
Pour préserver la sécurité de leurs conducteurs, les TPE seraient 38 % à mener un plan de prévention du risque routier, selon le dernier baromètre Arval Mobility Observatory. Une proportion faible alors que le risque routier constitue une des premières causes de décès dans le cadre professionnel. Pour rappel, selon le ministère du Travail, les accidents de la route ont généré, en 2020, 31 % des accidents du travail mortels.
On constate pourtant un engagement fort de certains patrons de petites entreprises. C’est notamment le cas des dirigeants de TPE qui ont été sensibilisés à la sécurité routière de par leurs parcours. Chez CEPI (Centre...
Pour préserver la sécurité de leurs conducteurs, les TPE seraient 38 % à mener un plan de prévention du risque routier, selon le dernier baromètre Arval Mobility Observatory. Une proportion faible alors que le risque routier constitue une des premières causes de décès dans le cadre professionnel. Pour rappel, selon le ministère du Travail, les accidents de la route ont généré, en 2020, 31 % des accidents du travail mortels.
On constate pourtant un engagement fort de certains patrons de petites entreprises. C’est notamment le cas des dirigeants de TPE qui ont été sensibilisés à la sécurité routière de par leurs parcours. Chez CEPI (Centre européen de peinture industrielle) Peinture par exemple, l’implication de Jean-Michel Pinel trouve son origine en partie dans son expérience professionnelle. « Lors du rachat de CEPI Peinture, j’avais derrière moi vingt ans à un poste de directeur de région dans une multinationale où la sécurité était une priorité. À mon poste, la première de mes missions était de m’assurer de la sécurité des collaborateurs et cela dans le contexte d’une démarche RSE », retrace ce dirigeant.
Cet engagement est resté présent lorsque Jean-Michel Pinel a pris la tête de CEPI Peinture en 2015, une entreprise de douze salariés. Et la rédaction du document unique (D.U.) a confirmé que le risque lié aux déplacements s’imposait comme un sujet à traiter en priorité. Sa dangerosité passait avant même le travail en hauteur ou la manipulation de produits dangereux, des activités quotidiennes pour les salariés. CEPI Peinture est en effet spécialiste des installations de cloisons et plafonds de salles propres ou de salles blanches, pour les industries agroalimentaire ou pharmaceutique.
Le D.U. comme point de départ
Ces compétences pointues amènent les salariés à parcourir de grandes distances : « Nous sommes basés en Bretagne à Briec (29) mais notre champ d’action est la France entière et les pays limitrophes : nous pouvons intervenir en Belgique en Suisse ou en Irlande », détaille Jean-Michel Pinel. L’analyse des risques pour le D.U. n’a pas été le seul indicateur à l’alerter sur le risque routier. Lorsqu’il a repris l’entreprise, il a aussi constaté que les distances parcourues allaient de pair avec de trop nombreux PV pour excès de vitesse.
À la tête de la TPE de maçonnerie et de génie civil Dreneri Bâtiment depuis 2013, Estelle Girault a, elle, été sensibilisée à la sécurité routière en amont de sa prise de fonctions. « Lorsque j’ai intégré mon master II en QSE en alternance au sein de Dreneri Bâtiment, il me revenait de choisir une thématique pour mon mémoire de fin d’année. Il m’a paru essentiel de travailler sur le risque routier, thème d’actualité à l’époque et perçu comme un risque majeur lors de la mise à jour du D.U. », rappelle la dirigeante de cette entreprise implantée à Thierville-sur-Meuse (55).
Le passage au plan d’actions
Aujourd’hui, Dreneri Bâtiment rassemble quinze salariés, avec une flotte d’une trentaine de véhicules et engins dont trois poids lourds, six pelles ou mini-pelles et une dizaine de véhicules légers. Mais lorsqu’Estelle Girault en a pris la direction, l’entreprise comptait alors une trentaine de salariés. « La sécurité routière était un sujet qui n’était pas beaucoup évoqué alors qu’il y avait beaucoup de frais liés à la réparation et à l’entretien des véhicules et de nombreux PV, aussi bien pour des excès de vitesse que pour l’usage du téléphone au volant, le défaut du port de ceinture ou la surcharge et le mauvais arrimage des matériels », décrit cette dirigeante.
Chez Dreneri Bâtiment aussi, la rédaction du D.U. est venue confirmer la nécessité de prévenir le risque routier. « J’ai commencé par faire un état des lieux de la situation, puis j’ai lancé quelques actions. La première a été de faire en sorte que la direction s’implique dans tout ce qui concernait ce risque, avec un objectif de zéro accident voire de zéro frais », poursuit Estelle Girault.
Sur la base de ces constats, chaque entreprise développe des mesures adaptées aux spécificités de ses déplacements, de ses conducteurs et de ses véhicules. Chez CEPI Peinture, la maîtrise du risque routier est passée par une implication forte de la direction pour remettre à plat la question de la prise en charge des temps de mission.
Repenser les trajets
« Pour améliorer les comportements routiers, il m’a semblé important que le temps de trajet fasse partie du temps de travail. Je souhaite que les salariés pensent autant à leur sécurité sur la route qu’à leur poste de travail, expose Jean-Michel Pinel. Et je les rémunère à 100 % du salaire lors de leurs trajets en grand déplacement alors que ce taux dans le BTP est de 50 %. » Ces dispositions contribuent à limiter les déplacements dans l’urgence. Car pour Jean-Michel Pinel, les bouchons sur la route ne doivent pas devenir un prétexte à des excès de vitesse. « J’ai beaucoup insisté auprès des salariés sur ce point : s’il y a un retard en raison de bouchons sur la route, il faut appeler le client pour le prévenir », relève-t-il.
Compte tenu des distances importantes parcourues par ses salariés, Jean-Michel Pinel a aussi convenu avec eux qu’ils n’effectuent pas de trajets de nuit, avant ou après une journée de travail. « Ils partent le lundi, ils ont toute la journée pour arriver sur le chantier et ne commencent que le mardi matin. Il n’y a pas de départs le dimanche au détriment de la vie personnelle et pas de risques d’accident avec des départs très tôt le lundi matin pour être sur le chantier de bonne heure », explique-t-il. Sur des chantiers éloignés, il peut donc arriver que les salariés de CEPI Peinture ne soient présents que du mardi au jeudi. Un mode de fonctionnement rendu possible par la spécificité du savoir-faire de son entreprise qui la met à l’abri de la concurrence, reconnaît Jean-Michel Pinel.
Inclure les clients
« J’ai réussi à le faire accepter à mes clients et je leur ai rappelé qu’ils étaient aussi responsables des accidents de trajet lorsque mes salariés se rendent sur leurs chantiers », complète ce chef d’entreprise. Qui insiste aussi sur la nécessité d’annoncer en amont les plannings, dès le vendredi pour la semaine suivante, afin de laisser aux salariés la possibilité de s’organiser. Un délai utile pour préparer leur voyage et réserver un hôtel si nécessaire.
Dans les TPE, la sensibilisation à la question de la sécurité routière passe aussi par des échanges réguliers avec les salariés et des campagnes d’information. Jean-Michel Pinel a ainsi récemment signé la charte des « Sept engagements pour une route plus sûre » (voir l’encadré ci-dessous). En s’impliquant dans ce dispositif, l’entreprise a bénéficié de supports de communication qu’elle a diffusés dans ses locaux. Cette campagne se prolonge par des discussions en interne autour du thème de la sécurité routière. « Tous les ans, nous tenons une réunion avec les salariés pour évoquer les résultats de l’entreprise et nous abordons la sécurité routière, nous faisons un bilan des excès de vitesse et des contraventions », indique Jean-Michel Pinel.
Chez Dreneri Bâtiment, Estelle Girault organise des quarts d’heure sécurité pendant lesquels est expliquée l’importance du respect des règles au quotidien : sur l’usage du téléphone, la ceinture de sécurité, etc. Ces « causeries » sont complétées par des entretiens post-accident si besoin. Cette dirigeante a en effet endossé le poste de référent routier. « À chaque fois qu’un véhicule est impliqué dans un accrochage, je fais un tour du véhicule avec le conducteur pour constater les dégâts et je reviens avec lui sur les causes de l’accident », note Estelle Girault.
Les échanges avec les salariés constituent aussi un levier pour mieux faire accepter une démarche de prévention qui peut engendrer des résistances si elle est mal comprise. « Pour mettre en place la politique de prévention routière, un premier questionnaire a circulé pour demander aux salariés leur nombre de kilomètres parcourus. Beaucoup l’ont pris comme un prétexte à la surveillance de leurs déplacements », retrace Estelle Girault pour Dreneri Bâtiment.
Échanger avec les conducteurs
Après ce premier état des lieux, cette responsable a lancé une campagne d’affichage sur des thèmes comme l’alcool ou les drogues au volant, qui a contribué à accoutumer les salariés aux mesures de prévention. « J’ai aussi créé des autocollants collés à l’intérieur sur les pare-brise afin de rappeler l’interdiction de téléphoner, la ceinture obligatoire et le respect des vitesses autorisées. Je me suis beaucoup inspirée des documents de la CRAM ou de l’OPPBTP (Organisme professionnel prévention bâtiment travaux publics) », souligne Estelle Girault.
Chez Radeau, une entreprise de portage de repas à domicile qui compte une dizaine de chauffeurs, un plan de communication a été lancé pour interdire le téléphone au volant. « Au début, nous nous adressions aux conducteurs par SMS. Maintenant, nous le faisons par le biais d’une application totalement neutre et développée en interne, qui ne dérange pas le chauffeur en situation de conduite », détaille Rémy Collot, le dirigeant de cette entreprise basée à l’Est-Var (83). Et les véhicules, qui sont amenés à rouler 40 à 150 km par jour, sont bridés à 110 km/h.

Le levier de la télématique
En matière de prévention routière, la télématique se veut un autre moyen d’agir. « Tous nos véhicules en sont équipés », avance Jean-Michel Pinel pour CEPI Peinture. Ce dispositif est employé par la responsable des RH pour établir les feuilles d’heures des techniciens sur les chantiers. Et par extension, il sert à pointer ceux qui ont utilisé leurs véhicules de nuit sur de longues distances.
Chez Radeau, les véhicules sont aussi géolocalisés. La télématique est complétée par l’application évoquée plus haut qui permet de mieux suivre l’état du véhicule. « Quand il y a un souci, une panne liée à une crevaison ou un problème du groupe froid, l’agent de portage appuie sur une touche de sa tablette. Son véhicule est ainsi géolocalisé et identifié, et l’assistance du loueur et le bureau Radeau sont prévenus », rappelle Rémy Collot. Chez Radeau, les six Fiat Doblo équipés de caisses réfrigérées sont conduits par plusieurs salariés. « Avant de prendre la route le matin, le salarié indique son numéro de véhicule afin d’identifier ce véhicule au salarié, complète Rémy Collot. Il indique les informations sur le kilométrage et sur l’état du véhicule, des pneus, etc. Il peut aussi signaler des incidents comme un défaut de clignotant et des ampoules grillées. Le bureau est alors prévenu et le loueur Petit Forestier également. »
Dans une entreprise comme Dreneri Bâtiment, le déploiement des équipements de sécurité ne se limite pas aux véhicules. Dans un futur proche, Estelle Girault prévoit aussi de réaménager les espaces de stationnement de manière à mieux identifier les espaces piétons et véhicules. Des pratiques qu’elle souhaiterait voir mieux appliquer sur les chantiers où elle a elle aussi l’occasion de se rendre avec les camions de son entreprise.
Des pistes à suivre
« Mais c’est très difficile à mettre en place sur les chantiers », regrette cette responsable. Certaines entreprises, et pas les plus petites, n’ont parfois pas la même volonté d’améliorer la sécurité routière, remarque-t-elle. Un constat que reprend bien volontiers Jean-Michel Pinel. Lui souligne que des entreprises avec lesquelles travaille CEPI organisent des réunions dès 7 h 30 sur les chantiers. « Avec de tels horaires, difficile d’enchaîner dans de bonnes conditions le trajet pour se rendre sur le chantier et le travail de la journée », déplore ce responsable.
Si les petites entreprises sont peu nombreuses à se pencher sur la question de la sécurité routière, leur taille réduite aide leurs dirigeants à ne pas perdre de vue les implications très concrètes des mesures de prévention au quotidien.