Solutions de gestion des poids lourds : en mode électrique

Avec l’avènement d’une électromobilité du transport de fret liée à l’autonomie et à la recharge du véhicule, la gestion du transport dépend de l’énergie dont bénéficie le véhicule pour ses missions. Ce qui donne aux constructeurs et à leurs systèmes embarqués le contrôle des solutions de la gestion du transport.
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Dachser : gestion énergétique du véhicule durant le trajet
Dachser : gestion énergétique du véhicule durant le trajet

La place croissante de l’électromobilité modifie les données du transport de fret. Les tournées de livraisons ne se calculent plus du client le plus proche du terminal routier au plus lointain, avec le fret le plus lourd pesant sur l’essieu tracteur, et retour. Avec l’électrique, priorité est donnée au dépôt des frets les plus lourds à l’aller pour réduire la consommation. Inversement, la ramasse du fret s’effectue du plus léger au plus lourd, et du plus lointain au plus proche du terminal. Et l’ensemble des opérations se définit selon un schéma intégrant la totalité de l’autonomie du véhicule, en incluant recharge rapide en cours de route, récupération d’énergie cinétique, éco-conduite et gestion du trafic.

L’électrique en temps réel

Dès lors, avec sa communication en temps réel du kilométrage, de la réserve électrique disponible, des performances de conduite et des incidents de parcours internes ou externes, l’informatique embarquée des constructeurs peut sécuriser l’ensemble de l’opération, prenant l’ascendant sur les solutions rapportées des SSII du marché. Pour optimiser les tournées, les logiciels de géolocalisation ou TMS de SuiviDeFlotte, AddSecure, Geotab, Webfleet ou Ekolis, présentent toujours des avantages. Mais les constructeurs de PL suivant au plus près les évolutions de leurs véhicules électriques, ces prestataires interviennent sous leur tutelle. En effet, les constructeurs ont tous développé des services complets pour leurs clients afin d’anticiper et leurs besoins en électromobilité. Chez Renault Trucks, l’offre E-Tech inclut « des conseils en réseau, en décarbonation, en utilisation des véhicules, en services d’entretien, en infrastructures de recharge et en assistance aux conducteurs et en maintenance. » MAN, lui, propose aux exploitants des flottes les conseils des experts de MAN Transport Solutions pour les questions de planification des ressources, d’infrastructure de recharge, de gestion des batteries et d’entretien et de rentabilité.

Conseil et formation

Pour sa part, Daimler Truck ajoute une formation TruckTraining sur l’eActros et son ePowertrain, afin d’apprendre à conduire en économisant l’énergie ou en la renouvelant. Volvo Trucks complète ces conseils par des logiciels calculant si la tournée peut s’effectuer en Volvo Electric et avec quel modèle. DAF mise sur des formations en électricité et diagnostic pour les techniciens. Enfin, tous les systèmes embarqués des constructeurs : Fleetboard de Volvo Trucks, Multimedia Cockpit de Daimler Truck et autres, peuvent surveiller l’évolution des tournées et l’autonomie du véhicule.
Sans en produire les modules, la production restant asiatique, les constructeurs s’efforcent aussi d’améliorer les performances des batteries, en assemblant les packs de batteries dans leurs usines. À partir des modules du fabricant chinois CATL, Daimler Truck fabrique par exemple ses propres packs dans son Competence Center for Emission-free Mobility (KEM) de Mannheim depuis 2019. Le groupe Volvo Trucks, lui, produit les batteries de ses véhicules et de ceux de Renault Trucks à Gand, en Belgique, et bientôt à Skaraborg, en Suède, en vue de les associer à une pile à combustible à hydrogène. Sa filiale Volvo Connected Energy travaille sur leur réemploi et leur recyclage.

Maîtriser les batteries

De son côté, MAN a démarré la construction d’une usine de batteries haute tension pour PL à Nuremberg. Son objectif : mener, de 2023 à 2027, des recherches sur la chimie et le développement des cellules, l’assemblage, la sécurité et le recyclage des batteries, pour augmenter leur durée d’usage. avec à terme la production de 100 000 packs par an d’ici 2025. Depuis 2022, Scania possède son laboratoire de batteries où il étudie leurs performances entre - 40 °C et + 70 °C, et le moyen d’optimiser les durées de vie. Objectif : faire rouler des camions lourds dès 2023, puis faire fonctionner les batteries jusqu’à 1 kWh, ce qui leur assurerait une durée de vie illimitée. En 2023, Scania devrait adjoindre à ce laboratoire une chambre climatique pour étudier l’évolution des blocs complets de batteries.
Toutes ces initiatives ont amélioré l’autonomie des PL électriques. En deux ans, Daimler Truck a fait passer son eActros d’une autonomie de 200 à 300 km avec trois packs de batteries, et à 400 km avec quatre packs. Destiné aux activités urbaines, le Volvo FL est passé de 120 à plus de 160 km, tout comme le Renault Trucks Z.E. E-Tech. Le tracteur DAF, prévu pour un PTRA de 44 t, a bondi de 120 à 200 km en deux ans, et atteint 500 km après une recharge rapide intermédiaire.

Station de recharge multi-bornes  de Daimler Truck
Station de recharge multi-bornes de Daimler Truck

L’autonomie progresse

Par l’ajout de batteries, Scania a étendu l’autonomie de ses porteurs BEV urbains à 250 km, les rendant exploitables toute la journée, et celle de ses tracteurs BEV à 350 km pour 40 t de charge, et à 250 km pour 64 t de PTR. Scania précise que cette performance tient aussi aux capacités de recharge plus rapides et plus puissantes, et à l’amélioration de la chaîne cinématique par l’usage d’une triple chaîne cinématique électrique. Iveco a démarré en juin 2022 un plan de production de nouveaux modèles de batteries pour lesquels l’énergéticien ENI prépare des bornes. S’ajoutent à ces efforts ceux des industriels comme Plastic Omnium qui, en rachetant Actia Power, s’est assuré de proposer des composants électroniques et des batteries novatrices. Siemens, ABB ou LG Energy Solutions et Proterra produisent des blocs de batteries toujours plus performants.

La recharge en question

Les constructeurs se sont aussi impliqués dans la recharge. Début 2022, Volvo Trucks, Daimler Truck et Traton ont finalisé la création de Cell-Centric, une coentreprise qui participera au financement des 1 700 stations publiques de recharge pour PL, que l’UE veut construire d’ici 2027. Pour illustration, Mercedes Benz Trucks a inauguré à Wörth, en août 2022, une première station pour PL. Cet eTruck Charging Park regroupe six bornes de différents fournisseurs, avec des puissances de 40 à 300 kW ; elle préfigure les stations implantées d’ici 2027 dans les zones logistiques et sur les nœuds routiers internationaux pour accueillir tous les types de PL électriques. D’ici là, les stations devraient s’équiper d’une borne MCS (Megawatt Charging System) d’une capacité de 1 MW pour une recharge ultrarapide.
Mais comme le note le transporteur Day and Ross : « La recharge sur site est la seule option possible car les bornes publiques pour les véhicules moyens et lourds ne sont pas une option fiable. » Les constructeurs ont donc noué des accords avec des fournisseurs pour installer leurs bornes dans les sites de leurs clients. Avec ABB E-Mobility, MAN travaille justement à adapter la recharge MCS à ses nouveaux modèles électriques, attendus pour 2024, afin qu’ils disposent de 600 à 800 km d’autonomie.

Recharger en roulant

Mais la recharge électrique peut aussi venir d’autres sources énergétiques et d’autres fournisseurs. La plus immédiate reste la récupération de l’énergie cinétique ou de roulage pour la redistribuer sous forme électrique au pack de batteries. Tous les constructeurs prévoient cette option, mais les fabricants des chaînes de transmission comme ZF, SAF-Holland et Allison Transmission commercialisent en plus des essieux électriques, dits e-Axles, qui génèrent une puissance supplémentaire grâce à leurs moteurs. Les essieux eGen Power 100D et 130D d’Allison apportent ainsi 200 kW de puissance et supportent respectivement des charges à l’essieu de 10,4 et 13 t. ZF met aussi en avant des e-fluides destinés avec ses transmissions électriques. SAF-Holland a débuté la production d’essieux électriques étudiés pour capter l’énergie du freinage régénératif et pour assister la traction. BPW, lui, a créé son système AxlePower qui convertit l’énergie cinétique de l’essieu de la semi-remorque en électricité emmagasinée dans une batterie haute tension.

Prolonger l’autonomie

Pour 2023, l’américain Hylion a préféré développer l’Hypertruck ERX, un prolongateur d’autonomie basé sur un générateur linéaire qui fournit de l’électricité à partir de la chaleur produite par le carburant liquide ou gazeux : biocarburant, biogaz, éthanol ou hydrogène. Le PL y gagnerait plusieurs centaines de kilomètres d’autonomie. Moyennant un investissement préliminaire, les transporteurs peuvent aussi alimenter leurs stations privées à l’énergie éolienne avec le fabricant Kallista Energy, ou à l’électricité photovoltaïque ou géothermique, tout en diminuant leur facture énergétique.

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