
Variété des exposants, nombre de visiteurs, richesse des débats : la première lyonnaise des Rencontres Flotauto, le 6 octobre dernier, a montré la pertinence d’une édition régionale de l’événement. Comme à Paris, les stands des prestataires, une centaine, ont accueilli tout au long de la journée un public nombreux, avec plus de 1 500 visiteurs. L’occasion, pour les professionnels de la gestion de flotte, d’échanger avec leurs interlocuteurs habituels, mais aussi de découvrir de nouveaux services et véhicules. Les constructeurs présentaient en effet, à l’extérieur du site, de nombreux modèles parmi les plus récents.
Et comme à Paris, les six conférences ont fait le tour de l’actualité de la gestion de flotte : de la transition énergétique à la flambée des coûts de l’énergie, en passant par les problèmes persistants de livraison des véhicules. Ces échanges ont aussi privilégié les références aux spécificités locales : celles des ZFE-m bien sûr.
Les ZFE-m au premier rang
À Lyon par exemple, depuis 2020, la circulation et le stationnement des poids lourds et VU Crit’air 3, 4 et 5 ont été progressivement interdits. Une interdiction étendue aux VP et aux deux-roues motorisés Crit’Air 5 et non classés le 1er septembre dernier, à titre expérimental, avant une entrée en vigueur début 2023. L’interdiction des Crit’air 4, 3 puis 2 se déroulera de 2024 à 2026. Et dès 2023, des contrôles sont prévus, avec des sanctions à la clé, via la lecture automatique des plaques d’immatriculation.
De telles restrictions poussent entreprises et collectivités à modifier la nature des flottes. Au cours d’une conférence consacrée à leur organisation dans le cadre des ZFE-m, Patrick Nowicki, gestionnaire du service gestion de la flotte de la ville de Lyon, indiquait avoir largement anticipé l’entrée en vigueur de la ZFE-m locale, notamment en remplaçant des VU diesel par des GNV. Ce choix lui a aussi permis de toucher du doigt les difficultés posées par une telle transition. Car ces motorisations se marient difficilement avec l’utilisation d’outils comme les nacelles ou les bras articulés.
« Le moteur essence qui alimente en puissance ces outils manque de puissance pour les activer par rapport à un diesel. Il nous a donc fallu travailler avec Iveco pour augmenter le ralenti du moteur », a expliqué Patrick Nowicki. Autre difficulté : la fourniture en pièces détachées. La mairie, qui possède un garage interne, a dû revoir ses circuits d’approvisionnement pour les matériels nécessaires aux réparations et entretiens.
Des remplacements complexes
Ce témoignage n’a pas laissé indifférent Nicolas Delage, conseil en développement durable et mobilité à la CCI de Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne. Ce responsable a ainsi rappelé que des exceptions de circulation peuvent être accordées pour laisser des véhicules circuler, les temps qu’une solution de substitution soit disponible.
Mais cette substitution n’est pas simple pour les 150 véhicules de fonction de la filiale française de JTEKT Automotive, un équipementier automobile japonais basé à Irigny au sud de Lyon. Et sur ce sujet, la gestionnaire de cette flotte, Catherine Dutang, a relevé que les contraintes des ZFE-m se conjuguaient avec celles de la loi d’orientation des mobilités (LOM). Et intégrer des modèles émetteurs de moins de 60 g de CO2 demande une réflexion poussée sur leur adéquation avec les usages.
« Si l’on ne donne pas le bon véhicule au bon conducteur, cela peut coûter cher », a renchéri Cécile Cortial responsable de l’environnement de travail d’Ecotone. Implantée à Saint-Genis-Laval, cette entreprise agroalimentaire spécialiste des produits de l’agriculture biologique gère 160 véhicules. Sans oublier que de mauvais choix peuvent aussi dégrader les conditions de travail de salariés comme les commerciaux, a ajouté cette responsable.
Face une électrification inéluctable, comment procéder au mieux ? C’était le thème de la deuxième table ronde de la journée. Jusqu’ici, a constaté Fabien Dieu, dirigeant du fleeter Ask, les entreprises ont tendance à attribuer des modèles électrifiés aux salariés des postes d’encadrement. Une décision logique : compte tenu d’une fiscalité favorable, ces véhicules peuvent avantageusement succéder à des modèles thermiques.
Structurer le changement
« Et l’électrique offre jusqu’à 50 % d’abattement sur les avantages en nature (AEN) », a noté Régis Masera, directeur du consulting chez Arval. Du côté des amortissements non déductibles, ce loueur a aussi mis en avant qu’une Tesla peut remplacer une Mondeo, avec un amortissement de l’ordre de 30 000 euros pour le véhicule et de plus de 10 000 euros pour sa batterie.
Si les gestionnaires de flotte privilégient en priorité les véhicules des postes d’encadrement, c’est aussi que dans ces fonctions, le turnover reste moindre. Les véhicules sont alors moins susceptibles d’une réattribution qui pourrait poser un problème d’usage, a avancé Fabien Dieu pour Ask. Cependant, a-t-il poursuivi, même pour ces postes, certains salariés semblent favorables à l’électrique, puis se désistent dès qu’ils prennent conscience des contraintes liées à la recharge, comme lorsqu’ils envisagent de partir en vacances. Ces déconvenues ont fait dire à Régis Masera d’Arval que la transition vers l’électrique passe par une réflexion préalable qui demande du temps pour prévoir et structurer le changement. Et cela impose de s’y atteler au plus vite, compte tenu des contraintes de circulation qui arrivent rapidement.
Dans l’intégration des véhicules électriques, une des variables à prendre en compte reste bien sûr celle de l’implantation des bornes de recharge. D’autant que la technologie et les puissances disponibles ont considérablement évolué ces dernières années, a souligné Nicolas Poirier, directeur commercial d’Izivia, filiale d’EDF spécialiste de la mobilité électrique BtoB. Plus question donc de penser l’implantation de bornes sans réfléchir au préalable à leur adéquation aux usages.
Organiser la recharge
Chez SRP Polyservices, une entreprise de nettoyage urbain et industriel basée à Rillieux-la-Pape, la moitié du parc est électrifiée : la flotte compte deux Master E-Tech depuis deux ans et 57 eSprinter depuis l’an dernier. Pour ces véhicules, 29 bornes de 7 kW et deux de 22 kW ont été installées. « Les véhicules se rechargent entre 19 h 00 et 6 h 00 avec du ‘‘biberonnage’’ entre 12 h 00 et 13 h 00 », a indiqué le gestionnaire du parc, David Calois, directeur d’exploitation. L’implantation des bornes a demandé six mois de travail, avec l’objectif de ne pas surdimensionner le système. Une fois en place, a repris David Calois, ces bornes doivent être supervisées : pour s’assurer du bon rechargement des véhicules, organiser les roulements si nécessaire, etc. Pour ce faire, SRP Polyservices a opté pour un outil spécifique.
Cette question des bornes faisait apparaître une dernière préoccupation de plus en plus prégnante pour les gestionnaires de flotte : celle du coût de l’énergie. Depuis les Rencontres Flotauto en juin dernier à Paris, la situation a considérablement évolué. Il y a quelques mois encore, si beaucoup s’accordaient à anticiper des bouleversements des prix de l’énergie, peu auraient parié sur de telles perspectives d’augmentation du prix sur l’électricité. Comment maîtriser ces postes de hausse ?, se sont interrogés Matthieu Blaise, responsable de la practice flotte automobile et mobilité du cabinet de conseil Ressource Consulting, et Patrick Nowicki pour la ville de Lyon, lors de la dernière table ronde de la journée.
Énergie : faire face à la hausse
Dans une optique de meilleure maîtrise des coûts, Matthieu Blaise a fait remarquer que les gestionnaires de flotte s’approprient peu à peu des outils comme la télématique. Car la télématique, couplée à la pratique de l’éco-conduite, peut générer jusqu’à 15 % d’économie sur les dépenses de carburant, a ajouté ce consultant. « C’est un retour sur investissement positif, avec des effets sur la sinistralité ou sur la diminution des kilomètres parcourus », a-t-il complété.
« Nous en sommes déjà à réfléchir à comment nous allons gérer le parc en 2026 : nous projetons donc les coûts plutôt que de chercher à les baisser, et cette programmation elle-même génère des économies », a anticipé Patrick Nowicki pour la mairie de Lyon. Tout en rappelant que la meilleure méthode pour limiter les coûts reste de réduire le nombre de véhicules et les kilométrages. « J’ai pris mon poste en 2007. Depuis cette date, nous avons supprimé 120 véhicules de la flotte. En 2011, notre flotte avait parcouru 7 millions de kilomètres (hors vélos). En 2022, ce chiffre atteint 3,5 millions de kilomètres. Nous travaillons sur ce sujet depuis des années », a conclu Patrick Nowicki. Assurément la méthode la plus efficace. Rendez-vous l’année prochaine pour faire le point.