Le 8 octobre dernier, quinze agglomérations françaises se sont engagées à mettre en place ou à renforcer des zones à faibles émissions (ZFE) pour mieux lutter contre la pollution atmosphérique. Et accessoirement pour échapper aux éventuelles sanctions de la Cour de justice de l’Union Européenne qui a ouvert un dossier contre la France pour non-respect des normes de qualité de l’air.
En 2020, il existera donc quinze villes et métropoles françaises dotées d’une ZFE, soit Rouen, Reims, Strasbourg, Clermont-Ferrand, Lyon, Saint-Étienne, Nice, Montpellier, Toulouse, Toulon, Marseille mais aussi Fort-de-France (Martinique) ; sans oublier Paris –...
Le 8 octobre dernier, quinze agglomérations françaises se sont engagées à mettre en place ou à renforcer des zones à faibles émissions (ZFE) pour mieux lutter contre la pollution atmosphérique. Et accessoirement pour échapper aux éventuelles sanctions de la Cour de justice de l’Union Européenne qui a ouvert un dossier contre la France pour non-respect des normes de qualité de l’air.
En 2020, il existera donc quinze villes et métropoles françaises dotées d’une ZFE, soit Rouen, Reims, Strasbourg, Clermont-Ferrand, Lyon, Saint-Étienne, Nice, Montpellier, Toulouse, Toulon, Marseille mais aussi Fort-de-France (Martinique) ; sans oublier Paris – Grand Paris, Strasbourg et Grenoble qui ont déjà pris de l’avance. Certes en retard par rapport à de nombreuses agglomérations européennes, les villes françaises ne partent donc pas de zéro.
Quinze ZFE en France en 2020
Le principe de ces zones est d’y interdire les véhicules les plus polluants. Ce que la vignette Crit’Air, apposée sur chaque véhicule entrant dans ces zones, indique grâce à une hiérarchisation du degré de pollution. Hiérarchisés selon les normes Euro, six niveaux ont donc été définis, des véhicules propres (électriques, hydrogène, gaz, hybrides rechargeables) jusqu’aux moins propres et très polluants, soit les modèles essence et diesel. Tous les véhicules sont concernés, des deux-roues jusqu’aux poids lourds (voir aussi notre article).
Pour les flottes professionnelles, cela représente une contrainte à laquelle il faut d’ores et déjà songer pour toutes celles qui circulent dans ces quelques zones déjà opérationnelles. Pour l’instant, seules des agglomérations comme Paris et Grenoble ont établi des zones à circulation restreinte (ZCR) qui se transformeront en ZFE, c’est-à-dire des zones où la circulation est interdite à certains véhicules en permanence. D’autres vont le faire bientôt, comme Lyon qui démarre son projet dès janvier 2019.
Point commun entre les gestations de ces réglementations urbaines : leur durée relativement longue. Compte tenu des enjeux, les autorités ont décidé d’y aller graduellement et de laisser le temps à tous les conducteurs de s’adapter, en particulier ceux des flottes professionnelles. Mais les choses s’accélèrent : dans le cadre de sa ZFE qui verra le jour d’ici 2020, la métropole du Grand Paris a annoncé sa volonté d’interdire d’ici l’été 2019 les véhicules diesel d’avant 2001 (Crit’Air 5). Une décision qui concerne bien plus les particuliers que les flottes…

Grenoble fait sa transition
« Nous avons d’emblée associé le monde économique à notre réflexion dès janvier 2015, témoigne Yann Mongaburu, président du syndicat mixte des transports en commun de la métropole de Grenoble, très en avance sur le sujet. Chambres consulaires, fédérations professionnelles du BTP, monde agricole, artisans, commerçants, tous ont participé à la définition du chemin de la transition énergétique. »
Parmi les demandes les plus fortes émanant du monde économique, une planification claire sur la durée, de façon à ce que les flottes professionnelles puissent changer leurs véhicules en fonction des normes de ces métropoles, avec un étalement dans le temps.
À Grenoble, la démarche a commencé dès 2017 avec, pour les poids lourds et les utilitaires, la nécessité d’afficher la bonne vignette Crit’Air entre 8 h 00 et 17 h 00. Objectif : sortir du diesel dès 2020. En avril 2019, la zone va s’élargir à dix communes de la métropole de Grenoble. « Il s’agira de la zone la plus large de France », affirme Yann Mongaburu. Les différents certificats vont être interdits à Grenoble au fur et à mesure, de 2020 jusqu’en 2025, date à laquelle il ne restera plus que les certificats relatifs aux véhicules dits propres (véhicules électriques et hydrogène), et les certificats n° 1 (modèles au gaz, hybrides rechargeables et véhicules correspondant aux normes Euro 5 et 6).
La progression se veut comparable à Paris : les véhicules dotés du certificat Crit’Air n° 5 sont déjà interdits à la circulation, et dès le 1er juillet prochain ceux de catégorie 4 le seront, avec en ligne de mire la fin du diesel fin 2024, affirme-t-on à la mairie de Paris.
2019, année pédagogique à Lyon
Idem à Lyon qui commencera à imposer sa réglementation en 2019 avec une initiative originale : la décision de faire de 2019 une année pédagogique. Certes, les VUL et les poids lourds devront afficher les bonnes vignettes dans le périmètre de la ZFE, mais l’accent sera mis avant tout sur la communication, affirme-t-on à la mairie. La véritable mise en œuvre se fera en 2020, avec l’accès autorisé aux véhicules précités équipés des vignettes Crit’Air 1, 2 et 3. En 2021, les vignettes n° 3 seront interdites.
Le travail de concertation mené par la métropole de Grenoble a mis en relief d’autres demandes de la part des professionnels, à commencer par la rationalisation fiscale nécessaire à toute transition énergétique. « Quand nous avons commencé à nous pencher sur ce sujet, le diesel était “sur-subventionné“ tandis que les nouvelles motorisations subissaient une fiscalité désavantageuse, souligne Yann Mongaburu. C’était une situation ubuesque qu’il fallait en effet corriger. »
La situation se rééquilibre peu à peu. Désormais, en cumulant les subventions accordées par l’État et celles proposées par des mairies ou des métropoles, il est possible, sous conditions, d’acquérir des véhicules dotés de motorisations vertes à des tarifs plus raisonnables. Grenoble annonce ainsi accorder des subventions aux entreprises de moins de 250 salariés, localisées sur le territoire de la métropole. Cumulables avec les aides de l’État, ces subventions sont données pour des VUL jusqu’à des PL supérieurs à 7 t, soit de 1 500 à plus de 10 000 euros selon la motorisation et la taille du véhicule.
Accompagner les professionnels
Pour sa part, la ville de Paris subventionne les VUL et les poids lourds électriques ou GNV acquis ou loués par des entreprises. Et depuis décembre 2017, entre autres subventions, la mairie aide les autoentrepreneurs, TPE et PME de moins de 50 salariés, en offrant jusqu’à 600 euros pour l’achat d’un vélo cargo et jusqu’à 1 200 pour celui d’un triporteur.
Sur ce sujet du financement, parmi les points soulevés par les professionnels à Grenoble, figurait en bonne place la nécessité de bénéficier d’une zone géographique de restriction de circulation la plus large possible afin de faciliter les amortissements des véhicules dotés de nouvelles motorisations, observe Yves Mongaburu. Un vœu exaucé : la ZFE de la métropole de Grenoble va bientôt regrouper quelque dix communes.
Objectif identique pour celle de Lyon qui avec Villeurbanne, Vénissieux, Bron et Caluire, va constituer une zone dont le périmètre s’étendra sur 60 km2. Les municipalités et collectivités ont d’autres responsabilités pour faire en sorte que ces zones réglementées soient un succès auprès des flottes professionnelles. Des obligations notamment logistiques, en créant des plates-formes aux abords ou à l’intérieur des villes pour faciliter les livraisons en centre-ville. Pour ce faire, la métropole de Grenoble a décidé d’ouvrir deux plates-formes, l’une spécialisée dans l’alimentaire qui se trouve à l’intérieur de la ville, l’autre à vocation généraliste, conçue avec l’aide de logisticiens.
Une logistique urbaine à repenser
« Le sujet de la logistique est complexe. Les entreprises, surtout les commerçants en centre-ville, doivent considérer tous les aspects financiers qui lui sont liés, comme les stocks déportés pour diminuer les coûts fonciers, ou le fait de confier à des logisticiens le soin de livrer, eux qui savent optimiser tous les trajets, explique Yann Mongaburu à Grenoble. C’est tout un modèle économique qui est en train de se construire, un véritable écosystème. »
Pour les flottes, ces réglementations représentent un élément de complexité supplémentaire dans la définition de la car policy. « Plus que jamais, il va falloir trouver le bon mix énergétique en fonction des usages et des différentes réglementations de ces zones de circulation », estime Régis Masera, directeur du consulting d’Arval France. Une complexité qui cependant s’inscrit dans un mouvement plus général en faveur de la transition énergétique.
Certes, le rééquilibrage au profit de l’essence voulu par le gouvernement a largement contribué à ce mouvement. Et malgré de fortes croissances, les segments des véhicules hybrides et électriques peinent à augmenter sensiblement leurs parts de marché. Mais cela pourrait changer. « Pour des marchés publics, les donneurs d’ordres imposent que les collaborateurs qui se déplacent sur les chantiers publics emploient des véhicules propres », précise Guillaume Maureau, directeur général adjoint d’ALD Automotive.
Il faut aussi nuancer le degré de complexité que ces réglementations vont imposer aux flottes. Avec la location longue durée, le contrat moyen de durée d’usage d’un véhicule est de quatre ans, le changement de motorisation peut donc être rapide. Mais la situation est sans doute un peu plus contraignante pour les véhicules en propriété dont la durée de vie est plus longue, et pour les plus petites des entreprises.
L’élément de complexité qu’apportent ces zones à la circulation urbaine réglementée reste aussi la diversité des situations à envisager, surtout quand les véhicules sont à la fois sur les routes et en centre-ville. Cela suppose de bien connaître ces règles urbaines et d’adapter sa flotte locale en conséquence. Les loueurs se sont déjà positionnés.
Adapter les motorisations
« Nous sommes engagés dans une voie de diversité, avance Guillaume Maureau, puisque pour un même kilométrage et une même activité, on n’aura pas le même usage de deux véhicules en fonction des réglementations locales. »
Le choix de la motorisation va dépendre de plusieurs facteurs. Si le diesel correspond aux trajets longs, l’hybride, l’électrique et le GNV s’imposent pour les trajets urbains, et plus encore dans la logique du dernier kilomètre (voir Flottes Automobiles n° 235). « Notre mission est d’informer autant sur les réglementations que sur les modèles de véhicules qui apparaissent », complète Guillaume Maureau.
De manière générale, l’électrique est utilisé pour des trajets courts et bien définis, tandis que le GNV et l’hybride conviennent aux trajets un peu plus longs qui dépassent le strict cadre des centres-villes. Mais pour Guillaume Maureau, la prochaine génération de véhicules électriques va disposer d’une autonomie nettement plus importante, qui n’aura plus rien à envier à celle du GNV par exemple. Et c’est pour bientôt. Il reste aussi les véhicules à hydrogène dont il a beaucoup été question lors du dernier Mondial de Paris, sûrement l’énergie la plus propre selon les prestataires, mais qui en est encore à un stade expérimental.
De nombreuses solutions sont envisageables, et l’on peut aller jusqu’à parler d’astuces. Pourquoi ne pas pratiquer un “downsizing“, comme le préconise Guillaume Maureau, en choisissant une Zoé plutôt qu’un SUV ? Pas besoin de véhicules volumineux en centre-ville. Pour aller encore plus loin dans cette logique, il est aussi possible d’opter pour des deux-roues, à l’image du logisticien nantais Transeco qui a décidé de faire appel à des vélos pour certaines de ses activités (voir le témoignage).

Approche et méthodologie
Mais ces solutions doivent être pensées en amont pour créer de la valeur, et non se contenter de répondre de façon factuelle à ces contraintes. « Il convient de maximiser la mise en place de ces pratiques et solutions, préconise Régis Masera pour Arval France. Une approche pas à pas est nécessaire pour bien déterminer quel type de véhicule il faut pour quel collaborateur, avec donc un état des lieux et une approche structurée. »
Choisir des motorisations différentes impose aussi de penser l’investissement différemment et plus que jamais de raisonner en TCO, ce qui est loin d’être vrai chez tous les clients, estiment les prestataires. Et avec les modèles électriques ou GNV, les critères d’évaluation en matière de coûts d’exploitation sont aussi à repenser. Réputés chers, ces véhicules ont un coût d’usage nettement inférieur, selon Yann Mongaburu à Grenoble, qui neutralise les différences constatées à l’achat.
Raisonner en TCO
Un constat nuancé par Didier Dupeyron, responsable du parc du CHU de Grenoble qui commence à intégrer entre autres des modèles électriques et GNV : « Ces véhicules sont plus chers à l’achat que les modèles au gasoil, jusqu’à 30 % pour le GNV. On évoque leur coût d’exploitation plus faible, ce qui est en partie vrai, mais pour certains aspects, je suis sceptique, comme avec les pneus des véhicules électriques qui s’usent rapidement », détaille Didier Dupeyron (voir le témoignage).
Dans ce contexte, le CHU de Grenoble travaille avec Michelin afin d’avoir les pneus les plus adaptés. « Et il faut former les conducteurs. Nous frappons à toutes les portes pour des subventions, nous avons notamment un partenariat avec l’Ademe qui nous aide sur ce sujet », poursuit Didier Dupeyron.
Signalons que parallèlement aux conseils prodigués par les prestataires comme les loueurs longue durée, les entités publiques peuvent aussi aider les entreprises locales à conduire les changements induits par les réglementations. Ainsi en est-il du syndicat mixte des transports en commun de la métropole de Grenoble, qui offre ses services gratuitement.
Dossier - Réglementations urbaines : les flottes doivent s’adapter
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