
Moins 200 véhicules en deux ans : mi-2021, le conseil départemental des Yvelines avait rempli une bonne part de son objectif de réduire sa flotte de 750 à 400 véhicules légers. « Nous l’avons diminuée de 15 % en un an et demi depuis janvier 2019. Nous atteignons aujourd’hui 550 VL », indique Florence Duhamel, responsable flotte automobile du département (voir notre reportage).

Pour atteindre un tel chiffre, les leviers actionnés ont été nombreux. Un des plus efficaces reste l’autopartage. Sa diffusion a été accélérée en 2020 avec la multiplication des...
Moins 200 véhicules en deux ans : mi-2021, le conseil départemental des Yvelines avait rempli une bonne part de son objectif de réduire sa flotte de 750 à 400 véhicules légers. « Nous l’avons diminuée de 15 % en un an et demi depuis janvier 2019. Nous atteignons aujourd’hui 550 VL », indique Florence Duhamel, responsable flotte automobile du département (voir notre reportage).

Pour atteindre un tel chiffre, les leviers actionnés ont été nombreux. Un des plus efficaces reste l’autopartage. Sa diffusion a été accélérée en 2020 avec la multiplication des armoires à clés dans les sites du département. « Elles sont adossées à un logiciel de réservation des véhicules. Les clés sont récupérées grâce à un code confidentiel communiqué par le logiciel », décrit Florence Duhamel. Qui projette de poursuivre leur installation : « Nous en sommes à neuf armoires Gire et nous allons en commander vingt nouvelles. » Et ces dispositifs contribuent à un meilleur suivi de la flotte. « Nous pointons chaque mois l’utilisation des véhicules. Nous obtenons des statistiques très précises sur les heures d’utilisation et les kilométrages puisque les agents communiquent le nouveau kilométrage au compteur en rendant les clés », décrit la responsable.
Et la crise sanitaire n’a fait que renforcer cette supervision. « Le conseil départemental avait déjà anticipé l’après crise sanitaire et prévu jusqu’à deux jours de télétravail par semaine », retrace Florence Duhamel. Des messages qui supposent l’implication des supérieurs hiérarchiques des agents, plus de 3 000, dans les services. « Les agents ont constaté que nous faisions le nécessaire pour appliquer le règlement. Ils sont maintenant très au fait du cadre dans lequel ils peuvent employer ou non les véhicules », résume cette responsable.
L’autopartage au premier rang
Cette diffusion de l’autopartage et la baisse concomitante du nombre de véhicules en parc impliquent une autre évolution : un net recul de la part de véhicules affectés à un agent en particulier. « Nous avons largement optimisé la mutualisation pour arriver maintenant à près de 400 véhicules mutualisés. Cela représente environ 70 % du parc alors que nous en étions à 50 % en janvier 2019 », précise Florence Duhamel.
Ces évolutions incitent aussi à limiter les renouvellements. Pour le département des Yvelines, c’est notamment le cas avec les véhicules électriques. « Il y a un peu plus d’un an, nous recevions les premiers modèles électriques, désormais très bien intégrés dans les usages des agents », rappelle Florence Duhamel. Pendant la crise sanitaire, ils ont montré leur pertinence alors que le nombre de kilomètres parcourus baissait. Mais les volumes de commandes prévus vont être revus. « Nous ne devrions commander encore qu’une centaine de véhicules. À l’origine, nous en avions prévu 200, mais compte tenu du moindre nombre de déplacements, nous avons moins de besoins », commente cette responsable.
Visioconférence et télétravail
Autre facteur, lié aussi à la crise sanitaire, qui contribue à limiter la taille des flottes : les outils de visioconférence. Leur usage se développe dans les collectivités : « Toutes les salles de réunion ont été équipées de matériels de visioconférence depuis six à huit mois », explique Christine Guionie, chargée du plan de mobilité de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg. Des dispositifs efficaces pour limiter les distances parcourues : « Des collègues y ont recours de plus en plus souvent, entre autres pour les réunions récurrentes de moins d’une demi-heure », illustre cette responsable (voir le témoignage).
Grâce à ces outils, une autre pratique est encouragée depuis la crise sanitaire, avec aussi des répercussions sur la taille des flottes : le télétravail. « Des agents sont passés à 100 % de télétravail durant la crise, d’autres ne le pouvaient pas et sont restés sur site », note Florence Duhamel pour les Yvelines. Et le dispositif a été maintenu : « Le conseil départemental avait déjà anticipé l’après crise sanitaire et prévu deux jours de télétravail par semaine et quatre jours variables dans le mois. »
Ailleurs, le télétravail s’impose aussi : « Nous l’avons mis en place en 2016 suite aux incitations nationales. Mais il restait anecdotique et nous conservions des habitudes présentielles », rappelle Valentin Rabot, vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg en charge du personnel, des RH et du dialogue social. Avec la crise sanitaire, le télétravail est devenu incontournable.
Moins de trajets et moins de locaux
« Dorénavant, le télétravail est possible pour les agents deux à trois jours par semaine », complète ce responsable. Cette pratique réduit les besoins de déplacement, avec un impact sur la flotte mais pas seulement. « Avec le télétravail, on peut aussi diminuer la surface des locaux. En considérant que 40 % des emplois administratifs sont télétravaillables, il est possible de libérer 20 % des locaux, avec des gains sur le patrimoine à la clé », poursuit Valentin Rabot.
Au-delà, Valentin Rabot note les effets bénéfiques du développement des infrastructures de transport et des aménagements urbains pour les vélos sur les modes de déplacement : « Le réseau de tramway s’est développé et nous prenons en charge les abonnements aux transports en commun à hauteur de 75 % », indique ce responsable. La pratique du vélo, elle, suit une courbe exponentielle, encouragée par les initiatives de la collectivité. « Nous allons encore affecter un crédit de 30 millions d’euros au réseau cyclable », ajoute-t-il.
Des infrastructures et aménagements qui influent sur les trajets professionnels : « Le mode de déplacement domicile-travail d’un agent conditionne tous ses trajets dans la journée », souligne Valentin Rabot. Et au sein de l’Eurométropole, la part de la voiture dans les trajets domicile-travail ne cesse de se restreindre. « Entre 1998 et 2014, elle est passée de 68 à 33 % pour les trajets domicile-travail. Les agents se sont reportés sur les transports en commun et le vélo. La part des transports en commun a bondi de 13 à 33 %, celle du vélo, de 8 à 23 % », pointe ce responsable.

Vélos et transports en commun
Une baisse que Valentin Rabot relie à celle du nombre de véhicules : la flotte de la collectivité comprenait 303 VP en 2014 contre 279 en 2020. Et ce chiffre diminue en même temps que celui des kilomètres parcourus, « soit 2,3 millions de kilomètres en 2014 et 800 km par VP, contre 1,8 million en 2019 et 6 600 km par VP. Et ce chiffre est tombé jusqu’à 1,4 million en 2020 », ajoute ce responsable. À noter qu’une flotte d’environ un millier de vélos est également à disposition, soit un vélo pour huit agents environ.

Et la baisse du nombre de véhicules concerne aussi la flotte en autopartage. « Dans le cadre du futur mandat, nous souhaitons céder à des prestataires ce type de service pour favoriser le partage des véhicules », prévoit Benoît Weinling, responsable du parc automobile de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg. À l’avenir, ce ne sont donc plus les véhicules en autopartage de l’Eurométropole qui seront empruntés par les agents mais ceux d’un réseau d’autopartage. « Nous avons lancé un appel d’offres pour un service d’autopartage qui succédera aux véhicules employés aujourd’hui. Nous allons ainsi réduire la flotte de 280 à 230 véhicules », anticipe ce responsable.
La solution du crédit-mobilité
Les évolutions de l’utilisation des véhicules ouvrent la voie à une autre solution : le crédit-mobilité (voir aussi l’article sur le sujet). Une formule qui substitue à la voiture de fonction différentes solutions : l’accès à une voiture plus petite avec un crédit pour emprunter d’autres modes de transport (train, avion, taxi, etc.) ; ou encore le remplacement complet de la voiture par un budget de mobilité équivalent.
S’il n’a pas encore atteint les proportions que d’aucuns prévoyaient, le crédit-mobilité devrait continuer à se diffuser. Et l’autopartage y participe en familiarisant les salariés avec de nouveaux usages. « Demain, on peut imaginer qu’un collaborateur circule en vélo ou en véhicule partagé sans bénéficier d’une voiture de fonction. Mais nous pourrons lui ouvrir un accès à un véhicule de pool avec une remise automatique : pour qu’il ait un véhicule de service attribué tous les soirs pour rentrer chez lui ou pour des trajets personnels », projette Alexandre Fournier, directeur marketing et communication du prestataire d’autopartage Mobility Tech Green.
Et d’autres formules pourraient émerger. Mobility Tech Green travaille à un crédit-mobilité qui tienne compte des pratiques vertueuses des collaborateurs. « Nous refondons progressivement le produit e-colibri. Et une proposition de crédit-mobilité devrait arriver assez rapidement avec la “ludification” : à chaque utilisation d’un véhicule ou d’un vélo partagé ou bien parce qu’il a obtenu de bons résultats d’éco-conduite, le salarié reçoit des points utilisables ensuite en crédit-mobilité », explique Alexandre Fournier.
Mais toutes les entreprises ne peuvent pas faire appel à l’autopartage ou au crédit-mobilité. Quand le véhicule reste incontournable, d’autres leviers doivent être actionnés pour limiter les déplacements. Récemment, Kbane, spécialiste de la réalisation de bilans thermiques des bâtiments, a mis en avant le dispositif retenu pour optimiser les tournées de ses véhicules destinés aux relevés techniques en vue de la pose d’une isolation thermique. Chez Kbane, 86 véhicules de type C3 assurent ces missions.
Une question d’organisation
« Avec ces bilans thermiques, il s’agit pour les techniciens de voir si le client est éligible à la pose d’isolation et de noter les contraintes techniques », détaille Fabien Gauharou, responsable informatique. Chez Kbane, cette activité est récente. Elle a débuté il y a trois ans, en plus des activités traditionnelles comme l’installation de chaudières et de poêles. L’organisation des tournées s’est alors imposée en raison d’un nombre quotidien de rendez-vous potentiellement élevé. « Suivant le type de projet, les durées des rendez-vous sont plus ou moins longues, précise Fabien Gouharou, de trois quarts d’heure pour un relevé technique d’isolation, contre une heure trente pour un poêle. » Ainsi, les techniciens spécialistes des relevés techniques d’isolation, les « iso-coachs » dans la terminologie de Kbane, peuvent effectuer entre sept et dix rendez-vous par jour.
Pour optimiser ces tournées, l’entreprise a fait appel à un spécialiste de la gestion des activités et services des entreprises, 7Opteam. De nombreux paramètres ont été pris en compte : les compétences du technicien, son lieu de résidence, la nature de l’intervention, etc. Des variables qui déterminent la priorité des lieux à visiter en fonction des techniciens. « L’outil réunit des interventions au même endroit et au fur et à mesure de la journée, il rapproche les techniciens de chez eux. Avec deux choix pour le départ, du dépôt ou du domicile », expose Fabien Gauharou. Car cette optimisation des tournées s’effectue en amont, dès la prise de rendez-vous. La nature des visites n’implique pas en effet de réorganiser les tournées au fur et à mesure de la journée comme pour des visites de maintenance ou des interventions en urgence. De plus, les 86 véhicules des techniciens ne sont pas géolocalisés.
Réduire les kilométrages parcourus
« Nous recevons des demandes des clients pour programmer des rendez-vous et le logiciel choisit la meilleure optimisation. Le client reçoit un SMS pour confirmer son rendez-vous », décrit Fabien Gauharou. Les clients ne sont informés que d’un créneau de visite : le matin ou l’après-midi, tandis que les agendas des techniciens sont remodelés quatre fois par jour et définitivement fixés trois jours avant les interventions. « En cas d’annulation d’un rendez-vous, le logiciel essaie systématiquement d’en replacer un autre », complète ce responsable.
Après quelques mois d’utilisation, les résultats sont au rendez-vous. « Les salariés ont pu réaliser plus de rendez-vous dans une journée. Par rapport au nombre de kilomètres parcourus avant le dispositif, nous avons diminué les kilométrages de 20 %, tout en augmentant le nombre de rendez-vous », constate Fabien Gouharou.
Ce dispositif suppose aussi un vrai changement dans les pratiques des équipes du standard téléphonique de Kbane. « Auparavant, elles employaient Mappy pour les prises de rendez-vous avec les clients et passaient beaucoup de temps pour trouver un créneau par rapport à ce que le technicien avait déjà en agenda. Nous leur demandons désormais de faire confiance à l’outil », conclut Fabien Gouharou.
L’autopartage, le crédit-mobilité ou l’organisation de tournées ne modifient pas seulement l’organisation de la flotte : ils ont des répercussions sur l’ensemble du fonctionnement de l’entreprise ou de la collectivité. Et nous n’en sommes qu’au début.
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