En matière d’acquisition de nouveaux comportements de mobilité, les structures publiques sont en partie guidées par les circulaires de 2015 et 2017 sur la gestion des flottes de l’État. Deux circulaires successives qui ont orienté les administrations vers la mutualisation de leurs véhicules, l’acquisition de modèles propres ou encore la réduction des dépenses liées à leurs parcs.
Pour nombre d’administrations cependant, des initiatives similaires avaient déjà été prises à travers l’élaboration de leurs plans de déplacement d’administration (PDA). Des plans lancés dans la continuité des lois sur l’air, dite loi LAURE dès le milieu des années...
En matière d’acquisition de nouveaux comportements de mobilité, les structures publiques sont en partie guidées par les circulaires de 2015 et 2017 sur la gestion des flottes de l’État. Deux circulaires successives qui ont orienté les administrations vers la mutualisation de leurs véhicules, l’acquisition de modèles propres ou encore la réduction des dépenses liées à leurs parcs.
Pour nombre d’administrations cependant, des initiatives similaires avaient déjà été prises à travers l’élaboration de leurs plans de déplacement d’administration (PDA). Des plans lancés dans la continuité des lois sur l’air, dite loi LAURE dès le milieu des années 90, ou de la loi sur le renouvellement urbain, dite loi SRU en 2000, et qui impliquait les collectivités dans l’organisation des déplacements locaux.
Concernés par ces lois, les établissements publics ont eux aussi pris l’initiative de se pencher sur les trajets de leurs agents : « Après un diagnostic, nous avons élaboré un plan d’actions en 2009-2010. De cette époque date la création du poste de conseiller en mobilité du CHU de Bordeaux en 2011 », indique Cécile Saez, la titulaire de ce poste.
Dans un établissement public comme la Caisse des Dépôts, la réflexion sur les déplacements des salariés a elle démarré dans la continuité de l’Accord de Paris sur le climat de 2015. Au sein de cette institution financière, les initiatives sont nombreuses pour faire évoluer la mobilité des agents. La flotte de l’institution compte environ 400 véhicules qui servent notamment pour circuler entre les différents sièges de l’institution financière publique : à Paris mais aussi à Angers et Bordeaux.
Parmi les initiatives prises pour en limiter l’usage, l’institution expérimente la création de « tiers lieux ». Avec cette solution testée en région parisienne, ce sont les bureaux qui se rapprochent des agents afin de leur éviter de se rendre jusqu’au siège parisien de l’entreprise. « C’est une création à titre expérimental, à Arcueil, où des surfaces étaient disponibles, explique Jean-François de Caffarelli, chef de projet plan de mobilité d’entreprise de la Caisse des Dépôts. Le tiers lieu se substitue au bureau habituel, un jour par semaine, pour des collaborateurs habitant à proximité et ayant accepté de tester ce mode de travail. »
Des tiers lieux pour la Caisse des Dépôts
Ce tiers lieu ne profite pour l’instant qu’à une demi-douzaine d’agents. « Nous voulions voir comment cela pouvait fonctionner : pour le maintien des liens avec les équipes malgré l’éloignement, sur les aspects techniques, etc., justifie Jean-François de Caffarelli. Et en fonction des résultats, nous pourrions multiplier ces tiers lieux afin de limiter les trajets des agents une partie de la semaine. » Et la finalité de ces implantations reste limitée à cet aspect prévient le responsable : « Dans ces tiers lieux, nous n’avons pas les mêmes approches que les start-ups par exemple, qui elles cherchent des endroits ouverts pour échanger. Compte tenu de la nature de nos activités, nous devons pour notre part tenir compte de contraintes de sécurité et de confidentialité plus fortes. » Pour faire évoluer les mobilités la Caisse des Dépôts s’oriente également vers un autre levier d’action plus répandu dans les administrations : le télétravail. L’institution financière a établi en 2011 une charte de télétravail après quatre années d’expérimentation.
Le télétravail se fait sa place
Ce mode d’organisation du travail se développe aussi dans des établissements publics comme le CHU de Bordeaux. L’hôpital bordelais compte sept sites répartis sur quatre communes de la métropole et environ 14 000 salariés. Le premier plan de mobilité a été élaboré en 2009, ce qui offre aujourd’hui un certain retour d’expérience. Depuis novembre 2016, le télétravail a ainsi été expérimenté au CHU de Bordeaux, d’abord par des professionnels des domaines administratifs. « L’objectif est de travailler sur des dossiers de fond, des appels à projets ou des comptes rendus de réunion », détaille Cécile Saez. Cette population a ensuite été élargie à des postes de responsabilité : « Plus récemment, des cadres de santé ont rejoint la démarche, avec une régularité de deux jours par mois, pour s’extraire du service et traiter des parties administratives parfois difficilement réalisables lors de la présence dans leurs services. »
Comme dans le secteur privé, ce dispositif est encadré par une négociation interne. « L’exercice en télétravail se formalise par une décision administrative qui en définit les conditions », précise Cécile Saez. Cet encadrement permet de prévoir la fréquence de jours où le télétravail peut être pratiqué. « La régularité est majoritairement hebdomadaire, sur un ou deux jours par semaine », complète la responsable (voir le témoignage).
Le covoiturage cherche à s’imposer
Autre levier pour modifier les modes de déplacement et qui peut avoir un impact direct sur la flotte des administrations : le covoiturage. Dans les entreprises d’État et les collectivités, les obstacles au covoiturage sont semblables à ceux rencontrés par les entreprises privées : volonté de rester seul dans sa voiture pour les auto-solistes et difficulté d’accorder ses horaires avec d’autres agents.
« Ainsi, à la Caisse des Dépôts, les freins au covoiturage sont entre autres des appréhensions quant à la fiabilité du système et l’envie d’être tranquille dans sa voiture », pointe Jean-François de Caffarelli. Et comme dans le privé, la solution pour développer la pratique passe par l’élargissement de la solution aux personnels d’autres entreprises ou d’administrations afin de multiplier les solutions de transport.
Pour capter cette population, les entreprises publiques et les collectivités se tournent vers les solutions locales promues par leur département ou leur région. « Le CHU de Bordeaux adhère à la plate-forme de covoiturage de la Gironde, note Cécile Saez au CHU de Bordeaux. En rendant leurs annonces de covoiturage visibles par la communauté du CHU de Bordeaux ou à l’extérieur, cette plate-forme met en relation nos agents en interne et avec des employés d’entreprises de proximité. »
Dans le centre nucléaire de production de Gravelines (59) d’EDF, 3 000 personnes travaillent sur le site quotidiennement, soit 1 000 salariés d’EDF et 2 000 salariés de prestataires. Là aussi, c’est un opérateur local qui a finalement été choisi pour le covoiturage.
Mutualiser les ressources
« Avec nos voisins industriels (Arcelor, Dillinger Hütte, etc.), nous voulions soit investir dans un outil de covoiturage, soit nous adosser à un outil existant », retrace Valérie Tordeur, la cheffe de mission ancrage territorial du centre nucléaire. L’application Pass pass covoiturage, développée par la région des Hauts-de-France, a été retenue. « Elle va aider à mutualiser nos ressources, notamment avec le port de Dunkerque voisin a ouvert dans l’application une communauté pour la zone portuaire où nous sommes situés. Nous en faisons la promotion auprès des salariés pour avoir plus d’utilisateurs, gage d’efficacité », ajoute la responsable.
Autre solution pour limiter les trajets domicile-travail : le vélo. Pour ce mode de transport, l’élaboration des plans de déplacement est un préalable indispensable pour apprécier l’opportunité de sa promotion. « Pour nos salariés, le vélo est un moyen de déplacement pertinent : 51 % d’entre eux habitent à Gravelines, soit dans un rayon de moins de 7 km », souligne Valérie Tordeur.
Le vélo électrique fait son entrée
Constat semblable à la Caisse des Dépôts : « Une proportion importante de nos collaborateurs habitent à moins de 5 km de leurs bureaux », avance Jean-François de Caffarelli. Qui mise sur la diffusion de ce mode de transport dont la pratique se développe chez les salariés : « Sur notre site bordelais, une personne de la direction régionale a demandé un VAE de fonction en remplacement d’une voiture. À Angers où une partie de nos locaux va déménager, nous avons déjà deux VAE pour effectuer le trajet entre les deux sites, et nous allons en commander deux nouveaux. »
Pour encourager l’usage de ces deux-roues, la Caisse des Dépôts a déjà recours à l’indemnité kilométrique vélo. L’institution veille aussi à développer les aménagements ad hoc : « Nous avons construit des parkings vélos et des douches dans les locaux », indique Jean-François de Caffarelli.
Le développement de ce mode de transport est aussi soumis à l’assurance d’un trajet sécurisé pour les salariés : « C’est un sujet auquel il faut être attentif, relève le responsable de la Caisse des Dépôts. Notre plan de mobilité prévoit de partager des itinéraires testés par les collaborateurs. » Car c’est aussi un bénéfice de la réalisation des plans de déplacement : évaluer les conditions dans lesquelles les cyclistes peuvent effectuer leurs trajets quotidiens : « Nous avons écrit à la conseillère départementale pour améliorer l’aménagement de voies vélos », confirme pour sa part Valérie Tordeur pour EDF.
Les flottes en mode électrique
Enfin, dernier volet de l’évolution des mobilités dans les administrations publiques et non des moindres : la réflexion sur les flottes de véhicules. Celle-ci passe bien sûr par des moyens comme l’autopartage. « À la Caisse des Dépôts, nous allons lancer l’autopartage à Paris pour deux véhicules de service électriques, projette Jean-François de Caffarelli. Ces véhicules serviront pour des trajets intersites, par exemple lorsque des dossiers ou des objets volumineux devront être transportés. » Une intégration qui précède la diffusion à plus grande échelle de l’électrique au sein de la flotte. « Nous sommes soumis aux règles des structures publiques, rappelle Jean-François de Caffarelli : nous devons acquérir une part de 50 % de véhicules à faible émissions. Nous voulons “dédiéséliser“ le parc et aussi nous mettre en conformité avec la directive ministérielle. Nous y travaillons, notre programme lié à ces objectifs pour la flotte sera arrêté et planifié début 2019. »
Au centre nucléaire de Gravelines, l’électrique se veut une orientation logique pour la flotte (voir le témoignage). « Nous convertissons petit à petit les véhicules thermiques en électriques. La flotte compte actuellement 43 véhicules dont 16 électriques », décrit Valérie Tordeur. Ce développement de l’électrique a un effet d’entraînement sur les salariés. Enclins par leur environnement de travail à s’orienter vers ce type de véhicules, leur intérêt est conforté par l’implantation de structures de recharge sur le site. « Nous en avons 38 sur nos parkings à l’extérieur, pour ceux qui viennent en électrique, et quinze dans le site », dénombre la responsable. Des infrastructures qui permettent aux 60 à 70 personnes qui ont déclaré utiliser un véhicule électrique lors de l’enquête de mobilité de 2017, de recharger leurs batteries pendant la journée. « Aujourd’hui, nous pensons qu’une centaine de salariés vient en électrique. »
Aider les salariés à s’équiper
Pour encourager cet usage, EDF a négocié il y a deux ans un accord à l’échelle nationale pour des tarifs préférentiels sur la Nissan Leaf, avec jusqu’à 14 % de réduction pour les salariés. Un autre argument pour faire évoluer la mobilité des agents.
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