
La restitution constitue un moment de la vie du véhicule de location souvent décrit comme une « étape délicate ». Un euphémisme pour certaines structures, souvent les plus petites, qui se détournent de la LLD définitivement après avoir jugé l’expérience peu concluante pour leurs finances.
Et même quand ce n’est pas le cas, un flou demeure pour de nombreux gestionnaires de flotte autour de cette dernière étape de la vie des véhicules dans l’entreprise : comment est apprécié le montant facturé pour les dégradations constatées ? Ce coût couvre-t-il des réparations effectuées ensuite sur le véhicule ou la dévaluation sur le marché de l’occasion ?...
La restitution constitue un moment de la vie du véhicule de location souvent décrit comme une « étape délicate ». Un euphémisme pour certaines structures, souvent les plus petites, qui se détournent de la LLD définitivement après avoir jugé l’expérience peu concluante pour leurs finances.
Et même quand ce n’est pas le cas, un flou demeure pour de nombreux gestionnaires de flotte autour de cette dernière étape de la vie des véhicules dans l’entreprise : comment est apprécié le montant facturé pour les dégradations constatées ? Ce coût couvre-t-il des réparations effectuées ensuite sur le véhicule ou la dévaluation sur le marché de l’occasion ?
Des frais pour compenser une dévaluation
Du côté des loueurs on fait preuve de pédagogie : les frais de restitution sont bien le coût de la dévaluation de la valeur d’un véhicule sur le marché de l’occasion. « Un loueur ne fait pas ses marges dans le remarketing des voitures : pour le chiffrage des frais de restitution, on parle plus d’un préjudice à la vente que d’un réel prix de réparation », éclaircit Bertrand Durand, directeur France et business development Europe de Macadam, spécialiste du remarketing des véhicules.
Et aux locataires qui supposent que les prestataires réalisent des bénéfices sur les frais de restitution, ces derniers opposent des arguments : « Il faut bien comprendre que le loueur n’a aucun intérêt à ce que les voitures reviennent en mauvais état, argumente Christophe Delivet, directeur du service delivery d’Arval. Pour le loueur, cela demande de facturer les dégâts, ce qui prend du temps. En outre, une voiture en mauvais état se revend moins bien qu’une voiture en bon état. Et cela implique des négociations avec un client qui n’est pas satisfait de se voir facturer des frais supplémentaires », poursuit-il. Dernier point de litige souvent avancé autour des frais de restitution : des dégâts facturés au locataire alors qu’ils se seraient produits après la remise des clés du véhicule, pendant le transport entre le lieu de restitution et le lieu de stockage où s’effectue l’expertise définitive : « Cela n’est pas vrai, tranche le responsable d’Arval. Et il est facile de faire la différence entre un dommage qui vient de se faire et un dommage lié à la vie du véhicule. »
Dominique Rolland, responsable des 400 véhicules du parc automobile d’Alcatel-Lucent, va dans le sens du loueur : « Entre le parking et la plate-forme, les accidents sont rares. Cela peut arriver mais cela reste vraiment marginal. Et rien ne m’empêche d’être présent sur la plate-forme pour les restitutions et d’assister à la photo-expertise », ajoute-t-il.
Des protocoles à définir entre client et loueur
Volonté de rassurer les locataires ou reconnaissance de facto que l’étape de la restitution méritait d’être améliorée : les protocoles tendent à évoluer vers une plus grande clarté pour les deux parties. Les loueurs ont entre autres amélioré l’information en amont : « Nous indiquons ce qui est facturable ou ce qui ne l’est pas. Avant, c’était un peu plus opaque, reconnaît Christophe Delivet. Nous avons désormais un guide qui indique, photos à l’appui, ce qui est accepté ou non. »
En aval, les PV de restitution remplis à la main chez le concessionnaire, jugés trop subjectifs, sont appelés à disparaître pour des dispositifs plus rigoureux : « Dans la mesure du possible, nous évitons le système des PV de restitution papier complétés dans un garage où se rend le collaborateur pour faire le tour du véhicule avec un employé du garage. C’est un système complètement aléatoire et source de conflits », estime Dominique Rolland chez Alcatel. Ces PV pourraient progressivement laisser la place à des restitutions qui incluent systématiquement la photo-expertise. « Il y a quelques années, nous travaillions sur des PV de restitution, des documents assez légers sur lesquels nous indiquions les dommages de la voiture. Mais aujourd’hui, quasiment tous les loueurs sont passés à la photo-expertise sur les parcs de stockage, avec des photos très précises des dommages. L’étape suivante va être l’expertise contradictoire sur le lieu même de restitution avec le conducteur », retrace Christophe Delivet pour Arval.
Après la photo-expertise, l’expertise contradictoire
Ce fonctionnement tend à se développer en France, confirme Bertrand Durand pour Macadam dont les experts travaillent à travers toute l’Europe : « Entre 2013 et 2014, nous sommes passés de 12 000 à 22 000 rendez-vous. De 2014 à 2015, nous allons passer de 22 000 à 40 000 au moins, sur un volume de 180 000 véhicules inspectés. » Cette croissance cache pourtant des disparités car tous les prestataires n’ont pas encore choisi cette modalité : « Cela dépend de la maturité et d’un choix stratégique des loueurs. Mais certains, et surtout les captives, ont institutionnalisé ce processus et il se déroule dans 90 % des cas. Pour d’autres, la prise de rendez-vous se limite à 10 ou 15 % des restitutions », reprend Bertrand Durand.
Pour Arval, le coût de cette expertise pourrait être en partie responsable de cette diffusion contrastée puisqu’il faut que l’expert se déplace, note Christophe Delivet. « Il est donc moins onéreux de centraliser les expertises que de les réaliser une par une », complète-t-il. Et pour le loueur, le calcul est simple : ce coût supplémentaire est envisageable s’il permet d’accélérer la revente du véhicule. « Plus vite le véhicule est revendu, moins il y a d’immobilisation financière », abonde Xavier Diry, directeur général France de Dekra Automotive Solutions, prestataire de services dans le secteur automobile et spécialiste des expertises lors des restitutions.
Une expertise avant tout pour éviter les litiges
Mais pour l’entreprise, ce coût supplémentaire reste indolore. « Certes, il coûte moins cher d’effectuer une expertise sur une plate-forme centralisée plutôt que d’aller examiner les voitures une par une sur le parking du client. Mais le coût supplémentaire est le plus souvent pris en charge par les loueurs. Ces expertises ne sont pas refacturées aux entreprises. Elles sont rarement proposées sous forme de service payant », détaille Xavier Diry.
L’entreprise trouvera un autre intérêt dans cette forme de restitution : face au conducteur ou au chef de parc, l’expert peut justifier les dégâts facturés. Et les éventuels dégâts causés sur la voiture après le départ du locataire ne concernent plus ce dernier. Chez Alcatel-Lucent, l’opération se déroule ainsi en présence du conducteur mais aussi du chef de parc : « Il n’y a pas de litiges. On peut discuter directement avec l’expert pour s’expliquer », souligne Dominique Rolland.
Reste que si cette forme de restitution réunit les suffrages, son exécution demande un minimum d’organisation pour réunir toutes les parties prenantes à un rendez-vous. Et ce n’est pas si simple : « Le responsable de parc n’est pas toujours disponible, le collaborateur non plus et les managers de haut niveau sont le plus souvent indisponibles pour ce type de rendez-vous », pointe Dominique Rolland. Cette difficulté de réunir les personnes impliquées explique pourquoi certains clients continueront à préférer les constats sur parc : « Un rendez-vous contradictoire pourrait être trop long », fait remarquer Christophe Delivet pour Arval.
Autre variable à considérer : la dimension humaine. Se trouver confronté à ses négligences dans l’entretien de sa voiture constitue une épreuve que tous les conducteurs n’ont pas envie de subir. Pour Macadam, Bertrand Durand va dans ce sens : « La restitution en présence du conducteur se passe généralement bien. On observe que plus un conducteur rend son véhicule en bon état, plus il est disposé à organiser un rendez-vous pour la restitution. À l’inverse, quand un véhicule est mal entretenu, le conducteur a tendance à le laisser au garage sans prendre de rendez-vous. »
Car l’étape de la restitution n’est pas un événement neutre pour le conducteur qui se sépare d’un véhicule qui l’a accompagné pendant plusieurs années : « La restitution reste un moment angoissant pour le chef de parc et pour le conducteur », observe Christophe Delivet pour Arval.
Tenir compte du facteur humain dans la restitution
Solution la plus efficace pour que cette étape se passe au mieux : éviter les dégradations. Pour y parvenir, l’ensemble des spécialistes s’accordent sur la nécessité d’accompagner les conducteurs tout au long de l’utilisation du véhicule : « Il ne faut pas laisser la voiture se dégrader le temps de la location, indique Dominique Rolland pour Alcatel. Sinon, le conducteur s’aperçoit que personne n’y prête attention et il se désintéresse de la question. Lorsque le chef de parc constate une dégradation, il faut immédiatement contacter le conducteur pour réparer. Cela montre qu’il y a un suivi et qu’on ne laisse pas les voitures se dégrader. »
Le rôle du chef de parc se veut alors essentiel. Il consiste par exemple en un travail de pédagogie auprès des conducteurs : « Il faut les sensibiliser sur les coûts financiers des restitutions, poursuit Dominique Rolland. Et ce dès la remise des clés : lorsque les conducteurs prennent livraison de leur véhicule, je les informe de ce qui sera accepté ou pas au moment de la restitution. » Des recommandations qui peuvent aussi être données par le biais de documents écrits.
Pour atténuer les éventuelles tensions, Bertrand Durand de Macadam rappelle que le conducteur, même s’il peut se sentir fautif, « n’est pas là pour signer un montant de frais de réparation mais un nombre de dommages facturés sur le véhicule. La restitution est l’occasion de lui faire prendre conscience qu’il rend un véhicule qui va être facturé pour plusieurs dommages. »
Sensibiliser les conducteurs au coût de la restitution
Si la participation des conducteurs à la restitution peut faire naître cette prise de conscience, les responsables de parc ne négligent pas d’autres mesures incitatives, notamment en avertissant les supérieurs hiérarchiques d’éventuelles dérives. « Nous pouvons effectuer des reportings réguliers et détaillés par périmètres, pour informer des surcoûts engendrés par les remises en état, et rappeler à nos collaborateurs les règles d’usage d’un véhicule d’entreprise », explique Marie Rouvière, chef des services généraux chez Compass Group France. Le spécialiste de la restauration collective s’appuie sur une flotte de 750 véhicules.
Et à défaut d’une sensibilisation suffisamment efficace, certaines entreprises n’hésitent pas à prendre des mesures à caractère plus coercitif. « En cas de dommages trop importants sur les voitures des commerciaux, nous informons le directeur commercial du montant des réparations et la somme est répercutée sur son budget. Cela l’incite à sensibiliser ses équipes à l’impact du TCO conducteur sur le coût d’usage global », détaille Hervé Cerf, directeur de la production, des services généraux et techniques de Babolat. Spécialiste des équipements pour les sports de raquette, Babolat recourt à une trentaine de véhicules.
Après la sensibilisation, la coercition
Si les mesures diffèrent selon les entreprises, la tolérance sur le montant des frais admissibles varie pareillement. Certaines l’apprécient en fonction d’un coût aux kilomètres parcourus, soit 12 euros par 1 000 km parcourus chez Babolat ; d’autres en fonction d’une moyenne de l’ensemble des frais de restitution. « Chez Alcatel-Lucent, ce coût moyen s’élève à moins de 500 euros », indique Dominique Rolland. Un chiffre assez bas par rapport à la moyenne de 700 à 800 euros évaluée par les professionnels de la location ou de l’expertise.
« Le montant de la restitution varie selon la typologie de véhicules et jusqu’à plusieurs milliers d’euros. Pour une voiture “maltraitée“, il arrive que le chiffrage atteigne les 3 000 ou 4 000 euros », avance Christophe Delivet pour Arval. En rappelant au passage que 30 % des véhicules ne donnent pas lieu à des frais de restitution et que l’essentiel des facturations des 70 % restants se situe entre 400 et 800 euros.
Négocier en amont pour limiter les frais
La difficulté d’apprécier un montant moyen n’est pas seulement liée à la diversité des modèles, de leurs utilisations ou des lois de roulage. Le montant payé en fin de contrat pour les frais liés aux dommages subis varie aussi selon les négociations en amont du locataire avec le loueur. « Comme dans tout contrat de vente, il est possible de négocier un certain nombre d’items et une tolérance sur certains points, ce que nous proposons à une grande partie des clients. Mais la gratuité des frais de remise en état ne peut pas exister », prévient d’emblée Christophe Delivet.
Pour Bertrand Durand chez Macadam, ces négociations préalables ont un impact plutôt limité : « Sur le montant moyen des frais de restitution, les écarts d’un loueur à l’autre restent peu importants si l’on prend en compte le cahier des charges, les taux horaires ou les grilles de vétusté appliqués. S’il peut exister des différences sur les négociations, les franchises négociées, etc., elles demeurent relativement minimes. » Bertrand Durand aligne quelques chiffres : « Pour des véhicules rendus en moyenne au bout de 41 mois et 105 000 km, le niveau des dommages notifiés s’élève à environ 1 200 à 1 300 euros. 700 et 800 euros sont effectivement facturés après avoir appliqué les grilles de vétusté, les remises, etc. »
Pour les entreprises, cette opportunité de négocier des frais en amont reste diversement appréciée. « Chez Babolat, nous n’avons pas négocié les frais de restitution en amont car ils ne nous apparaissent pas excessifs, note Hervé Cerf. L’effort à faire est plus de notre côté en responsabilisant les conducteurs. D’autres postes retiennent plus particulièrement notre attention comme le calcul de la TVS, le bonus-malus ou le coût des pneumatiques. »
Définir et suivre un cahier des charges précis
Chez Compass Group France en revanche, les négociations menées en amont sont considérées comme la garantie du bon déroulement des restitutions et de l’optimisation des coûts. « Les expertises de Macadam se réalisent suivant un cahier des charges précis, validé au préalable entre le loueur et Compass Group France, explique ainsi Marie Rouvière. Il est appliqué une vétusté en fonction de l’âge du véhicule, un tarif pièces et main-d’œuvre négocié au plus juste, et des tolérances pour des dégradations jugées acceptables qui ne seront pas facturées. C’est ainsi que nos frais de remise en état sont au global minorés de 15 à 20 %. »
Élément important chez Compass Group France, les pneumatiques ont été intégrés à cette négociation. Ce n’était pas le cas auparavant et cela a pu participer à la diminution de la facture globale : « Les pneus usagés à la restitution ne sont pas pris en compte s’il en reste au capital du contrat de location », complète la responsable. Preuve s’il en fallait que la restitution n’est pas un exercice désespéré pour les gestionnaires de flotte.
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