
La réglementation relative au recyclage s’est alourdie au fil des ans et plus personne n’ignore les obligations qui pèsent sur les acteurs de l’automobile. En résumé, tout le monde est responsable de ses propres déchets. D’où la définition de processus liés au recyclage des véhicules dans l’ensemble des métiers relatifs à la vente, l’entretien et la réparation automobiles. Pour autant, le système fonctionne-t-il bien ? Dans leur ensemble, les acteurs soutiennent que oui, même si, dans le détail, des améliorations restent à apporter ici ou là. Mais en filigrane, un message est passé pour une professionnalisation accrue, voire la...
La réglementation relative au recyclage s’est alourdie au fil des ans et plus personne n’ignore les obligations qui pèsent sur les acteurs de l’automobile. En résumé, tout le monde est responsable de ses propres déchets. D’où la définition de processus liés au recyclage des véhicules dans l’ensemble des métiers relatifs à la vente, l’entretien et la réparation automobiles. Pour autant, le système fonctionne-t-il bien ? Dans leur ensemble, les acteurs soutiennent que oui, même si, dans le détail, des améliorations restent à apporter ici ou là. Mais en filigrane, un message est passé pour une professionnalisation accrue, voire la construction d’un véritable modèle industriel du recyclage.
La problématique n’est pas simple, ne serait-ce que par la diversité des produits et matières qui constituent un véhicule. 28 filières de déchets ont été identifiées par le CNPA (Conseil national des professions de l’automobile) dont la plupart recouvrent des déchets industriels considérés comme dangereux et, à ce titre, soumis à une obligation légale de recyclage et de valorisation. Ces déchets sont les suivants : aérosols, batteries, filtres à huile et à carburant, pots catalytiques, matériaux souillés, huiles usagées, liquides de frein, liquides de refroidissement, solvants, liquides divers, boues des séparateurs d’hydrocarbures, acides et véhicules hors d’usage (VHU). C’est dire si l’organisation doit être précise pour tous ceux qui ont de nombreux déchets dangereux à recycler.
S’organiser en interne pour mieux collecter les déchets
En commençant par la place à accorder aux différents contenants, bennes et fûts pour stocker les déchets de façon à ce qu’ils soient repris par les spécialistes de la collecte et de la valorisation. « Au sein des ateliers, il existe un bac pour les chiffons imbibés d’huile ou de fluide, une benne pour la récupération des batteries, des bennes pour les emballages vides et les contenants de liquide, des fûts de récupération pour les liquides de frein, les carburants usagés, les fluides usagés », détaille Sébastien Despas, responsable après-vente dans l’un des établissements de Metin, important concessionnaire Peugeot de la région parisienne.
Tout cela est encombrant, sans compter les déchets non dangereux comme les pare-brise et les pneumatiques qui demandent encore plus d’espace et même un emplacement spécifique. « Le pare-brise est volumineux, explique Léa Bernard, responsable marketing de France Pare-Brise. Il nécessite donc une benne adaptée et un emplacement à l’extérieur des centres. Et ce dernier doit être accessible au camion qui vient chercher les déchets afin d’éviter le risque d’abîmer les pneus », poursuit la responsable.
Cette question de l’espace disponible, certaines enseignes l’ont intégrée dans leurs plans de développement. « Dans tous les nouveaux centres Speedy sont prévus des espaces plus grands, d’au minimum 25 m2, des cuves de 1 500 l et des installations pour récupérer l’huile s’il y a fuite des contenants », décrit Bruno Patruno, responsable sécurité et environnement de Speedy.
Mais si les grands réseaux peuvent gérer plus facilement ces espaces, il en va différemment des enseignes indépendantes implantées localement. Les prestataires spécialistes de la collecte et du recyclage peuvent alors apporter une aide. « Nous nous intéressons aux contraintes de place et pouvons établir un diagnostic préalable », souligne Julien Salive, responsable commercial national déchets automobiles de Chimirec, spécialiste de la collecte et du traitement des déchets industriels dangereux.
Une fois la question de la place réglée, il reste l’organisation des processus de tri. Selon la nature du déchet, ceux-ci sont parfois complexes. « Les chiffons souillés ne sont pas faciles à trier », explique Julien Salive. Simple pour certains, moins pour d’autres, cette organisation dépend de la taille des entreprises et de leur structure. « Les réseaux intégrés peuvent plus facilement imposer une demande », ajoute-t-il.
Un suivi administratif des déchets très cadré
De fait, pour une entreprise comme Speedy qui possède ses points de vente en propre, la gestion des déchets se veut plus aisée. Avec une philosophie qui tend à créer un cercle vertueux par une répartition adéquate des responsabilités. « Chaque chef de centre doit procéder à un reporting mensuel à la direction régionale. Et dans la mesure où il est impossible d’être tout le temps derrière nos points de vente, les collecteurs avec qui nous travaillons avertissent à la fois le chef de centre et la direction en cas de problème », rappelle Bruno Patruno. Les chefs de centre et leurs équipes doivent par ailleurs respecter les « déclaratifs » sur outil informatique. La traçabilité constitue un élément clé de l’efficacité d’un processus de recyclage.
Dans les enseignes du groupe Mobivia, une double traçabilité papier et informatique permet de suivre le parcours des déchets jusqu’au BSD, le bordereau de suivi de déchets. Tous les émetteurs de déchets sont légalement obligés de le remettre aux prestataires qui le leur renvoient rempli pour prouver le bon traitement des déchets. Un document que les émetteurs doivent conserver cinq ans. « Personne ne peut passer entre les mailles du filet », résume Bruno Patruno.
Remettre de l’ordre dans le recyclage des VHU
Au-delà de la collecte, il convient aussi d’identifier les entreprises qui vont collecter et valoriser les déchets, ce qui n’est pas la partie la plus simple du travail. « Il faut trouver des partenaires pour assurer le transport et la valorisation des déchets. Malheureusement, leurs processus ne sont pas toujours transparents », remarque Blandine Sardou, responsable environnement du groupe Mobivia. Ce secteur est dominé par quelques grands noms dont Chimirec, Veolia, Derichebourg. À côté de ces entreprises avec des capacités de traitement dans nombre de filières, d’autres acteurs jouent un rôle spécifique dans des filières très organisées. La plus connue reste celle des pneus avec Aliapur et FRP (France Recyclage Pneumatiques). Mais il existe aussi de nombreux acteurs locaux avec, pour certains, des prestations jugées parfois discutables.
Sur son site internet, le CNPA rappelle l’importance de la lutte contre les « chantiers sauvages ». Ceux-ci concernent entre autres la filière des VHU dont la réglementation a été renforcée récemment après l’admonestation des autorités européennes. Avec un objectif : faire en sorte que les pièces des VHU jugées dangereuses ne se retrouvent plus dans le circuit de fabrication. Les constructeurs ont été invités à mettre de l’ordre dans leur organisation et à bâtir un réseau de collecte agréé. Renault a ainsi créé une filiale commune avec Suez Environnement, la société Indra, vers laquelle sont dirigés tous les VHU de la marque. « Ce sont des objets de taille importante dont le recyclage constitue un processus très lourd », note Jean-Philippe Hermine, directeur environnement de Renault.
L’agrément préfectoral, un critère impératif de choix
D’autres filières sont tout à fait spécifiques, comme celle des huiles usagées, et nécessitent un agrément préfectoral. « Nous ne recourons qu’à des partenaires agréés, pointe Delia Cauchois, responsable environnement pour Peugeot. Certaines difficultés sont ainsi déjà prises en compte puisque la solidité et l’efficacité des partenaires sont vérifiées. » Car des difficultés, il y en a. « En 2011, nous avons eu des remontées du réseau relatives à un prestataire qui imposait des contrats de quatre ans à ses clients, relate Delia Cauchois. Nous n’avons pas les moyens de vérifier ces comportements. » Aussi, le groupe PSA a-t-il établi un nouvel appel d’offres vers des prestataires répondant à des critères de qualité, de service et de prix, et préconise de collaborer avec eux.
Nombre d’entreprises spécialisées dans l’entretien et la réparation automobiles choisissent des valeurs sûres. Metin est client de Chimirec et Derichebourg ; Speedy travaille à hauteur de 90 % de ses déchets avec Chimirec et des entreprises très spécialisées sur d’autres créneaux : Servipac pour les bidons d’huile, la Compagnie de récupération des pots catalytiques (CRPC) ou encore SARP, une filiale de Veolia pour la séparation d’hydrocarbures. Euromaster a fait un choix singulier avec la société allemande Remondis. « Nous leur demandons d’être force de proposition pour identifier les meilleures valorisations de produits, avance Michel Pavillet, responsable qualité environnement d’Euromaster. Remondis nous a notamment fait mettre à part les disques de la ferraille. »
Il existe deux types de valorisation des déchets : la première, la plus intéressante, est bien sûr de fabriquer de nouveaux produits. Et nombreuses sont les solutions de valorisation : de la récupération de la ferraille ou du plomb des batteries jusqu’aux techniques pour obtenir du gazon synthétique à partir des pneumatiques, ou du goudron de route avec des éléments constitutifs des pare-brise. Mais les déchets ne se prêtent pas tous à cette valorisation « matière », comme la nomme Julien Salive de Chimirec, et dans ce cas, ils servent le plus souvent de combustibles pour alimenter cimenteries, chauffage urbain et autres activités gourmandes en énergie.
Le recyclage, avant tout une affaire de coût
La meilleure valorisation des produits n’est pas qu’un souci d’ordre purement écologique : la dimension économique demeure essentielle dans la démarche. Car recycler coûte cher. Il faut d’abord disposer de sites industriels capables de traiter tous ces déchets avec des technologies très pointues. « Nous avons des systèmes de centrifugation pour séparer les huiles des ferrailles et des cartons, et des techniques de nanofiltration pour enlever toutes les impuretés d’huiles qui peuvent resservir à 100 % », décrit Julien Salive. Et une logistique parfaite s’impose. « C’est le nœud du système, estime Blandine Sardou pour Mobivia. Nos capacités de stockage ne sont pas extensibles. » Chimirec confirme en estimant que cette logistique reste un métier à part entière, que l’entreprise s’emploie à exercer avec ses 350 poids lourds qui sillonnent la France.
Il n’empêche, les acteurs de l’automobile regrettent le coût parfois très élevé du recyclage. « Nous en répercutons une partie sur la facture du client sous la forme d’une éco-participation, mais c’est loin de couvrir le coût de la gestion des déchets », souligne Sébastien Despas, responsable après-vente d’un établissement Metin, concessionnaire Peugeot en région parisienne. Il existe pourtant des moyens de gagner de l’argent et deux filières sont clairement convoitées, les batteries et les pots catalytiques. La première l’est grâce aux cours du plomb, matière aisément récupérable. Et de fait, la filière est rentable…
Batteries et pots catalytiques, victimes de leur succès
À ceci près qu’il faut contrôler le stockage des batteries, car le plomb intéresse tellement qu’il faut le protéger contre le vol. « Une partie des batteries emprunte des circuits parallèles de revalorisation », observe Olivier Fort, directeur général d’Auto Eco, la société chargée de collecter les données relatives à la gestion des déchets pour le compte de l’Observatoire national des déchets de l’automobile. Mais au moins les générateurs de déchets récupérent-ils un peu d’argent. Autour des pots catalytiques, les constructeurs ont lancé un système de consigne pour échanger un ancien pot catalytique usagé contre un neuf, moyennant une remise. Avec à la clé un meilleur contrôle de la filière.
Pour le reste, les acteurs du marché, dont les constructeurs, cherchent à valoriser au mieux ces filières. Renault fait en sorte de réutiliser ce qu’il est possible dans sa chaîne de fabrication, par exemple avec la ferraille. Cela commence très en amont. « Nous incitons à mieux trier pour une meilleure valorisation, explique Jean-Philippe Hermine. Il y a de la valeur perdue par manque de tri. Et dans ce cadre, il est important de bénéficier d’une bonne traçabilité relative à la nature et au volume des déchets. Cela permet de “benchmarker“ les déchets, d’en identifier les volumes et donc les gisements. » Mais, à l’exception des batteries, ces revalorisations ne constituent qu’une petite source, admet le représentant de Renault.
Dans d’autres filières, le coût du recyclage peut être compensé, comme avec la récupération des huiles revendues à l’industrie. Mais globalement « la valorisation des déchets n’arrive pas à compenser le coût, notamment de leur stockage », rappelle Michel Pavillet, d’Euromaster. Qui constate par ailleurs que le modèle économique change d’une filière à l’autre, ce qui complique encore la gestion du recyclage. Pour Pascal Gradassi, directeur commercial de Point S, il n’y a pas à proprement parler de modèle économique, puisque « nous sommes obligées de nous conformer aux propositions de services des solutions agréées. »
Le recyclage en recherche d’un modèle économique
Pour sa part, Blandine Sardou attend une maturation de l’industrie du recyclage. « Plus il y aura d’entreprises qui se lanceront dans la valorisation matières, mieux ce sera pour le marché », analyse la responsable de Mobivia. Les filières, ou tout au moins certaines d’entre elles, devraient être prises en charge « à l’échelle nationale afin de normaliser les coûts et le contrôle de l’ensemble des intervenants », complète Pascal Gradassi. Reste donc à réduire le coût du recyclage, tout en en maintenant l’efficacité.
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