
Avec la gestion des flottes publiques, tout s’est accéléré dans les années 2000. « Des rapports ont mis en évidence la connaissance insuffisante, par les administrations, de leurs parcs et un manque d’efficience de leur gestion. Cette situation n’était certes pas l’apanage du public et elle rappelait les problématiques du privé », se souvient Sylvie Morello, cheffe de la Mission interministérielle pour la gestion du parc automobile (Mipa) au sein de la direction des achats de l’État.

Sylvie Morello reprend : « Il a donc été décidé d’améliorer la gestion...
Avec la gestion des flottes publiques, tout s’est accéléré dans les années 2000. « Des rapports ont mis en évidence la connaissance insuffisante, par les administrations, de leurs parcs et un manque d’efficience de leur gestion. Cette situation n’était certes pas l’apanage du public et elle rappelait les problématiques du privé », se souvient Sylvie Morello, cheffe de la Mission interministérielle pour la gestion du parc automobile (Mipa) au sein de la direction des achats de l’État.

Sylvie Morello reprend : « Il a donc été décidé d’améliorer la gestion des parcs avec quelques objectifs : diminuer le volume global de véhicules, établir des règles claires pour affecter des véhicules individuels et généraliser l’externalisation de l’entretien-maintenance. Nous avons ensuite élargi le périmètre aux établissements publics comme les agences régionales de santé ou l’Office national des forêts. »
La Mipa donne le rythme…
Les conséquences ne se sont pas fait attendre. Aujourd’hui, le parc de l’État comprend environ 65 à 67 000 véhicules contre 110 000 en 2008, avec quelque 2 500 agents publics impliqués (pas à plein temps) dans la gestion de flotte. Et via les circulaires de 2010, 2012, 2015 et 2017, la Mipa continue à donner le tempo. À noter que les circulaires de 2015 et 2017 ont mis l’accent sur la baisse des coûts et le verdissement des flottes, mais aussi sur la mutualisation des véhicules. Un dernier objectif qui passe par le développement des parcs partagés entre administrations, voire par la centralisation des achats et le renouvellement des véhicules à l’échelle départementale et/ou régionale.
Pour rappel, cette politique lancée par l’État concerne la fonction publique d’État au travers des parcs des ministères. Les gestionnaires de flotte ont donc l’obligation d’acheter leurs véhicules via l’Ugap (Union des groupements d’achats publics). À noter que les entreprises publiques peuvent gérer leur parc en dehors des différentes circulaires. Existent aussi les flottes des collectivités locales qui font partie de la sphère publique mais sans les contraintes de la Mipa, avec souvent des garages intégrés à gérer. Sans oublier les flottes de la fonction publique hospitalière, très similaires en fonctionnement à celles des collectivités locales.
Au cours des années 2010, les décisions de la Mipa ont doucement mais sûrement infusé dans l’ensemble du secteur public. L’idée de moderniser et d’optimiser les flottes fait maintenant consensus, tout comme celle d’y intégrer la dimension environnementale en imposant, lors des renouvellements, 50 % de véhicules à faibles émissions dans les parcs de l’État.
… et les collectivités suivent
« Nous nous calons sur ces décisions interministérielles et nous sommes en train de nous équiper en électrique : nous visons 80 % de véhicules de ce type. Nous n’avons certes pas d’obligations liées aux décisions de la Mipa mais nous les appliquons car tout ce qui entraîne des économies est bien considéré par la direction », confirme Eddy Burckhart. Ce gestionnaire est en charge du parc du centre hospitalier Philippe Pinel d’Amiens, soit 97 véhicules légers, un poids lourd et quatre tracteurs.
Les changements impulsés par la Mipa ont aussi touché les responsables de parc eux-mêmes. L’idée est de disposer de meilleurs gestionnaires au niveau le plus élevé pour une connaissance renforcée des marchés et une possibilité accrue de négocier. « Plus on a de véhicules, plus on développe de connaissances métier, plus on est un client respecté », rappelle Sylvie Morello pour la Mipa.
« Avant l’action de la Mipa, la gestion de flotte du public – c’était à peu près pareil dans le privé – constituait souvent une voie de garage, pointe Olivier Rigoni, formateur et fondateur du cabinet de conseil Cogecar, mais aussi élu à la mairie d’Issy-les-Moulineaux (92). L’action de la Mipa a imposé une professionnalisation et une reconnaissance du métier. » Conséquence : le gestionnaire doit dorénavant connaître son environnement économique, les achats et le financement des véhicules.
En imposant une gestion de la flotte, la Mipa a aussi « officialisé » le métier de gestionnaire. Elle en a défini les contours et lui a donné une véritable existence en tant que métier en lui fournissant un cadre avec des fonctions : pilotage-coordination de la gestion des flottes et mises en œuvre des actions avec, dans le futur proche, une mission de gestion de la mobilité, de l’analyse, de l’évaluation et de l’animation d’un réseau de gestionnaires de terrain.

Les missions d’Agnès Brottes, référente régionale de la flotte à la préfecture de la région Grand Est, peuvent préfigurer le travail de tous les futurs responsables de parc du public. « À mon niveau, je n’effectue pas de gestion de parc opérationnelle. Je mets en place notre stratégie globale et décline les orientations nationales en autant d’objectifs régionaux, départementaux et locaux », précise cette responsable à la tête de 1 200 véhicules répartis en une centaine de pools.
Agnès Brottes a aussi un rôle d’animation du réseau des gestionnaires de parc opérationnels : « Ainsi, mon principal travail consiste à expliquer comment nous allons réduire le nombre de véhicules et comment nous allons les répartir par service. Par exemple, dans une ville comme Strasbourg avec 1 500 agents, nous avons 200 véhicules garés sur un parking mais que personne ne mutualise » (voir aussi l’article).
La gestion de flotte se redessine

« Le gestionnaire de flotte se professionnalise de plus en plus, appuie Hervé Foucard, ingénieur et chef du STAM (Service technique des transports automobiles municipaux) de la mairie de Paris. Il doit être en mesure de rationaliser le parc en utilisant le carburant le plus propre possible. On ne peut plus être un touche-à-tout. Le gestionnaire est désormais un expert dans son domaine, qui doit discuter avec la direction financière et les ressources humaines », expose ce responsable de 2 709 véhicules motorisés, 189 vélos à assistance électrique, 338 vélos classiques et… une vingtaine de trottinettes.

Autre illustration de cette évolution avec Cyrille Collet, ingénieur de formation et directeur logistique de Nantes Métropole et de la ville de Nantes : « La notion de performance de notre service devient très importante. En qualité de service, nous traitons nos collaborateurs comme des clients. Conséquence : le rôle de gestionnaire de parc évolue, passant de technicien à manager à la tête d’une flotte, de relations, d’un budget, d’hommes et de femmes. Cela implique aussi une hausse du niveau d’études. Aujourd’hui, le minimum requis est le bac + 2 », explique ce responsable qui dirige 90 salariés et gère 1 650 véhicules.
Le technicien se transforme en manager
Ce passage du rôle de technicien à celui de manager reste assurément le changement le plus marquant pour le gestionnaire de flotte public. Un changement notamment accentué par la raréfaction, voire la disparition à terme des ateliers intégrés. Si le mouvement est déjà enclenché dans la fonction publique du périmètre de la Mipa, ces ateliers demeurent encore nombreux dans les collectivités locales et les hôpitaux, avec une partie technique importante comprenant de la réparation, de l’entretien, du travail de carrosserie, voire de la gestion de pompes à essence.
Mais lorsque ces ateliers auront cessé leurs activités, il reviendra aux gestionnaires de flotte de quitter la sphère du garage et de la voiture pour devenir des contrôleurs de gestion, avec des compétences passant de la technique automobile à la connaissance des logiciels de gestion de parc, des pratiques des loueurs et des différents prestataires.
Ce qui n’est pas toujours le cas maintenant. « Le parc public se compose de véhicules achetés à 75 %, avec peu d’externalisation et de nombreuses tâches à faible valeur ajoutée, alors que le responsable de flotte devrait se concentrer sur la mutualisation, la gestion, les nouveaux gisements d’économies, la maîtrise des dépenses, l’électrification, etc. », argumente Stéphane Spitz, directeur général adjoint de Public LLD (Arval), qui défend son métier de loueur.
Mais changer la gestion de sa flotte du tout au tout n’a rien de simple. « Il faut adapter son mode de financement à la nature de son parc, avec l’idée que plus l’on fait de kilomètres, plus la LLD est intéressante », poursuit Olivier Rigoni pour Cogecar.
La longue route de l’achat à la LLD
Un raisonnement qui demande de se pencher sur le coût total de possession, avec des calculs complexes à la clé. Sans oublier que la LLD ne concerne pas les véhicules de l’État : « Le recours à l’achat mutualisé auprès de l’Ugap s’inscrit dans le cadre de la politique de gestion du parc automobile et demeure la seule règle d’acquisition », stipule la circulaire de 2017.

La réduction de la taille des flottes publiques est donc en cours – le parc de l’État a quasiment été divisé par deux en dix ans. Et il n’est pas le seul à avoir été revu à la baisse : « Ma mission est d’optimiser l’argent public en diminuant la taille de notre parc par la mutualisation. Depuis 2014, nous avons supprimé 125 véhicules. Nous souhaitons aussi externaliser une partie de la flotte et nous nous rapprochons de l’agglomération pour mutualiser les achats », confirme Thierry Gaudineau de la mairie de Cannes.
Moins de véhicules et moins de gestionnaires ?
Directeur du parc roulant et de la propreté urbaine, Thierry Gaudineau gère 450 véhicules avec 20 agents dont un gestionnaire de parc. Son travail vise aussi à limiter l’empreinte carbone de la flotte « avec l’acquisition de véhicules électriques, au gaz naturel de ville, hybrides, hydrogène, ou encore avec l’achat de vélos à assistance électrique. Bref, nous avons pris connaissance de toutes les bonnes idées issues des décisions de la Mipa et les avons appliquées », reprend Thierry Gaudineau. En soulignant aussi « que l’on se dirige vers une diminution du nombre de gestionnaires de flotte mais avec une augmentation de leur pouvoir. » « Cette politique entraîne une baisse certaine du nombre des responsables de parc, valide Jean, ancien gestionnaire de flotte d’une grande région française, qui préfère ne pas être cité. Dans mon ancienne région, je supervisais onze salariés. On m’a demandé de supprimer 20 % de mes effectifs pour les transférer vers la production. »
Ses nouvelles fonctions se veulent emblématiques des métiers à venir du gestionnaire : Jean s’occupe de la mobilité d’un grand organisme français parapublic avec 1 000 véhicules pour 55 000 collaborateurs. « Il faut que les gestionnaires s’orientent vers la gestion de la mobilité, de l’automobile au billet de train en passant par la location de la chambre d’hôtel. L’avenir est de positionner le client-collaborateurs au centre des préoccupations de la gestion de flotte. Soit une révolution copernicienne à effectuer dans certains cerveaux… Mais je leur conseille de s’y mettre. Cette révolution se fera avec ou sans eux », conclut ce responsable.
Un métier en transformation
Cheffe de la Mission interministérielle pour la gestion du parc automobile (Mipa) de l’État, Sylvie Morello ne dit pas autre chose : « La volonté de gérer les parcs à l’échelle régionale va s’intensifier. Il sera recommandé d’intégrer les notions de mobilité dans la gestion de son parc. Ce qui signifie que le gestionnaire de flotte ne s’occupera plus seulement de voitures mais d’un service consistant à transporter des collaborateurs via la location courte durée, les deux-roues, les transports en commun, l’utilisation de moyens audiovisuels au lieu de déplacements, etc. C’est la transformation de demain », anticipe Sylvie Morello. Le message est clair.
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