
Le recyclage des batteries lithium-ion de véhicules électriques récents ne fait que commencer. De fait, la plupart des modèles zéro émission en circulation, de type Renault Zoé, Nissan Leaf et autre BMW i3, ont été mis à la route dans le courant de la décennie 2010 et rouleront encore plusieurs années. Et une fois ces modèles arrivés en fin de vie, leurs batteries pourront avoir un usage secondaire, et pas forcément dans l’automobile. On leur donne ainsi une seconde vie (voir l’encadré ci-dessous). Le pic de quantité de batteries à recycler ne devrait donc pas intervenir avant quinze ou vingt ans, selon les experts. D’autant que le marché...
Le recyclage des batteries lithium-ion de véhicules électriques récents ne fait que commencer. De fait, la plupart des modèles zéro émission en circulation, de type Renault Zoé, Nissan Leaf et autre BMW i3, ont été mis à la route dans le courant de la décennie 2010 et rouleront encore plusieurs années. Et une fois ces modèles arrivés en fin de vie, leurs batteries pourront avoir un usage secondaire, et pas forcément dans l’automobile. On leur donne ainsi une seconde vie (voir l’encadré ci-dessous). Le pic de quantité de batteries à recycler ne devrait donc pas intervenir avant quinze ou vingt ans, selon les experts. D’autant que le marché de l’électrique commence seulement à se structurer et à prendre de l’ampleur, notamment avec l’arrivée massive de nouveaux modèles.
Un secteur d’avenir
En attendant, la filière du recyclage se met en place en France avec des acteurs historiques comme la SNAM (Société Nouvelle d’Affinage des Métaux), un « pure player », tandis que de grands groupes industriels comme Suez (via sa filiale Euro Dieuze Industrie et Recupyl) et Veolia se lancent, alléchés par de belles perspectives de croissance. Non seulement le parc de véhicules électriques devrait fortement croître sous l’effet de la pression environnementale et fiscale, mais la réglementation européenne en matière de recyclage soumet déjà les fabricants de batteries et les constructeurs à des engagements stricts.
La « directive batterie » (2006/66/CE) impose en effet un taux de recyclage représentant au minimum 50 % du poids de la batterie. Et ce n’est qu’un début car le recyclage des batteries fait partie intégrante de l’équation verte du véhicule électrique. Sachant que les batteries sont à la fois sources de richesses et de pollution : elles contiennent des matériaux réutilisables à l’infini (lithium, manganèse, cobalt, nickel, etc.), mais leur production n’est pas neutre dans le bilan carbone de l’électrique. Les recycleurs jouent donc un rôle clé dans la boucle de l’économie circulaire, en traitant et en revalorisant chacun des composants des batteries, les métaux comme les éléments structurels (plastique, câblage, zinc).
Pour l’heure, le plus gros des volumes de batteries à traiter provient de Toyota qui vend plus de 1 million de ses modèles hybrides chaque année dans le monde depuis 2007. Ces derniers s’équipent de « petites » batteries de type nickel-hydrure métallique (NiMH). Les « grosses » batteries de type lithium-ion pour véhicules 100 % électriques, elles, n’arrivent pour l’instant qu’au compte-gouttes dans les usines de recyclage.
Les constructeurs ont cependant déjà choisi leurs partenaires recycleurs. BMW, Volkswagen, Groupe PSA, Honda, Kia ou Toyota ont signé des contrats avec la SNAM qui s’engage à collecter et à recycler les batteries qu’ils ont mis sur le marché. Renault procède pareillement avec son partenaire Euro Dieuze Industrie, tandis que Nissan passe par Recupyl.
Un marché en construction
D’autres alliances se nouées en Europe, comme entre le fabricant belge de métaux et recycleur Umicore, ou entre le fabricant de batteries suédois Northvolt et les constructeurs Audi et BMW.
Pour tous ces acteurs, le marché s’annonce prometteur. À la SNAM, les deux sites de production sont en cours de dimensionnement afin de gérer des quantités de batteries en hausse. La société a investi 12,5 millions d’euros depuis 2015 afin d’accroître ses capacités de recyclage à 25 000 t de batteries par an. Une limite fixée par arrêté préfectoral encore loin d’être atteinte. « Nous avons commencé notre production en 2011 avec une Toyota Prius, soit 45 kg de batterie. Aujourd’hui, nous en traitons entre 700 et 800 t par an. Les batteries de traction de type lithium-ion (véhicules électriques et hybrides rechargeables) et NiMH (hybrides) ne pèsent que 15 % de nos volumes recyclés. Mais cette activité va monter en puissance avec l’accroissement des mises à la route. Nous pourrions traiter 3 000 à 4 000 t prochainement et jusqu’à 5 000 t en 2024 », estime Frédéric Salin, directeur commercial et marketing de la SNAM.

Le rôle central des constructeurs
« Nous collaborons beaucoup avec les constructeurs de véhicules électrifiés en amont sur la partie R&D, et ce dans le cadre de contrats à long terme sur cinq à dix ans. Le but est de récupérer toutes les données de sécurité relatives aux batteries afin de trouver des solutions de recyclage et d’adapter nos process le plus tôt possible », poursuit Frédéric Salin. Les constructeurs sont en effet tenus de communiquer aux recycleurs les caractéristiques chimiques et physiques de chaque produit (fiches de sécurité) dès leur mise sur le marché, et ce même si les batteries n’arriveront pas chez eux avant dix ou quinze ans. « Pour l’instant, nous travaillons sur des exemplaires de pré-série, défectueux ou accidentés, qui nous permettent de préparer le terrain », reprend Frédéric Salin.
La SNAM revendique des taux de recyclage de 70-80 % pour les batteries lithium-ion et jusqu’à 90 % pour celles nickel-hydrure métallique (NiMH). Avec un taux de récupération des métaux pouvant atteindre 99 %. Des résultats bien supérieurs aux objectifs fixés par la norme européenne en vigueur (50 %). « Les constructeurs comme Toyota nous demandent une amélioration continue mais cela dépend de la faisabilité technique et financière. Plus les opérations sont complexes, plus les coûts augmentent. Si certains métaux peuvent être recyclés à l’infini, il faut appliquer des traitements thermiques et chimiques plus ou moins lourds pour les séparer et les valoriser. On parle alors d’un taux de pureté (soit entre 40 et 80 %) que l’on adapte à la demande des clients en fonction de leurs moyens et de leurs objectifs », précise Frédéric Salin.

Une question de coût
Pour ce faire, la SNAM dispose de tous les outils de recyclage connus (fours, broyeurs et cuves hydro-métallurgiques), mais aussi d’un bureau d’études intégré avec lequel elle peut gérer la qualité et la quantité des volumes de recyclage produits, tout en maîtrisant les coûts. « Nous développons des solutions sur mesure pour chaque modèle de batterie et pour chaque constructeur, sachant que la diversité des batteries s’accroît avec l’arrivée des nouveaux véhicules électriques sur le marché », rappelle Frédéric Salin.
Sujet sensible lié aux batteries, l’exploitation des ressources naturelles et le recyclage inégal des métaux. Il se trouve que le lithium est une matière première abondante dans la nature et donc encore bon marché. De fait, il est moins recyclé que le nickel ou le cobalt, des métaux rares dits critiques, car soulevant des problèmes géopolitiques – l’exploitation des mines en Afrique par exemple. « En pratique, le recyclage des batteries de véhicules électriques en boucle fermée n’est pas économiquement possible : on ne peut fabriquer une batterie neuve uniquement avec des matériaux recyclés. Les coûts de raffinage seraient trop élevés et impacteraient le prix déjà important de ces batteries », affirme Olga Kergaravat, ingénieure au sein de l’Ademe.
Car si les technologies pour améliorer les performances du recyclage existent, encore faut-il que les recycleurs puissent vendre leurs produits. « Les fabricants de batteries ne vont pas acheter des matières premières plus chères que celles extraites dans la nature et disponibles sur le marché à moindres coûts. À moins de répercuter les coûts sur le consommateur », démontre Olga Kergaravat. Un scénario d’autant moins probable que les « metteurs » sur le marché se trouvent pour la plupart en Asie, donc loin des recycleurs européens. Les projets de relocaliser la production de batteries en Europe pourraient toutefois changer la donne et favoriser une économie plus circulaire.
Le projet européen ReLieVe (Recycling Li-ion batteries for electric Vehicle) s’inscrit précisément dans cette logique de business model intégré. Lancé en janvier 2020 et pour une durée de deux ans, il réunit trois partenaires industriels : Eramet, BASF et Suez. Avec à la clé un financement de 4,7 millions d’euros, une partie provenant de l’EIT Raw Materials, un organisme fondé et financé par l’Union Européenne. ReLieVe est aussi soutenu par la filière automobile et mobilités (PFA) et les équipes de recherche de Chimie Paris Tech. L’objectif de ReLieVe est de développer un procédé de recyclage en boucle fermée en réemployant les matières premières (lithium, nickel, cobalt, manganèse) des batteries usagées pour en produire de nouvelles en Europe. Dans ce consortium, chaque partenaire à un rôle clé à jouer : le spécialiste de la gestion de l’eau et des déchets Suez s’occupe de la collecte et du démantèlement des batteries en fin de vie, le groupe minier et métallurgique Eramet se charge du recyclage des éléments, tandis que le chimiste BASF s’emploie à la fabrication de nouveaux matériaux d’électrodes.
« Environ 50 000 t de batteries devraient être recyclées en Europe d’ici 2027, et ce chiffre pourrait être multiplié par plus de dix en 2035 », déclare Jean-Marc Boursier, directeur général adjoint de Suez. ReLieVe devrait ainsi contribuer à « structurer un secteur industriel intégré » en Europe et à sécuriser l’approvisionnement en matières premières dans la perspective d’une forte croissance du marché des véhicules électriques.
Une logique européenne
ReLieVe renvoie également à un autre projet européen, l’Airbus des batteries dont le but est de produire des cellules pour véhicules électriques sur le Vieux-Continent. Doté de 5 milliards d’euros d’investissement, ce programme s’est concrétisé en France par la création d’une coentreprise entre le Groupe PSA et le pétrolier Total. Les deux entreprises ont investi 200 millions d’euros dans une usine pilote sur le site de Saft de Nersac, près d’Angoulême (Nouvelle-Aquitaine). Leur objectif : produire 1 million de batteries par an d’ici à 2030, de quoi alimenter 10 à 15 % du marché européen. Renault va aussi rejoindre ce programme et lancer à son tour la production de batteries made in France, sans doute sur son site de Douvrin dans les Hauts-de-France. Un moyen de sortir, enfin, de la dépendance asiatique.
Dossier - Recyclage des batteries : un enjeu écologique pour le véhicule électrique
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