
Cerner les risques routiers auxquels sont exposés les salariés ? « C’est un travail d’équipe », résume Isabelle Fourtanet, risk manager de Cemex. Chez ce spécialiste des matériaux de construction, le comité de prévention du risque routier interne a été mis sur pied en 2012.
« Ce comité se compose de la directrice santé sécurité, de deux représentants des ressources humaines, de la responsable formation, de la responsable de la flotte et de la risk manager. Le comité exécutif est également impliqué, ainsi que les directeurs de région susceptibles de déployer ensuite les préconisations définies par le siège », énumère Isabelle Fourtanet.
Avant...
Cerner les risques routiers auxquels sont exposés les salariés ? « C’est un travail d’équipe », résume Isabelle Fourtanet, risk manager de Cemex. Chez ce spécialiste des matériaux de construction, le comité de prévention du risque routier interne a été mis sur pied en 2012.
« Ce comité se compose de la directrice santé sécurité, de deux représentants des ressources humaines, de la responsable formation, de la responsable de la flotte et de la risk manager. Le comité exécutif est également impliqué, ainsi que les directeurs de région susceptibles de déployer ensuite les préconisations définies par le siège », énumère Isabelle Fourtanet.
Avant tout, impliquer le management
L’implication au plus haut niveau se veut de fait indispensable, confirme Florence Mahoux-Boivin, directrice des assurances et présidente du comité de pilotage du risque routier du groupe pharmaceutique Ipsen, où un comité équivalent a été mis en place en 2010 : « Cela ne fonctionne pas sans un engagement fort de la direction. Chez Ipsen, celui-ci s’est matérialisé par une lettre diffusée à tous les collaborateurs. Elle rappelle les trois grands principes directeurs d’une démarche de prévention du risque routier : l’évitabilité, la responsabilité et l’implication », décrit la responsable.
Et ce n’est pas seulement la direction qui doit être partie prenante mais l’ensemble des membres du management : « Nous insistons beaucoup sur leur engagement, insiste Florence Mahoux-Boivin. Le management s’assure que les principes sont respectés et donne un cadre au collaborateur pour qu’il puisse les respecter », poursuit la responsable d’Ipsen. Inutile par exemple d’élaborer des campagnes de prévention sur l’usage du téléphone au volant si l’entreprise tolère les communications en interne avec les collaborateurs sur la route (voir le témoignage)…
Cette implication forte de la hiérarchie est à la mesure de la responsabilité de l’entreprise en cas d’accident. En effet, lors des déplacements du salarié au cours de ses missions, la responsabilité pénale et civile du chef d’entreprise est engagée. Ce dernier peut être jugé responsable en cas d’accident à la suite d’un défaut d’entretien du véhicule, d’une charge de travail excessive : long trajet, absence de pause ou exigence d’efficacité incompatible avec les conditions de circulation routière. Cette responsabilité du chef d’entreprise s’étend bien sûr aux VUL qui génèrent des risques spécifiques, liés à la conduite mais aussi à la bonne charge des matériels.
Dans une société comme Cemex, la démarche de prévention passe par une politique d’entretien des véhicules : « Nous demandons aux collaborateurs de respecter les règles d’utilisation des pneus hiver et été. Nous avons aussi revu l’équipement des utilitaires pour les adapter au métier », explique Stéphanie Godicheau, directrice santé sécurité.
Entretenir les véhicules, un impératif
Auparavant, les salariés de Cemex réalisaient eux-mêmes leurs aménagements. « Désormais, ces aménagements sont faits par des professionnels de l’équipement pour s’assurer que les arrimages sont corrects, poursuit Stéphanie Godicheau. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur l’équipement des poids lourds, avec des caméras et des radars pour détecter les usagers vulnérables : piétons, cyclistes, etc. », complète-t-elle.
L’entreprise n’est pas seulement responsable du salarié pendant les parcours qu’il effectue au cours de ses missions, mais aussi durant ses déplacements domicile-travail. Et le Code du travail considère que la notion d’accident de travail s’étend aux accidents qui se produisent sur le trajet entre le lieu de travail et la résidence du salarié, régulière ou occasionnelle, sauf si son déplacement a été interrompu pour une raison personnelle.
Tenir compte des trajets domicile-travail
Un détour nécessaire pour un covoiturage régulier entre ainsi dans le cadre du trajet professionnel. C’est aussi vrai des déplacements entre le lieu de travail et le restaurant, la cantine ou tout autre lieu où le salarié prend ses repas. Tout comme des trajets réalisés jusqu’au domicile après des pots d’entreprise.
Après une première phase de recensement des risques, la seconde consiste à déployer les mesures de prévention ad hoc. « Chez Cemex, un guide du conducteur est remis à chaque titulaire d’un véhicule de fonction, avec un ensemble de préconisations : sur l’organisation des déplacements, les numéros à appeler en cas de sinistres. Et ce guide est remis avec un engagement du salarié à respecter les conditions d’utilisation du véhicule », indique Isabelle Fourtanet.
Cemex a aussi établi un suivi des accidents quand ils se produisent. « Un entretien d’analyse post-accident se tient avec le responsable et sa hiérarchie. Pour revenir sur les conditions de l’accident, faire ressortir son caractère évitable. Une fiche est ensuite rédigée et les données sont récupérées dans un outil informatique pour une analyse globale de tous les sinistres », explicite Isabelle Fourtanet.
Enfin, Cemex a lancé différentes formations : sur route pendant des journées spécifiques, sur simulateur lors de journées de sensibilisation ou encore en e-learning. Cela va de pair avec des piqûres de rappel régulières sur le thème de la sécurité routière (voir le témoignage). « Dans la newsletter interne, nous faisons paraître des articles sur les risques routiers : sur l’interdiction de l’oreillette au volant, ou des conseils sur la conduite en milieu urbain, comme regarder dans son rétroviseur quand on tourne », illustre Stéphanie Godicheau.
Autre solution, limiter les trajets
Enfin, la sécurité routière est améliorée par des politiques maison qui là encore mobilisent l’ensemble des responsables de Cemex : sur l’usage du téléphone ou sur le développement d’alternatives aux déplacements. « Nous avons déployé la visio-conférence dans les sièges régionaux puis dans les agences commerciales, surtout pour une réunion de moins d’une demi-journée », indique Stéphanie Godicheau.
Reste que si l’entreprise peut s’engager dans la prévention, c’est le collaborateur qui reste responsable en cas d’infractions au Code de la route. À défaut de pouvoir contrôler la conduite du salarié, l’entreprise peut néanmoins prendre des mesures dissuasives suite à une verbalisation.
À moins que le contrevenant soit directement interpellé par les forces de l’ordre, quand par exemple une infraction liée à la vitesse est commise, l’entreprise reçoit l’avis de contravention et plusieurs solutions se présentent.

Première d’entre elles : dénoncer le salarié qui prend en charge la responsabilité légale et pécuniaire de l’infraction. Mais dans les petites entreprises, « quand les salariés s’entendent bien avec leur employeur, il arrive que le salarié règle la contravention sans qu’il soit nécessaire de le dénoncer. Il paie alors le timbre-amende employé pour le règlement », note maître Jean-François Changeur, spécialiste en droit pénal routier.
Amendes : qui est responsable ?
L’employeur peut également payer l’amende sans rien demander au salarié. « Dans les deux cas, le Conseil d’État rappelle que l’employeur peut perdre des points sur son permis en qualité de représentant légal », précise toutefois l’avocat.
Autre solution possible : l’entreprise peut argumenter qu’elle ne savait pas qui était au volant de la voiture et verser une consignation pour un montant de 68 euros. « L’entreprise n’est alors pas coupable mais redevable pécuniairement. Aucun point n’est enlevé et aucune sanction de suspension n’est possible », poursuit Jean-François Changeur.
Mais cette dernière option peut impliquer un budget très important. « Si l’augmentation envisagée pour la consignation n’a pas eu lieu (la somme de 650 euros a été évoquée, NDLR), dans les faits, il y a bien eu une hausse. Quand l’officier du ministère public (OMP) reçoit le règlement, il renvoie généralement une ordonnance pénale, un jugement qui est déjà fait et mentionne le paiement d’une amende plus importante. Pour un excès de vitesse entre 0 et 20 km/h à l’heure, l’amende peut atteindre 200 euros. Les OMP ont sans doute reçu des instructions dans ce sens et les amendes devraient se généraliser », avance François Changeur.
Autant de raisons pour dénoncer les conducteurs fautifs : « À l’occasion de journées de sensibilisation des salariés pour lesquelles j’interviens, je rappelle aux salariés qu’ils ne sont pas couverts par leur entreprise. La dénonciation des salariés fautifs est une démarche normale et doit être encouragée parce que le recours à la consignation est coûteux pour l’entreprise », conclut François Changeur.
Dénoncer pour mieux responsabiliser
Et la plupart des entreprises suivent cet avis, même si certaines préfèrent éviter le terme de « dénonciation » : « Nous retournons systématiquement au Trésor Public les contraventions afin qu’elles soient adressées directement aux conducteurs concernés, explique Florence Mahoux-Boivin pour Ipsen. Nous estimons que c’est notre rôle de responsabiliser chacun. Au-delà de cette responsabilisation, il pourrait nous être reproché de ne pas avoir suffisamment alerté les conducteurs des dangers de la conduite. »
Car le rappel permanent des bons comportements de conduite constitue la clé d’un plan de prévention réussi. Et cette réussite peut se mesurer très concrètement : « Fin 2014, soit quatre ans après le lancement de la politique de prévention du risque routier, l’amélioration de nos résultats statistiques a permis de réaliser une économie de 20 % sur le budget assurance, outre potentiellement tous les sinistres corporels non survenus, se réjouit Florence Mahoux-Boivin. Le taux de fréquence a chuté de 23 points de 2010 à 2014, tandis que le coût moyen a diminué de 30 %. »
Un gain qui n’est jamais acquis définitivement prévient pourtant la responsable. Raison pour laquelle, en matière de prévention, « il faut toujours être créatif et rester vigilant », conseille-t-elle.