
Alors que la route est à l’origine de près de la moitié des accidents mortels liés au travail dans l’ensemble des secteurs d’activité, la première cause, dans le BTP, reste les chutes de hauteur (32,6 %). Les entreprises du secteur auraient cependant tort de banaliser les risques liés aux véhicules et à la conduite qui représentent 12,5 % des accidents mortels au travail. « C’est la partie visible de l’iceberg car les accidents de trajet ne sont pas toujours pris en compte. Pourtant, ils pèsent pour plus de 80 % des accidents mortels de trajet dans le BTP », souligne Julien Tonner, ingénieur conseil au pôle risques physiques et...
Alors que la route est à l’origine de près de la moitié des accidents mortels liés au travail dans l’ensemble des secteurs d’activité, la première cause, dans le BTP, reste les chutes de hauteur (32,6 %). Les entreprises du secteur auraient cependant tort de banaliser les risques liés aux véhicules et à la conduite qui représentent 12,5 % des accidents mortels au travail. « C’est la partie visible de l’iceberg car les accidents de trajet ne sont pas toujours pris en compte. Pourtant, ils pèsent pour plus de 80 % des accidents mortels de trajet dans le BTP », souligne Julien Tonner, ingénieur conseil au pôle risques physiques et technologiques de la Cramif (Caisse régionale d’Assurance Maladie d’Île-de-France).
« Les employeurs pensent à vérifier que l’employé à son CACES (Certificat d’aptitude à la conduite en sécurité) pour manœuvrer une mini-pelle mais se posent rarement la question de son aptitude à conduire un VUL. On oublie trop souvent que le VUL est un outil de travail et que conduire reste un acte de travail. Généralement, les entreprises réagissent après un accident », indique Pascal Coldefy, directeur du centre de formation Formatruck et collaborateur du prestataire La route pour tous.
« L’entreprise appréhende mal ce risque routier qui, au-delà de la gravité d’un dommage corporel, peut avoir des conséquences dramatiques sur ses performances économiques en raison de la perte de marchandises, de la perte d’un client, de la gestion administrative liée à l’accident », ajoute Julien Tonner. D’où l’importance du document unique d’évaluation des risques professionnels qui, aux dires des experts, n’existe pas ou n’intègre pas le risque routier dans 70 % des petites entreprises…
L’entreprise doit intégrer le risque routier
« Prendre en compte ce risque implique un certain nombre de questions sur la capacité des salariés à la conduite, sur l’organisation du travail et des trajets, sur la gestion du parc et son entretien, sur les protocoles de communication pour éviter l’usage du téléphone portable au volant », précise Daniel Casteran.
Ce directeur de la réglementation et des libertés individuelles à la préfecture des Landes est notamment l’initiateur de trophées de la sécurité routière avec une catégorie entreprises. Et il rappelle la responsabilité des chefs d’entreprise en la matière : une responsabilité à la fois civile et pénale si un manque de prévention est établi.
« Dans le domaine du BTP, l’exposition au risque routier est multiple. Les véhicules sont multiformes et multifonction, ils transportent matériel, matériaux et salariés sur les chantiers », note Julien Tonner. Côté charges, « il ne faut pas remplir le véhicule mais le charger en respectant sa charge utile et en assurant une bonne répartition et un arrimage efficace. Outre les risques de sécurité et d’éclatement des pneus, la surcharge pèse sur la périodicité de l’entretien et la consommation de carburant », poursuit-il.
Une forte exposition aux dangers de la route
Enfin, le mauvais entretien est souvent mis en cause. « L’employeur doit penser à définir un protocole pour vérifier l’entretien correct des véhicules dont celui des pneus », reprend Daniel Casteran.
Alors qu’elle a remporté les trophées de la sécurité routière en 2011 dans la catégorie des sociétés de moins de 50 salariés, l’entreprise landaise Sud Réseaux du groupe Cotrelec fait figure de bon élève. « Chaque véhicule possède un livret spécifique, rangé à la même place quel que soit le véhicule. C’est important pour contrôler l’entretien et, en cas d’accident, pour faciliter les constats. La maîtrise du risque routier passe tout d’abord par un engagement fort de la direction. C’est un enjeu à la fois pour les salariés, l’entreprise et aussi pour toutes les parties intéressées », explique Didier Mara, responsable QHSE de cette société de 300 salariés. Basée à Mont-de-Marsan, Sud Réseaux est spécialiste des réseaux aériens et souterrains, et des aménagements urbains. Et Didier Mara n’hésite pas à procéder à des contrôles d’alcoolémie sur les chantiers. Une pratique tout à fait autorisée « à condition que l’employeur l’inscrive au règlement intérieur et dans les contrats de travail, et en informe le personnel », rappelle Daniel Casteran.
Parmi les causes des accidents, les petites entreprises poussent souvent jusqu’au bout des véhicules hors d’âge afin de les amortir, ce qui explique qu’un quart des VUL passés au contrôle technique ont été « retoqués » en 2012. « L’âge moyen des VUL s’élève à huit ans alors que près de 60 % du parc automobile a moins de quatre ans », remarque Pascal Coldefy.
Également parent pauvre pour la sécurité, le VUL a bénéficié, après les VP, de certaines options comme le GPS ou l’ESP. « Sur un échantillon de VUL récents et plutôt haut de gamme, la paroi de séparation n’est présente que dans 78 % des cas et pas toujours bien adaptée à la charge transportée. Seuls 57 % des VUL sont équipés d’un airbag conducteur et 10 % d’un airbag passager », constate Pascal Coldefy pour Formatruck.
Pour inverser la donne, la CNAMTS (Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés) a proposé pendant quatre ans une aide financière simplifiée à l’achat ou à la location d’un VUL neuf et équipé de six équipements de sécurité : antiblocage des roues (ABS), aide au freinage d’urgence, contrôle électronique de la stabilité, airbags passagers, cloison de séparation et points d’arrimage conformes aux normes en vigueur, limiteur de vitesse. Ce coup de pouce de 2 500 euros s’est terminé le 15 octobre.
Subventionner la sécurisation des utilitaires
Dans un premier temps, cette aide a été conditionnée à une formation subventionnée de deux jours sur les différents aspects des utilitaires, puis celle-ci est devenue facultative. « Nous avons ainsi accompagné 5 000 entreprises qui ont eu la possibilité d’acheter jusqu’à dix véhicules. Parallèlement, l’un de nos objectifs était d’inciter les constructeurs à améliorer leur offre en termes d’équipements », rappelle Julien Tonner.
La Cramif a ajouté un petit plus en prenant en charge 50 % du coût d’un aménagement intérieur agréé et 70 % du coût de la formation d’un salarié, condition obligatoire, dans la limite de 2 000 euros par entreprise pour chacune de ces deux aides.
Le caractère obligatoire de la formation, dans la première phase de l’aide à l’acquisition d’un VUL équipé, a conduit l’association GP2R (Groupement des préventeurs du risque routier) à établir un référentiel de formation. « Il y a eu un effet d’accélérateur sur les formations et une homogénéisation de l’approche qui inclut la conduite mais surtout l’organisation des déplacements, l’entretien du véhicule et son chargement« , indique Julien Tonner. Plus de 15 000 heures de formation ont été dispensées dans ce cadre.
Former les salariés aux utilitaires
« Il est difficile de monter une formation globale sur moins de deux jours. Depuis qu’elle est devenue facultative, certains la proposent sur une journée mais il faut alors faire un choix entre la partie conduite et l’usage du VUL », regrette Alain Duneuf-Jardin, secrétaire général d’ECF et vice-président de GP2R.
Les experts insistent sur la sensibilisation à l’emploi du VUL, à son entretien, à la répartition des charges – en évitant de mettre le plus lourd à l’arrière – et à l’arrimage. De fait, les outils rangés en vrac peuvent devenir de dangereux projectiles en cas de choc. « À 100 km/h, un tournevis se transforme en un objet de 18 kg », souligne Pascal Coldefy. Qui milite pour un certificat d’aptitude à la conduite d’un VUL et une formation continue obligatoire, à l’instar de celle pour les poids lourds. Un projet qui ressort régulièrement des cartons ministériels mais n’a jamais abouti.
Responsable QSE (qualité-sécurité-environnement) au sein de Sadrin-Rapin, Isabelle Mariette fait partie des adeptes de la formation à l’éco-conduite : » Nous avons fait passer une formation d’une journée aux trente chefs d’équipe, puis aux autres salariés. Au départ, nous visions surtout les questions de sécurité routière mais nous avons ajouté un module d’éco-conduite sur simulateurs. Une conduite plus apaisée a un impact sur la sécurité », remarque Isabelle Mariette.
Géoloc et éco-conduite : l’avenir ?
Implanté au Mans, spécialiste du bâtiment et du génie civil, Sadrin-Rapin compte 110 salariés pour une flotte de quarante véhicules (30 VUL et 10 VP).
Même écho chez Midali, une entreprise familiale de BTP basée à Theys en Isère, qui rassemble 110 salariés et une soixantaine de véhicules. Midali a choisi deux formations différentes : une demi-journée pour l’ensemble des salariés avec des exercices concrets derrière le volant et une formation plus poussée pour les chefs d’équipe, les gros rouleurs. « L’effet a été significatif sur la consommation de carburant mais aussi sur l’accidentologie. Mais il ne faut pas oublier les piqûres de rappel tous les trois à quatre mois », insiste Stéphane Midali.
« Il n’existe pas de formation type, pointe de son côté Alain Duneuf-Jardin pour ECF. Ces formations sont volontaires, à la différence de celles qui concernent les conducteurs de poids lourds. Et dépendent des objectifs du chef d’entreprise : accidentologie, réduction des coûts d’assurance, diminution de la consommation de carburant, etc. Le chef d’entreprise est prescripteur et attend une certaine performance. »
Le chef d’entreprise est donc impliqué dans la démarche et les formateurs d’ECF demandent à ce qu’il soit présent durant une partie de la formation. « Elle est alors plus efficace car le dirigeant donne une certaine impulsion reconnue par les collaborateurs », estime Alain Duneuf-Jardin. En outre, il appréhende mieux ses responsabilités et son rôle dans l’organisation du travail et des trajets, en matière d’équipements et d’aménagement des véhicules.
Selon le responsable d’ECF, « il existe des différences notables entre les formations à la sécurité routière – axées sur les distances de sécurité, les manœuvres ou les changements de direction – et l’éco-conduite. Dans le second cas, il s’agit plus d’une formation basée sur des gestuelles afin d’obtenir une conduite plus économe en carburant. Avec rapidement des gains de 15 à 30 % sur le carburant. Les efforts menés sur la sécurité routière s’évaluent à plus à long terme », rappelle Alain Duneuf-Jardin.
Pour sa part, Pascal Coldefy insiste sur le rôle de la télématique embarquée. « Les entreprises apprécient de savoir où sont les véhicules et les salariés de disposer de remontée de données. Cet outil est souvent la porte d’entrée à une formation. Aux constructeurs de se positionner« , lance-t-il. « Nous testons la géolocalisation. Les conducteurs se sentent plus contrôlés et ils ont tendance à lever le pied », apprécie Jean-Baptiste Bellochio, directeur général de Minich SAS, spécialiste du génie électrique et énergétique.
La sécurité au volant passe aussi par un grand nombre de petites actions. Chez Sadrin-Rapin, des ateliers sont organisés autour de thèmes comme l’alcoolémie ou les constats. « Aux chefs d’équipe, nous donnons aussi des documents qu’ils doivent commenter avec leurs collaborateurs. Nous sommes certifiés et la sécurité constitue un enjeu majeur. Mais pour atteindre cet objectif, il faut convaincre chaque collaborateur à titre personnel », indique Isabelle Mariette.
La tolérance zéro fait aussi partie des bonnes pratiques, notamment pour les téléphones portables. Les responsables d’entreprise sont de plus en plus stricts sur les infractions : « Le salarié paie son PV et perd ses points. C’est une politique stricte. Nous avons à peine 5 PV par an mais si nous couvrions les salariés, nous en aurions cinq par semaine !« , tranche Jean-Baptiste Bellochio pour Minich SAS.
En cas d’accident, piqûres de rappel et retours d’expérience sont toujours utiles. « Nous avons eu deux accidents en douze ans. Le dernier s’est produit à 7 heures du matin. Le conducteur s’est assoupi alors qu’il transportait quatre personnes. Les cinq personnes ont eu droit à une formation supplémentaire d’une journée et le compte-rendu sur les causes de l’accident et les moyens qui auraient permis de l’éviter a été envoyé à tout le personnel. Cela marque« , relate Jean-Baptiste Bellochio. Un contre-exemple à suivre.