
« Nous avons tous des engagements en matière de responsabilité sociale et environnementale. Les véhicules de la flotte d’Orange ne dépassent pas 120 g/km d’émissions de CO2, alors que la frontière du bonus-malus va passer à 127 g de CO2 début 2017 », souligne d’emblée Patrick Martinoli, directeur de la gestion des véhicules de l’opérateur.
« Face aux contraintes que nous fixent les autorités, il faut en effet prendre des décisions dès maintenant pour développer les motorisations alternatives dans les parcs. Si nous n’approchons pas du zéro émission, nous ne pourrons plus envoyer nos techniciens dans les grandes agglomérations. Mais comment...
« Nous avons tous des engagements en matière de responsabilité sociale et environnementale. Les véhicules de la flotte d’Orange ne dépassent pas 120 g/km d’émissions de CO2, alors que la frontière du bonus-malus va passer à 127 g de CO2 début 2017 », souligne d’emblée Patrick Martinoli, directeur de la gestion des véhicules de l’opérateur.
« Face aux contraintes que nous fixent les autorités, il faut en effet prendre des décisions dès maintenant pour développer les motorisations alternatives dans les parcs. Si nous n’approchons pas du zéro émission, nous ne pourrons plus envoyer nos techniciens dans les grandes agglomérations. Mais comment faire ?, s’interroge Patrick Martinoli. Alors que nous ne savons pas exactement où nous allons, nous commandons des véhicules que nous aurons encore sur les bras lorsque les futures lois seront passées. »
À la recherche des véhicules propres
Patrick Martinoli gère un peu moins de 20 000 véhicules, un chiffre en recul de 3 à 4 % tous les ans, « du fait de l’optimisation de la flotte et de la réduction du personnel liée aux départs en retraite et à l’évolution des postes de l’entreprise, de plus en plus sédentaires. » Chez Orange, une des problématiques consiste à « promouvoir autre chose que le diesel et entre autres l’essence et électrique en visant une véritable évolution de notre mix énergétique » (voir notre dossier).
Bruno Gillain, responsable de la flotte interne du distributeur de gaz naturel GrDF, soit 6 500 véhicules, essentiellement des utilitaires en propriété, s’estime soumis à des contraintes identiques : « Notre objectif, c’est un parc composé à 30 % de véhicules propres ; avec 25 % aujourd’hui, nous n’en sommes pas très loin. Nous nous interrogeons également face aux règles qui vont s’imposer à nous, notamment l’interdiction de circulation des diesel dans les grandes agglomérations. » Du fait de l’activité de son entreprise, Bruno Gillain mise sur le gaz naturel : « Le GNV constitue une solution alternative entre le diesel et l’électrique. Nous travaillons avec les différents acteurs du marché pour construire une solution qui soit fonctionnelle et réponde aux problématiques d’entretien, de poids des véhicules, etc. » Pour Bruno Gillain, la démarche n’est pas simple : « Avec les modèles à carburation classique comme le diesel, il n’est pas toujours possible de retenir les véhicules les plus performants sur les émissions. De fait, avec nos contraintes opérationnelles, nous devons sélectionner des moteurs puissants pour que les collaborateurs puissent mener à bien leurs activités. Si l’on veut sortir du diesel et avec une flotte composée d’utilitaires, il faut que le marché apporte une réponse adaptée. C’est un vrai problème à courte échéance car l’électrique reste anecdotique et le GNV pose des questions d’infrastructure », indique ce responsable.
Ce constat ne serait pas très différent avec l’essence : les intervenants soulignent la pauvreté de l’offre pour des utilitaires de type fourgon, alors que la réglementation fiscale pourrait rétablir à terme l’équilibre entre essence et diesel.
« Si nous réfléchissons en TCO et en optimisation des coûts, les énergies alternatives ne sont pas toujours la bonne réponse. Les véhicules sont plus chers et l’entretien peut être plus compliqué. Nous restons donc soumis à des injonctions contradictoires. Nous devons baisser les coûts tout en étant proactifs sur l’environnement », ajoute Bruno Gillain.
Véhicule vert et économe : l’équation à résoudre
Une contradiction que valide Olivier Valenchon pour la flotte de l’État : « Du fait de la circulaire ministérielle de 2012, nous étions dans l’obligation d’acquérir 25 % d’électriques ou d’hybrides. Compte tenu du surcoût unitaire, nous nous sommes vraiment demandé comment faire passer la pilule. Nous avons trouvé une marge de manœuvre en restreignant le nombre de diesel et en privilégiant l’essence. Et nous avons gagné de ce côté-là, sachant que nous n’avons pas les contraintes fiscales du privé sur l’essence. Nous avons ainsi pu financer l’achat de véhicules électriques et hybrides », détaille l’adjoint du chef de la mission interministérielle parc automobile (MIPA).
Olivier Valenchon souligne aussi avoir gagné sur la maintenance : « Une Zoé électrique revient moins cher en entretien qu’une Clio. Nous avons aussi compensé en diminuant le nombre de véhicules. Alors que les budgets n’ont pas augmenté, nous avons environ 4 000 Yaris hybrides et un millier de modèles électriques en parc », précise Olivier Valenchon. La MIPA a réussi à réduire son parc de 80 000 véhicules en 2010 à 65 000 désormais, et compte encore supprimer 8 000 véhicules dans les trois ans à venir.
Face au casse-tête de l’électrique
Mais l’électrique reste tout sauf simple à mettre en place. « Quand le salarié ramène le véhicule chez lui, faut-il lui installer une borne à domicile ? Comment lui rembourser l’électricité qu’il emploie ? Nous sommes dans un flou légal », pointe Patrick Martinoli pour Orange.
Fanny Amé, gestionnaire du parc d’Axéréal, coopérative agricole basée à Blois et à Orléans, se heurte à des difficultés semblables pour ses 900 véhicules, des VUL pour l’essentiel : « Nous avons un véhicule électrique et nous étudions la possibilité de mettre des modèles électriques en covoiturage pour des salariés sur des trajets de 100 km aller et retour. Mais outre la question de l’autonomie, comment se ferait la recharge, sachant que le conducteur qui ramène le véhicule chez lui ne sera pas toujours le même ? », questionne-t-elle.
« Avec l’électrique, les paradigmes changent. Le conducteur ne va plus à la pompe pour repartir trois minutes après. Il faut changer les mentalités. Les esprits ne sont pas encore prêts et l’offre de service n’est pas mûre bien que nous soyons incités à avancer dans ce sens », complète Christophe Baudet, responsable référentiel régional pour Dalkia Sud-Ouest Toulouse, filiale des services énergétiques du groupe EDF à la tête de 10 000 véhicules.
Changer les usages d’attribution des véhicules
Autre sujet très discuté, celui de l’attribution d’un véhicule à une personne. « Nous attribuons un véhicule à des salariés qui souvent résident assez loin. Ils roulent avec pour se rendre au bureau et ce véhicule reste stationné dans la journée. Comment alors optimiser les utilisations ? La réponse nécessite un raisonnement de fond pour changer les principes d’utilisation. Toute la journée, ce véhicule pourrait être employé par d’autres personnes. Il faut donc définir de nouveaux scénarios, comme de la mobilité électrique ou de l’autopartage. Mais la première étape reste que les véhicules soient un peu moins attribués à une seule personne », estime Christophe Baudet pour Dalkia.
Ce dernier réfléchit aussi « à la mobilité globale pour le salarié. Il faut aller au-delà du sentiment de propriété alors que l’attribution d’un véhicule demeure un marqueur statutaire pour les salariés. Nos cadres intermédiaires ont souvent des trajets longs sur des régions étendues. Nous recherchons donc une offre plus large. Avec une question : quel service de mobilité offrir aux salariés avec des véhicules mais qui inclut aussi le train ou l’avion ? »
« Les salariés sont habitués à cet avantage et il va falloir tenir compte de ce paramètre pour réduire les flottes alors que de nombreux véhicules roulent peu, soit environ 15 000 km en moyenne. Mais la démarche reste compliquée. Certes, la nouvelle génération préfère parfois un super téléphone à une voiture », note Patrick Martinoli d’Orange qui mise sur une évolution des mentalités.
« Les jeunes ont un rapport différent à la mobilité. Ils recourent aux transports en commun, au taxi, à l’avion. Le véhicule n’est pas indispensable à leur ego. D’ailleurs, au sein d’Axéréal, des modèles thermiques sont déjà partagés avec un système de covoiturage qui s’est mis naturellement en place », renchérit Fanny Amé (voir aussi notre dossier).
Avant tout, des mentalités à faire évoluer
À la mairie de Puteaux (92), Nadine de Barros, responsable du garage municipal, se bat aussi pour faire passer « ce choc culturel sans se mettre tout le monde à dos. J’ai l’expérience d’un parc dans un conseil général. Les hauts fonctionnaires viennent en véhicule de fonction le matin et s’adressent à un pool de chauffeurs pour leurs trajets dans la journée. Ils ne font donc pas appel à leur véhicule dans la journée. Nous leur avons proposé d’autoriser l’utilisation de leur véhicule par des directeurs qui n’ont pas de voiture attribuée et en ont besoin pour se déplacer. Beaucoup sont réticents », conclut Nadine de Barros, à la tête d’un parc de 206 véhicules (VP, TC, VU, deux-roues) en acquisition.
D’autres solutions sont envisageables pour Nadine de Barros qui évoque la possibilité pour les salariés « de recourir aux systèmes d’autopartage déjà installés en région parisienne comme Autolib’ ou Renault Mobility. Cela éviterait les problèmes d’entretien ou les voitures bloquées au domicile comme lorsqu’un agent est malade. »
Promouvoir d’autres formes de mobilité
Pour Patrick Martinoli, qui défend la notion de « véhicule serviciel » chez Orange, soit un véhicule en fonction des besoins, la solution reste l’autopartage. « La direction nous a laissés développer ce système même s’il a coûté cher pendant deux ans. Nous commençons seulement à l’amortir. C’est une question de priorité », indique ce gestionnaire qui a déjà mis 650 véhicules en autopartage à la route et vise les 2 000 fin 2017. « Nous devons trouver le moyen que les véhicules qui roulent peu, notamment du fait de la plus grande sédentarité des salariés, redeviennent roulants », reprend-il.
Le responsable d’Orange réfléchit aussi à la solution du crédit mobilité : « Un certain nombre de cadres prennent des Renault Espace ou des équivalents comme véhicules de fonction mais ils roulent souvent seuls en dehors du week-end. Le crédit mobilité permettrait d’attribuer, par exemple, une petite voiture électrique à un cadre qui disposerait d’un crédit pour louer une plus grande voiture pendant les vacances ou pour acheter des billets de train ou d’avion. Mais là, nous nous heurtons à une question de légalité : nous ne pouvons pas prendre de billets pour les autres membres de la famille. L’État doit légiférer pour régler la question des avantages en nature dans ces situations particulières. »
Pour Dalkia, Christophe Baudet défend aussi cette approche de « mobilité alternative » et fait observer que « les loueurs doivent avancer et lancer ce type de services. »
La télématique, un sujet qui fâche
Parallèlement, la télématique embarquée se développe et là aussi, faire bouger les mentalités n’est pas chose aisée. « L’utilité essentielle de la télématique, c’est de connaître le kilométrage. Les cartes carburant restent sources d’erreur quand un mauvais chiffre est rentré. Le seul moyen, c’est alors le boîtier télématique. Et quand un salarié veut changer de voiture, je peux ainsi analyser les kilométrages parcourus, y compris quotidiennement, et savoir s’il est éligible à l’électrique », explique Patrick Martinoli pour Orange qui a équipé la majeure partie de ses véhicules en télématique – sans géolocalisation ni usage des données en temps réel.
La télématique pose cependant des problèmes de confidentialité, d’atteinte à la vie privée des salariés, y compris pour la conservation des données, et les réticences se font nombreuses. « Nous confions un véhicule non attribué à un salarié pour son activité professionnelle ; ce véhicule est mutualisé et passe entre plusieurs mains et pourtant, nous nous heurtons à ce problème. C’est d’autant plus contradictoire que bientôt, tous les véhicules seront équipés en télématique dès le départ », ajoute Bruno Gillain.
« Il faut expliquer pour convaincre, souligner la différence entre télémétrie et géolocalisation pour éviter le fantasme du flicage », avance Patrick Martinoli qui craint de voir « le champ des interdits s’élargir. Nous nous heurterions alors à un véritable problème alors que la télématique embarquée peut apporter toute une richesse d’informations pour mieux gérer les véhicules, s’assurer qu’ils sont employés suivant les accords passés avec les conducteurs, optimiser les tournées, gérer de l’autopartage, etc. »
Des gains réels avec les outils embarqués
« Enfin, la télématique embarquée contribue à mieux suivre les véhicules pour la maintenance ou avertir des dates de révision. Elle constitue aussi un argument contradictoire en cas de casse ou de grosse panne. Nous pouvons prouver au loueur que tous les entretiens ont bien été effectués en temps et en heure. Et le fait de savoir qu’il a un boîtier dans son véhicule incite le conducteur à se comporter différemment. Nous nous situons sur une baisse de 7 % par an de la consommation de carburant. Il y a aussi un effet positif sur la sinistralité avec responsabilité, mais beaucoup moins sur les petits chocs liés au manque d’attention », remarque Patrick Martinoli.
Des gains que Christophe Baudet a aussi constatés, tout comme « une optimisation de la gestion, des informations plus fiables, un confort pour le responsable de parc, moins de temps perdu, etc. Nous croisons aussi ces données avec d’autres données métier. »
Les gestionnaires de flotte qui n’ont pas encore adopté la télématique embarquée voient avec intérêt l’arrivée de véhicules équipés en première monte. « Nous étudions la possibilité de systématiser l’achat de modèles équipés afin d’avoir la capacité technique d’employer l’outil et surtout de ne pas avoir à équiper a posteriori les véhicules », prévoit Olivier Valenchon. Ce dernier a lancé un appel d’offres pour « un logiciel avec un intégrateur de données afin de gérer toute la circulation des données, des cartes carburant, celles du fleeter qui gère le parc de l’État, ensuite celles de la télématique embarquée quand cette fonctionnalité sera activée. L’objectif : pouvoir construire dans l’outil un TCO le plus complet possible avec ces données actuellement dispersées. »
Des systèmes encore à standardiser
Reste, concernant les boîtiers de télématique, à miser sur un standard chez les constructeurs « car il est difficile d’analyser des données de systèmes différents », insiste Christophe Baudet. En précurseur, ce dernier a choisi d’équiper de boîtiers identiques les véhicules de son parc : « Nous avons débuté avec des boîtiers Masternaut en 2012, puis nous avons commencé à collaborer avec des constructeurs dès 2015. PSA a tout de suite compris la démarche en acceptant de travailler avec nous sur la liste des données attendues et les formats techniques souhaités par Dalkia. Pour les constructeurs, cela représente un enjeu fort de comprendre et de s’associer à la démarche de leurs clients. »
De fait, les nouvelles technologies vont modifier l’avenir des véhicules et de la gestion de flotte. C’est vrai du véhicule autonome, même si les gestionnaires estiment que son émergence ne se fera pas sur le court terme. Olivier Valenchon pense déjà à « la connexion entre les véhicules ». Pour Bruno Gillain, « cela ne répondra pas à la question du nombre de véhicules dans les villes. Mais pour l’opérationnel, un véhicule qui optimise ses propres tournées serait un plus. »
De son côté, Christophe Baudet voit un plus dans ces recherches « dans la mesure où elles permettent déjà de disposer de plus d’aides à la conduite et à la sécurité. » Mais aucun n’est persuadé d’avoir envie d’un monde avec des voitures 100 % autonomes !
Dossier - Rédacteurs en chef d’un jour - Club Flottes Automobiles : quand les gestionnaires de parc scrutent l’avenir
- Rédacteurs en chef d’un jour – Club Flottes Automobiles : quand les gestionnaires de parc scrutent l’avenir
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