
Si la répartition des modes de financement des flottes d’entreprise est bien établie aujourd’hui, avec à une nette prédominance de la location longue durée, plusieurs échéances pourraient bien contribuer modifier cet état de fait.
Première d’entre elles, la norme comptable IFRS 16. « Avec cette norme, dès le 1er janvier 2019, la stratégie de financement qui consiste à privilégier la LLD pour minimiser les engagements financiers hors bilan ne sera plus valable », souligne d’emblée Robert Maubé, directeur du cabinet de conseil RRMC et consultant pour Flottes Automobiles.
Robert Maubé poursuit : « À partir du 1er janvier 2019 en effet, sans pour...
Si la répartition des modes de financement des flottes d’entreprise est bien établie aujourd’hui, avec à une nette prédominance de la location longue durée, plusieurs échéances pourraient bien contribuer modifier cet état de fait.
Première d’entre elles, la norme comptable IFRS 16. « Avec cette norme, dès le 1er janvier 2019, la stratégie de financement qui consiste à privilégier la LLD pour minimiser les engagements financiers hors bilan ne sera plus valable », souligne d’emblée Robert Maubé, directeur du cabinet de conseil RRMC et consultant pour Flottes Automobiles.
Robert Maubé poursuit : « À partir du 1er janvier 2019 en effet, sans pour autant apparaître comme une dette dans les comptes sociaux, les contrats de LLD apparaîtront comme un engagement financier dans la consolidation du bilan. » Autrement dit : rien ne distinguera désormais le contrat de LLD d’une dette au passif de l’entreprise.
La révolution IFRS 16
La prise en compte de cette norme comptable touche avant tout les sociétés cotées en bourse. Mais l’IFRS 16 sera aussi adopté par toutes les entreprises qui alignent leur présentation comptable sur ce modèle : celles qui projettent d’entrer en bourse, leurs filiales, celles qui ont comme actionnaire majoritaire un capital-risqueur. Avec l’IFRS 16, des investisseurs potentiels pourront savoir jusqu’à quel point des entreprises sont endettées… et leur accorder ou non des prêts.
Et cela pourrait bien sûr avoir des conséquences sur le financement des flottes, projette Robert Maubé : « Des entreprises pourraient alors être amenées à délaisser la LLD, dorénavant devenue moins attractive, et ce malgré ses autres avantages. Par exemple, une société qui présente ses comptes selon l’IFRS 16 et dispose de liquidités aura tendance à passer son parc en propriété pour ne pas faire apparaître d’engagements financiers dans son bilan, ce qui mécaniquement réduirait sa capacité d’emprunt. »
Du côté des loueurs, ce basculement de la location à l’achat ou au crédit-bail pourrait contribuer à renforcer l’offre de fleet management. « Les loyers financiers pèsent en moyenne 34 % du TCO constaté d’une flotte et seul ce tiers est concerné par la norme IFRS 16, note Robert Maubé. Les entreprises pourraient donc acheter leur flotte et retenir le fleet management pour gérer les prestations. D’ailleurs, nombre des sociétés que je conseille commencent déjà à étudier le sujet. »
Les spécialistes de la gestion de flotte ne prévoient toutefois pas de bouleversements majeurs suite à la mise en place de l’IFRS 16. Pour Marie-Hélène Benarouch, « le changement de mode de financement ne sera pas automatique avec cette norme. »
De fait, cette consultante rappelle que les taux d’intérêt restent bas, ce qui constitue toujours un argument de taille en faveur de la LLD. « Et la LLD donne une bonne vision des coûts à venir sur la partie financière », rappelle Marie-Hélène Benarouch.
Cette dernière souligne également que la location permet de renouveler constamment son parc. Un impératif pour de nombreuses sociétés : « Quand les voitures sont liées à un package de rémunération, l’objectif n’est pas de les garder longtemps mais de donner une attractivité auprès des collaborateurs », reprend la consultante.

Statu quo ou bouleversement ?
Enfin, la LLD offre l’avantage majeur de libérer les entreprises de l’exercice de la revente. « Le remarketing reste tout de même l’un des métiers de base du loueur et il fait cela très bien. Je ne vois pas beaucoup de sociétés qui auraient envie de se lancer dans cette activité », relève Marie-Hélène Benarouch.
« Les sociétés matures dans la gestion de leur flotte et à la tête d’un parc assez important peuvent éventuellement se poser la question. Mais il faut être très structuré et surtout posséder la compétence en interne et avoir du temps pour le faire. Et l’optimisation de la revente reste délicate malgré tout. C’est un métier », conclut la consultante.
Ces adaptations des équilibres entre les différents financements émergent alors que les fiscalités du diesel et de l’essence ont commencé leur alignement début 2017. Une disposition qui, elle, pourrait contribuer à modifier les montants des loyers en LLD, estiment certains experts.
« Les valeurs de revente des modèles essence, qui étaient en moyenne 10 % inférieures à celles du diesel, vont augmenter car les entreprises vont peu à peu se tourner vers l’essence tandis que les valeurs de revente des diesel vont logiquement baisser », pointe Robert Maubé (voir aussi notre dossier carburant).
Essence-diesel : vers l’alignement
Cette évolution dans les choix des motorisations pourrait se répercuter sur les loyers de LLD, complète le consultant : « On peut imaginer que les loueurs, qui ont à ce jour un stock de 1,5 million de véhicules diesel dans leurs actifs, seront inévitablement conduits à provisionner des risques. Et cela entraînera vraisemblablement la hausse des loyers. »
La gestion des parcs en propriété sera elle aussi touchée par les conséquences de cet alignement des fiscalités, ajoute Robert Maubé : « Il y aura une prise de risque supplémentaire pour les flottes en propriété, le temps du rééquilibrage du marché du véhicule d’occasion. »
Quelles seront les conséquences sur le financement des flottes ? « Cela va plutôt favoriser la LLD, estime Patrice Nahmias, président du fleeteur ERCG. S’il y a une inconnue par rapport à une valeur résiduelle, les clients vont préférer que le risque soit porté par les loueurs. »
Enfin, dernier facteur de modification du marché des flottes : la construction des plans de déplacement d’entreprise à l’horizon 2018. En obligeant les entreprises à améliorer les performances écologiques des trajets de leurs salariés, ces PDE vont vraisemblablement contribuer à développer des solutions alternatives : autopartage et crédit-mobilité, plutôt que véhicules en LLD ou en pleine propriété.
En attendant les PDE…
À compter de cette date, toutes les entreprises regroupant plus de cent salariés sur un même site doivent élaborer un plan de mobilité.
Certes, les effets de ces PDE seront limités. Les substitutions possibles dans les parcs concernent une catégorie de modèles : celle des véhicules statutaires ou des véhicules de service. À condition que ces modèles soient employés dans des environnements urbains ou périurbains où les salariés peuvent facilement trouver des transports de substitution.
Néanmoins, si une proportion relativement réduite des parcs d’entreprise est impliquée dans de telles démarches, de l’ordre de 10 % selon des spécialistes, la tendance semble bel et bien engagée. Les PDE y jouent un rôle mais pas seulement : les salariés sont aussi en attente d’autres solutions que la voiture pour leurs trajets personnels.
« Nous sommes de plus en plus sollicités pour des plans de déplacement d’entreprise ou interentreprises, note Amandine Verdasca, consultante chez Aficar Consulting. Pour les jeunes salariés notamment, le véhicule est de moins en moins considéré comme un avantage en nature ou une obligation du contrat de travail. »
Désormais, observe cette responsable, les entreprises soucieuses de donner une empreinte de développement durable à leur image s’orientent vers des solutions alternatives comme les crédits mobilité, les véhicules de pool ou les deux-roues. Un constat d’autant plus vrai au sein de structures de plus de 100 salariés concernées par les PDE.
Des salariés motivés par les PDE
« C’est aussi vrai d’une entreprise de conseil avec laquelle nous travaillons ; ce sont les consultants juniors qui poussent le comité véhicule à réfléchir à d’autres modes de déplacement, à du véhicule partagé, à utiliser plus les moyens de transport en commun », décrit Amandine Verdasca.IFRS 16, alignement des fiscalités diesel-essence ou PDE : ces mesures modifieront à la marge ou plus profondément la répartition des financements des flottes. Dans tous les cas, des changements à connaître et à anticiper par les gestionnaires de parc.
Quelques changements…
La norme IFRS 16
Sous réserve de son adoption par l’Union européenne, l’IFRS 16 entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2019. Cette norme comptable impose que tous les contrats de location apparaissent comme des dettes dans les bilans – ce qui n’était pas le cas jusqu’ici. Seules exceptions, les contrats d’une durée inférieure à un an ou ceux d’un faible montant.
L’alignement de la fiscalité diesel-essence
Depuis le 1er janvier 2017, les entreprises peuvent déduire 10 % de la TVA sur l’essence. Un pourcentage qui va augmenter tous les ans jusqu’à atteindre, en 2021, 80 % comme pour le diesel.
Les plans de déplacement d’entreprise (PDE)
Selon la loi de transition énergétique, toutes les entreprises regroupant plus de cent salariés sur le même site doivent élaborer un plan de mobilité d’ici le 1er janvier 2018. Ce PDE doit permettre de diminuer l’impact environnemental des trajets professionnels.
Dossier - Financement : des flottes sur mesure
- Financement : choix multiples pour flottes uniques
- Jacques Demoz, Sennheiser : « Avec la LOA, nous nous occupons de la revente »
- Alain da Silva, Meccoli : « Le crédit-bail est lié à notre activité »
- Jérôme Dutrey, BDR Thermea et Jean-Christophe Casalonga, Optimisa : « Un seul loueur pour plus de flexibilité »
- Services : le juste choix
- Réglementations : des arbitrages bientôt à reconsidérer ?