doivent d’être toujours plus compétents, de mieux en mieux formés. Et la professionnalisation du métier est en œuvre.
Mais dans un environnement méconnu, les nouveaux arrivants naviguent bien souvent à vue. Et leurs employeurs aussi… Mais petit à petit, il se dégage une forme de consensus autour des compétences exigées pour décrocher un poste de gestionnaire de flotte. « Nous venons d’embaucher un nouveau gestionnaire de parc, confirme Philippe Crassous, directeur matériel du collecteur français de déchets Sepur, soit 1 500 véhicules dont 1 200 poids lourds. Nous avons fait le choix d’une jeune salariée de 26 ans car nous avons dorénavant de nombreuses données à gérer. Il nous fallait quelqu’un pour s’en occuper. En outre, au-delà de cette compétence en gestion de données massives, nous avons recherché un salarié doté d’un sens du service à destination de nos clients internes. La difficulté de cette recherche est qu’il n’existe pas, à ma connaissance, de cursus consacré à la gestion de flotte. Nous avons donc embauché une jeune bac + 2 curieuse et qui sait se remettre en question », conclut Philippe Crassous.
Le sens du service
Cette notion de service se retrouve chez Capgemini France. « Je recherche avant tout des gestionnaires de flotte sachant servir nos clients internes. Nous sommes à la disposition des conducteurs, nous devons montrer de l’empathie », souligne Alain Teig, gestionnaire des 550 véhicules de ce spécialiste des services informatiques. Alain Teig est aussi président de l’association Echomobility Auvergne Rhône-Alpes qui rassemble des gestionnaires de flotte de la région et veut promouvoir cette fonction.

Pour Catherine Dutang, car fleet manageuse des 150 véhicules de l’équipementier automobile Jtekt en Europe, les compétences demandées sont par définition nombreuses : « Les employeurs recherchent des moutons à cinq pattes, flexibles, réactifs, curieux, à l’écoute du marché et de toutes ses nouveautés. Ils doivent être en plus discrets et respecter la confidentialité des informations reçues. » À noter que Catherine Dutang est aussi trésorière de l’association Echomobility Auvergne Rhône-Alpes.
« Selon moi, mon employeur m’a embauchée pour mon expérience dans la gestion de flotte et mes capacités linguistiques, commente pour sa part Marine Duret pour Fatec Group. Nous nous développons à l’international. Ma maîtrise de l’anglais est devenue indispensable à mon poste. » Ce que valide Théophane Courau, P-DG de ce fleeteur à la tête de 70 000 véhicules pour 110 salariés dont 35 gestionnaires de flotte : « Ces derniers se doivent de maîtriser plusieurs langues dont l’anglais. Cela leur permet de discuter avec des expatriés qui bénéficient d’une voiture ou de gérer des flottes pour nos clients à l’étranger. Cette question de la langue est de plus en plus importante. » Pour Théophane Courau, le gestionnaire doit aussi maîtriser les outils de gestion de parc, être à l’aise avec les conducteurs et pouvoir les conseiller. D’où, in fine, la nécessité d’un intérêt et d’une expérience dans le secteur automobile. « Cette dernière compétence constitue un accélérateur de carrière mais non une obligation », complète ce dirigeant. Fatec Group recrute en permanence : ce fleeteur a embauché huit gestionnaires en 2019 et compte en recruter autant en 2020.

Le travail du gestionnaire de flotte a en effet beaucoup évolué en dix ans. Un constat qu’avalise Catherine Larsonnier, responsable du parc des Fromageries Bel. « D’autant que la charge est aujourd’hui très, très lourde… avec de fortes responsabilités. À mon sens, un jeune responsable se doit d’être autonome, rigoureux, capable d’écoute et d’analyse. Il sait écrire et s’exprimer oralement, il peut adapter son discours en fonction des interlocuteurs et, par-dessus tout, il se montre à l’aise avec le multi-tâches », liste cette responsable à la tête de 300 véhicules. Fermez le ban…
Maxime Sartorius, dirigeant du fleeteur Direct Fleet, a embauché huit gestionnaires de flotte en 2019 et va en recruter une dizaine en 2020. Il résume ses attentes en deux points : « Je recherche tout d’abord des compétences socles. Ces compétences sont humaines : très grand sens du service client, esprit d’équipe et intérêt pour les tâches de gestion (rigueur, calcul, contrôle, comparaisons, reporting). Ces compétences sont aussi techniques : excellente maîtrise d’Excel en particulier, bonne maîtrise des outils informatiques de gestion de parc, de Power Point et de Word. Sans oublier la connaissance de l’automobile (marques, gammes, etc.) », énumère-t-il.
Des compétences humaines et techniques
« Ensuite, ajoute Maxime Sartorius, pour évoluer, il est important d’être à l’aise en gestion financière (un bon élément doit être capable d’identifier et de mesurer les économies), en gestion des processus (structurer un compte client, remettre à plat les processus, remettre en cause les fournisseurs, faire évoluer une car policy, etc.) et en relation client (bien comprendre les organisations, les problématiques et les attentes des clients, réaliser des reportings, des présentations clients et assister à des rendez-vous clients). »
Devant cette masse de compétences et de connaissances à maîtriser, on peut comprendre que les gestionnaires de flotte éprouvent des difficultés durant leurs premiers mois de travail. « Le démarrage a été intense et stimulant, euphémise un gestionnaire embauché en juin 2019 et qui préfère garder l’anonymat. Les tâches à accomplir sont multiples. Il faut savoir rebondir. Pour ma part, la principale difficulté a tenu au monde automobile : je ne suis pas mécanicien et je n’ai donc pas de connaissance technique des voitures, il m’est donc difficile de vérifier des devis. Sans appui extérieur, le gestionnaire risque de se faire assez facilement manœuvrer par les garagistes… »
Ces nouveaux gestionnaires peuvent aussi rencontrer un problème de gouvernance. Cet écueil est expliqué par le formateur et consultant Robert Maubé : « Très souvent, la gestion de flotte n’est pas dirigée par un manager unique. Le responsable de parc doit donc naviguer et être contrôlé par diverses directions. »
Le manque de gouvernance
Dans ce contexte, l’administration et le financier s’occupent du budget. Les RH gèrent les avantages en nature et les achats ont la main sur les contrats de location. Enfin, les moyens généraux s’arrogent la gestion… « Avec de telles gouvernances partagées, le fleet manager ne sait pas à qui s’adresser, sans parler des conflits entre ces directions et des non-prises de décision qui en découlent. Mes anciens stagiaires peuvent connaître les bonnes méthodes à mettre en place mais ils sont freinés par ce manque de gouvernance », poursuit Robert Maubé.
Conduire le changement
Le gestionnaire de flotte peut aussi faire face à des situations gravées dans le marbre au sein de son entreprise. Comme la tradition d’offrir des voitures sans vraiment de contrôle. Et quand il veut changer les choses, il se heurte à des problèmes de conduite du changement, avec des directions qui n’ont pas toujours le courage de régler ces problèmes. Pas facile d’expliquer à des commerciaux stars ou aux membres du comité exécutif que l’époque de l’Audi Q5 toutes options est révolue…
Enfin, certains nouveaux entrants rencontrent des problèmes de moyens. « Une flotte de plus de 100 voitures demande l’acquisition d’un logiciel spécifique, rappelle Robert Maubé. Et j’estime qu’un spécialiste à temps plein est nécessaire à partir d’un parc de plus de 400 véhicules. Les entreprises ont du mal à allouer ces moyens humains et techniques. Elles ne comprennent pas que bien gérer une flotte nécessite un investissement préalable. »
Face à ces écueils, des entreprises proposent des solutions. « À mon arrivée en janvier 2019 chez le fleeteur Fatec Group, j’ai bénéficié de nombreux accompagnements, précise Marine Duret. Il s’est agi de formations dans le domaine du financement, des logiciels et d’une législation très mouvante. J’ai aussi participé à des ateliers sur les nouvelles mobilités où nous échangions nos idées sur l’autopartage, le covoiturage ou les trajets plus propres. » Ces formations permettent alors d’avancer dans un secteur en pleine mutation.
Donner du sens

« Pour qu’ils se sentent à l’aise, il faut aussi donner aux nouveaux gestionnaires un sens à ce métier pas toujours “glamour“, insiste Philippe Crassous, le directeur matériel de Sepur. Pour motiver les arrivants, je mets en perspective le sens de leur action finale avec des accompagnements pour les former aux outils que nous utilisons. » « Le métier est assez compliqué, confirme Philippe Brillaud, responsable achats et logistique pour Groupama Centre-Atlantique à Niort (560 véhicules en gestion). La législation est extrêmement changeante. On y reste parce que l’on s’y plaît et qu’il est possible d’évoluer vers des postes d’acheteur. La progression de carrière et donc de salaires passera aussi par des départs vers des flottes plus importantes. » Et les ascensions, dans ce métier, sont très nombreuses. « Je rencontre d’anciens stagiaires qui ont débuté en gérant 100 voitures. Ils en suivent désormais 3 000 et sont passés cadres, illustre Robert Maubé. Les professionnels qui implantent les bonnes pratiques de notre métier sont très recherchés. »
Pour être promu, le jeune gestionnaire de flotte devra prendre en compte une dernière évolution : celle qui peut le conduire vers le mobility management. Un phénomène que note Fabrice Denoual, directeur général délégué du loueur ALD Automotive et président de la commission communication du SesamLLD (syndicat des entreprises des services automobiles en LLD et des mobilités) : « Chez nos clients, dans les grands groupes, le rôle du gestionnaire évolue vers celui de gestionnaire de mobilité. Du coup, son rôle tend à devenir celui d’un conseil de sa direction générale pour accompagner le choix d’une flotte. »
Expert-conseil en mobilité
Pour développer sa carrière, le nouveau gestionnaire de flotte devra tenir compte de cette opportunité. « Mais cela nécessite des compétences analytiques pour comprendre les nouveaux usages et la masse des données, et savoir les mettre en perspective. Ce gestionnaire s’oriente donc vers un rôle d’expert-conseil », conclut Fabrice Denoual. Une évolution plutôt motivante…
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