
« Il y a une quinzaine d’années, il n’existait pas de véritable processus de restitution, rappelle Xavier Diry, directeur de Dekra Automotive Solutions France. Le concessionnaire ou le garagiste qui récupéraient une voiture ne vérifiaient pas de manière approfondie. Les frais étaient mutualisés, intégrés dans les loyers. »
Mais la situation a évolué. « Depuis le milieu des années 2000, la pression a été forte pour faire baisser les loyers et, parallèlement, les frais liés aux dégradations des véhicules et à la remise en état ont commencé à être systématiquement facturés. Désormais, le processus s’est installé », détaille le représentant du...
« Il y a une quinzaine d’années, il n’existait pas de véritable processus de restitution, rappelle Xavier Diry, directeur de Dekra Automotive Solutions France. Le concessionnaire ou le garagiste qui récupéraient une voiture ne vérifiaient pas de manière approfondie. Les frais étaient mutualisés, intégrés dans les loyers. »
Mais la situation a évolué. « Depuis le milieu des années 2000, la pression a été forte pour faire baisser les loyers et, parallèlement, les frais liés aux dégradations des véhicules et à la remise en état ont commencé à être systématiquement facturés. Désormais, le processus s’est installé », détaille le représentant du spécialiste de la gestion des restitutions et du remarketing VO.
En moyenne, 600 à 900 euros de frais
Pour l’entreprise, le coût peut être élevé : de l’ordre de 600 à 900 euros en moyenne. « Mais il y a des champions avec 3 000 ou 4 000 euros de frais de restitution, note Xavier Diry. Autant donc investir sur le long terme pour maintenir un véhicule en bon état. L’argent qui ne sera pas dépensé avant le sera à la sortie. En outre, le bon état du véhicule sur toute la durée de la location participe à l’image de l’entreprise. »
Pour les frais de restitution, le calcul se fait sur la base d’une remise en état pour les dégradations facturables, selon des critères précis et indiqués dans la charte de restitution de chaque loueur. Une charte qui comprend en moyenne une soixantaine de points de vérification. « Ces critères sont communs à tous les loueurs. Nous travaillons au sein du syndicat regroupant les loueurs (SNLVLD) pour les définir de plus en plus précisément. En revanche, les frais qui s’appliquent peuvent différer d’un loueur à l’autre. Cela se négocie en amont », précise Christophe Delivet, directeur du service Delivery d’Arval.
De manière générale, un abattement pour usure est appliqué, de l’ordre de 30 à 35 % pour une durée de location de 36 mois et un kilométrage de 120 000 km. Certes, le loueur ne remettra pas le véhicule en état mais le vendra tel quel, sauf si les dégradations sont trop importantes et rendent le véhicule impropre à la vente. Les frais de restitution viennent donc compenser une décote plus élevée que prévue. « Ce calcul est plus avantageux pour les clients », assure le responsable d’Arval.
La restitution, drame psychologique ?
« Si vous achetez un véhicule et que vous le revendez moins cher que prévu en raison des dégradations, vous subissez une décote. Quand vous louez, vous recevez une facture avec les frais de restitution. Ce qui revient au même mais comme il s’agit d’une facture, elle est plus visible et elle marque psychologiquement. De fait, les frais de restitution peuvent aussi être considérés comme un report du risque assurance quand les déclarations de sinistre n’ont pas été effectuées », avance Gérard de Chalonge, directeur commercial d’Athlon Car Lease. En s’étonnant que les clients ne confient pas la gestion des sinistres au loueur : « Nous ne payons pas la TVA et répercutons ce bénéfice sur nos clients. »
Le processus de restitution s’est professionnalisé ces dernières années avec le développement de la photo-expertise, de l’évaluation contradictoire des dégâts avec le client, mais aussi de la place grandissante de sociétés spécialisées comme Macadam ou Dekra. L’objectif principal reste de réduire le nombre des litiges. Avec la photo-expertise, un grand pas a été franchi. Dorénavant, la dématérialisation des procès-verbaux fluidifie le processus.
« Le PV de restitution et le compte-rendu de photo-expertise sont consultables directement depuis notre site internet, ALD Net, explique Hugues de Monteville, directeur des opérations d’ALD Automotive. Et nos clients pourront bientôt les visualiser sur une tablette avec l’appli My ALD. Le fait de communiquer sur la restitution et la mise en place de pratiques plus transparentes ont entraîné une diminution par cinq des litiges sur ces cinq dernières années. »
Un processus toujours plus transparent…
Autre pratique qui contribue à limiter les litiges : l’expertise en présence du conducteur ou d’un représentant de l’entreprise cliente. Jusqu’à une période très récente, le véhicule était toujours expertisé plusieurs jours après sa restitution, une fois transporté sur le lieu de stockage du loueur.
« Ce fonctionnement pouvait entraîner des désaccords, liés à d’éventuelles dégradations ultérieures à la restitution pendant le transport. En réponse, l’expertise contradictoire sur le lieu de restitution, en présence du conducteur, s’est développée », observe Xavier Diry pour Dekra.
« Nous passons par Macadam, indique Gérard de Chalonge pour Athlon, et environ 60 % des expertises se pratiquent aujourd’hui avec la présence du conducteur. Depuis 2008, ce fonctionnement s’accompagne de photos des différentes parties du véhicule. Nous avons maintenant très peu de réclamations. »
Dans ce cas de figure, il n’y a plus de fiche de restitution – juste une attestation de prise en charge du véhicule car la photo-expertise est réalisée directement dans le garage qui le réceptionne. « Cela évite le caractère aléatoire de la fiche de restitution avant expertise : certains garagistes ont tendance à noter la moitié des dégâts et d’autres à être plus rigides que le cahier des charges et à signaler la moindre petite rayure », ajoute Gérard de Chalonge.
« Le conducteur ou le gestionnaire du parc prennent rendez-vous, par téléphone, par internet ou sur appli mobile, et l’expert se déplace. Tous les éléments d’expertise sont indiqués sur une tablette numérique et le conducteur signe ce PV électronique. Le client a accès à ces données lors de la réception de la facture et peut visualiser les éléments du véhicule grâce à des liens URL. C’est à la fois plus transparent et plus qualitatif », argumente Cédric Marquant, directeur marketing et business development d’Alphabet, loueur qui passe également par Macadam.
… et toujours plus contradictoire
Et quand l’expertise est réalisée après la restitution, les risques sont limités, « à moins que le véhicule ne tombe du camion pendant le transport », ironise Hugues de Monteville pour ALD. Qui permet à ses clients de rendre les véhicules dans 3 000 points sur le territoire auprès de garages partenaires, puis fait ensuite venir l’expert dans ses centres de stockage.
« Faire coïncider la restitution et l’expertise nécessite une prise de rendez-vous à un créneau horaire qui convient à la fois à l’expert, au conducteur et au garagiste. C’est donc une contrainte sur laquelle les experts, les loueurs et les clients peuvent encore largement progresser », poursuit Hugues de Monteville.
Des solutions existent pour limiter les litiges. « Deux PV successifs sont signés : un premier lors de la restitution au garage, un second lors de l’arrivée dans le centre de stockage », résume Christophe Delivet pour Arval. Le loueur développe aussi la photo-expertise sur le lieu même de la restitution. « Celle-ci deviendra alors incontestable », complète Christophe Delivet.
Quand le processus se fait en deux temps, « le PV de restitution réalisé entre le garagiste et le conducteur ou le représentant du client est important. Ce PV est signé de manière contradictoire et sert à comparer l’état du véhicule avec celui décrit ensuite par l’expertise en cas de désaccord. Mais nous avons eu à peine une ou deux contestations en cinq ans », remarque de son côté Patrick Grondin, directeur de l’exploitation et des ventes de véhicules d’occasion chez Véhiposte (voir le témoignage).
Quoi qu’il en soit, tous les clients ne sont pas persuadés de la pertinence de ce système. « La restitution reste une nébuleuse. L’expert est à la fois juge et partie. Malgré la fiche de restitution remplie entre le garagiste et le conducteur, ce qui fait foi, c’est l’expertise effectuée ensuite », constate Jean-Pierre Tran, responsable du parc d’Orangina Suntory France, qui gère environ 450 véhicules dont 400 VP.
« En cas de contestation, le client peut toujours faire appel à un expert tiers qu’il devra rémunérer environ 150 euros. C’est assez rare car les cahiers des charges sont toujours plus détaillés, ce qui laisse peu de place à des estimations différentes », note Xavier Diry pour Dekra.
Expert, contre-expert, quels apports ?
Et pour Jean-Pierre Tran, « la contre-expertise, c’est toujours un expert et il est rare qu’il contredise le premier ! En outre, le coût de ce recours est disproportionné quand il s’agit d’un litige portant sur 1 000 ou 1 500 euros. » « Une partie des litiges est liée à la méconnaissance des règles de restitution. Les loueurs diffusent une charte de restitution. Un guide transparent qui détaille ce qui est toléré et ce qui est facturé », souligne Cédric Marquant pour Alphabet. « Il faut connaître les barèmes, les dommages facturables, le taux d’usure accepté pour les pneus, le fait qu’une rayure de plus de 5 cm entraînera une facturation, une plus petite, non », pointe Xavier Diry.
Au gestionnaire de parc donc de bien lire son contrat dès la signature. « Dans de nombreux pays, les loueurs se sont entendus sur un contenu commun des règles de restitution. Ce n’est pas vrai en France, bien que les règles deviennent de plus en plus homogènes. Environ 80 % des contenus sont standards », constate Bertrand Durand, directeur de Macadam France, spécialiste du remarketing VO.
Au gestionnaire aussi de définir un processus interne pour faire coller la date de livraison du nouveau véhicule avec celles de la restitution de l’ancien. Chez Orangina Suntory France, le compte à rebours commence trois mois avant, dès la réception de l’e-mail de confirmation de la future livraison, afin d’éviter un éventuel double loyer, de préparer la restitution, d’effectuer les réparations sur l’ancien véhicule, etc.
Connaître les règles de restitution
Rien de mieux d’ailleurs qu’une bonne explication sur le terrain pour faire prendre conscience aux gestionnaires de parc du processus d’expertise et du calcul des frais de restitution : « Nous prenons des clients en formation sur nos sites d’expertise. Nous leur en montrons le fonctionnement ainsi que les calculs qui suivent une méthodologie précise. Nous ne faisons pas cela au doigt mouillé ! Ils comprennent mieux l’impact des dommages sur une dépréciation à la revente », décrit Hugues de Monteville. Ce responsable d’ALD multiplie les conseils, dont un qui peut paraître évident : « Il ne faut pas oublier de déclarer à son assurance un dommage avant la restitution, et d’effectuer les réparations. Une pré-expertise peut, à ce titre, servir de piqûre de rappel. »
Des frais de restitution au forfait ?
Certaines solutions, proches de l’assurance, aident aussi à mieux sécuriser la restitution et « surtout à écrêter les dépenses », indique Gérard de Chalonge pour Athlon Car Lease. Qui met en avant son offre Serenity Fleet. Le principe de cette prestation ? Après avoir réalisé une analyse des frais moyens de restitution sur deux ans, le loueur et le client s’entendent sur un montant identique pour chaque véhicule, qui sera réglé lors de la restitution. Tous les frais de restitution supplémentaires sont à la charge du loueur. Si le montant est inférieur, Athlon rembourse le client.
« Partir sur un montant fixe limite les risques d’insatisfaction et améliore les relations avec le client, observe Gérard de Chalonge. Cette prestation coûte quelques euros par mois et rentre dans les frais de gestion. Nous l’intégrons automatiquement dans les nouveaux contrats quand le client prend l’assurance chez nous. »
Pour Macadam, Bertrand Durand critique ce principe de mutualisation : « Celui qui a une flotte plus propre va payer pour les autres. » Et cette pratique serait loin d’être vertueuse : « En Espagne où le paiement est étalé et intégré dans le loyer, le nombre de dommages par véhicule restitué atteint 13 à 14, contre 5 en Allemagne et 7 en France. Payer une facture en fin de contrat aurait tendance à plus sensibiliser », reprend Bertrand Durand.
Cette solution a toutefois tendance à se développer. Alphabet propose un système similaire pour lisser les frais de restitution sur la durée de la location, employé notamment par la société Kinnarps pour sa flotte (voir le témoignage). Arval y réfléchit pareillement : « Cela ne coûtera pas moins cher que les frais de restitution mais contribuera à lisser les dépenses sur la vie du contrat », argumente Christophe Delivet.
Contrôler et sensibiliser les conducteurs
Mais pour le responsable, le gros des efforts cible avant tout le conducteur pour optimiser la restitution. « Le véhicule est un outil de travail. C’est le bureau du salarié mobile. Tout comme un salarié doit prendre soin de son ordinateur et de son bureau, il doit entretenir son véhicule et le maintenir en bon état. Ce qui contribue aussi à l’image de l’entreprise », rappelle Xavier Diry pour Dekra. Un message qui passe parfois difficilement et doit surtout être répété. « Quand un véhicule commence à se dégrader, les choses s’accélèrent vite, prévient Bertrand Durand de Macadam. Après quelques incidents et rayures, le conducteur fait de moins en moins attention. » « Après les premiers dégâts, c’est déjà trop tard. D’où l’importance du manager, de son travail de vérification et de son rôle de sensibilisation. Il doit maintenir la pression », confirme Xavier Diry.
Des salariés à responsabiliser
Quels leviers le responsable de parc peut-il actionner ? « Déjà, l’expertise contradictoire en présence du conducteur possède un effet vertueux car elle l’implique et lui fait prendre conscience qu’il y a un coût pour l’entreprise. Des responsables vont jusqu’à montrer au conducteur le montant de la note », relate le responsable de Dekra.
Mais de fait, tout se joue avant, tout au long du cycle de location. « Chez Orangina Suntory France, le livret du conducteur comprend plusieurs points sur le comportement au volant, l’entretien et le nettoyage du véhicule, et l’impact sur l’image de l’entreprise. Nous avons mis en place une communication régulière à destination des conducteurs », explique Jean-Pierre Tran. « Vérifier régulièrement l’état des véhicules offre une bonne lecture du comportement des conducteurs. Ceux qui laissent leur véhicule se dégrader sont aussi souvent les plus accidentogènes. Cet indicateur est utile pour déclencher une formation à l’éco-conduite, avec un impact sur la consommation mais aussi sur la sinistralité », estime Patrick Grondin pour Véhiposte.
« Nous remarquons que la grande majorité des salariés conduisent “en bons pères de famille“. Mais il y a toujours une petite proportion de 10 à 20 % de mauvais utilisateurs qui ont le plus de sinistres et qui rendent les véhicules dans des états déplorables. Ce sont ceux-là qu’il faut cibler », fait remarquer Gérard de Chalonge, pour Athlon.
Un avis largement partagé par son collègue d’ALD : « Les stages de prévention routière sont utiles, par exemple en ciblant les conducteurs qui ont eu un sinistre ou plus dans l’année. Il faut travailler sur l’évitabilité des sinistres, y compris les petits chocs qui, additionnés, coûtent cher à la sortie. Rappeler au conducteur comment éviter les obstacles, comment se garer toujours en marche arrière, quelle posture adopter au volant, etc. À cet égard, les nouveaux outils d’aide à la conduite apportent une très forte valeur ajoutée », énumère Hugues de Monteville pour ALD. Un conseil à méditer lorsqu’il s’agit de définir la car policy et les équipements à privilégier.
« Nous insistons sur la prévention tout au long de la vie du contrat car c’est un cercle vertueux pour faire baisser la consommation, mais aussi pour diminuer le risque d’amendes, d’accidents et d’accrochages », complète Christophe Delivet.
Cibler les conducteurs accidentogènes
Mieux gérer la sinistralité des conducteurs permet ainsi d’arriver à la restitution avec un véhicule en meilleur état. Certes, aucun chiffre n’existe sur le lien entre la réduction de la sinistralité et celle des frais de restitution. « Mais c’est une question de bon sens », fait remarquer Cédric Marquant d’Alphabet. Qui souligne l’efficacité des formations à l’éco-conduite et aux risques routiers.
« Chez Orangina Suntory France, en cas d’accident, le conducteur doit prévenir son manager dans les 48 heures et remplir un questionnaire en ligne sur le site de Préventic (Automobile Club Prévention). Ce processus sensibilise le conducteur. Le partenariat avec l’ACP, lancé il y a quatre ans, aide également à mesurer la fréquence de la sinistralité : cet indicateur est passé de 0,47 par an et par véhicule en 2012, à 0,35 aujourd’hui », détaille ainsi Jean-Pierre Tran.
« Faire régler les dégradations par le salarié est strictement interdit », avertit Xavier Diry, même si des gestionnaires de flotte font payer une partie des frais de restitution, au-delà d’une franchise, au conducteur. Cependant, des solutions existent dès lors que le système passe par des primes.
Toucher au porte-monnaie du collaborateur ?
« Dans le cas d’un accident responsable à 50 %, le conducteur est pénalisé d’un point de malus et de deux en cas de responsabilité à 100 %. Pour toucher la prime que nous distribuons, le conducteur ne doit pas avoir dépassé un seuil d’un point de malus », illustre Jean-Pierre Tran pour Orangina Suntory France.
Autre solution : verser une prime aux bons conducteurs. « Il est aussi possible de lier l’attribution de certaines options dans le véhicule en fonction de l’attitude du conducteur », ajoute Bertrand Durand, pour Macadam France.
« Je ne suis pas convaincu par cette pratique qui est un peu bizarre. Cela revient à récompenser les conducteurs pour un comportement normal qui consiste à conduire en bon père de famille, conclut Gérard de Chalonge pour Athlon. En revanche, faire contribuer le conducteur au coût de la voiture avec une retenue sur salaire me paraît plus bénéfique en matière de sensibilisation, que de pratiquer les avantages en nature. Le conducteur a un rôle plus participatif. » À suivre.
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