
Indéniablement un sujet d’actualité… malheureusement pour de mauvaises raisons : Alexandre Rochatte, adjoint au délégué à la Sécurité et à la Circulation Routières, l’a relevé au début des débats : si les statistiques des accidents de la route se sont améliorées jusqu’en 2013, elles n’ont cessé de se dégrader depuis. Et celles de ce début 2016 ne montrent pas une inversion de la tendance.
Les entreprises participent de ce triste bilan, a relevé le représentant de l’État. En rappelant que les accidents de la route se produisent en majorité pendant les horaires de déplacement domicile-travail, entre 7 h 00 et 9 h 00 le matin et après 18 h 00. A...
Indéniablement un sujet d’actualité… malheureusement pour de mauvaises raisons : Alexandre Rochatte, adjoint au délégué à la Sécurité et à la Circulation Routières, l’a relevé au début des débats : si les statistiques des accidents de la route se sont améliorées jusqu’en 2013, elles n’ont cessé de se dégrader depuis. Et celles de ce début 2016 ne montrent pas une inversion de la tendance.
Les entreprises participent de ce triste bilan, a relevé le représentant de l’État. En rappelant que les accidents de la route se produisent en majorité pendant les horaires de déplacement domicile-travail, entre 7 h 00 et 9 h 00 le matin et après 18 h 00. Alexandre Rochatte a ainsi estimé à 500 le nombre annuel de décès liés à des trajets professionnels. L’amélioration des comportements routiers des professionnels se veut donc un véritable enjeu pour le gouvernement qui souhaite atteindre l’objectif de moins de 2 000 morts sur les routes à l’horizon 2020.
Comme en ont témoigné les intervenants à cette table ronde, le gouvernement pourra s’appuyer sur les entreprises qui ont déjà pris la mesure du risque routier, avec des mesures à la clé. « Dans les années 80, nous pensions que le risque routier était une fatalité, qu’il n’était pas possible d’avoir une influence dessus », a reconnu Francis Bergeron, DRH de SGS, présent dans cette entreprise depuis une trentaine d’année.
Des entreprises en pointe sur le risque routier
Au sein de ce groupe de 2 800 salariés, spécialisé dans les analyses, les inspections et la certification, le parc compte environ 1 400 véhicules dont 1 150 véhicules de service et 250 VP. « Le risque routier concerne deux tiers de vos collaborateurs », a insisté Francis Bergeron. Ces derniers parcourent en moyenne 30 000 km par an.
Depuis les années 80, SGS a considérablement amélioré les statistiques de sa sinistralité : l’entreprise ne compte aucun accident mortel depuis 25 ans et son accidentologie recouvre désormais essentiellement de petits accrochages. Les accidents corporels se limitent à une douzaine par an.
Chez SGS, une meilleure organisation des trajets a contribué en partie à cette évolution. La stratégie a notamment consisté à prévenir les excès de vitesse grâce à une organisation renforcée des tournées, couplée à une baisse du nombre de visites quotidiennes. Et pour diminuer encore le nombre de kilomètres, les salariés rentrent chez eux avec leur véhicule, sans repasser par l’agence le soir. Enfin, l’entreprise a aussi réglementé l’organisation des pauses en cas de conduite longue, et développe des dispositifs comme la visio-conférence pour éviter les déplacements.
Autre démarche d’optimisation des tournées avec Danone produits frais France, à la tête d’une flotte de 414 véhicules de fonction. Daniel Rosenberger, coordinateur santé sécurité à la direction commerciale de Danone produits frais France mais aussi référent sécurité pour le groupe, a pointé que ce travail sur les tournées avait contribué à réduire de 400 km par mois les tournées des salariés. « Une réduction de l’ordre de 10 %, obtenue en trois ans, sur une moyenne mensuelle de 3 000 km », a-t-il complété.
Des déplacements à réorganiser
Une particularité de Daniel Rosenberger : il a auparavant enseigné dans un centre d’éducation routière et il est titulaire du BAFM (Brevet d’Aptitude à la Formation des Moniteurs d’enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur). Ce qui lui a permis de former quinze personnes à la conduite en interne, qui disposent d’un temps spécifique pour cette mission, intégrée dans leurs fonctions. « Elles étaient volontaires et nous avons audité leur conduite pour retenir des formateurs exemplaires », explique-t-il.
Chez Engie Cofely, les tournées sont « optimisées à la source », a indiqué pour sa part Thierry Drai, directeur outil et méthodes d’exploitation. La flotte des techniciens itinérants rassemble 3 400 véhicules dont 90 % de petits utilitaires. Les salariés se déplacent pour des interventions de maintenance ou des opérations d’urgence. C’est sur leur Ipad qu’ils sont informés, en fin de semaine, de la tournée de la semaine suivante.
« La plupart des techniciens réalisent ces tournées séquencées à la journée, heure par heure », a noté Thierry Drai. Selon lui, l’outil a généré un recul des kilomètres parcourus d’environ 15 %, et a évité par ricochet un accident par semaine. Pour limiter encore le risque, ces tournées sont prévues de manière à ce que les première et dernière interventions soient situées au plus proche du domicile des techniciens. Le bénéfice n’est pas seulement mesurable sur l’accidentologie mais aussi sur la qualité de travail : « Soulagés de la charge de l’organisation des tournées, les salariés peuvent se concentrer sur les interventions », a avancé Thierry Drai.
Suivre les conducteurs et les véhicules
Chez Orange, les actions s’orientent plutôt sur le suivi des comportements de conduite et de l’état des véhicules. « Sur les 20 500 véhicules de l’opérateur, 12 500 sont équipés en télématique, sans géolocalisation », a précisé le directeur de la gestion des véhicules, Patrick Martinoli.
Sur ce total, environ 10 000 sont pourvus d’une première génération d’outil télématique pour remonter uniquement le kilométrage. Et depuis 2014, 2 500 véhicules PSA et quelques modèles Renault sont équipés sur leur bus CAN d’un outil télématique pour remonter la consommation, le kilométrage, les niveaux d’huile, d’eau, la pression des pneus, mais aussi signaler la date et le kilométrage pour la prochaine maintenance. Une centaine de véhicules sont aussi dotés d’un outil d’éco-conduite, avec un suivi des accélérations fortes et des virages brusques.
Pour baisser la sinistralité, le suivi des comportements de conduite et de l’état des véhicules est une autre piste à suivre, mise en avant par les participants à cette matinée. Les constructeurs sont bien sûr partie prenante de cette évolution, comme l’a indiqué Pierre-Édouard Appeyroux, responsable du département marketing produit voitures de Mercedes-Benz France. Le constructeur a annoncé, à l’occasion de ce débat, la commercialisation de l’outil de gestion de flotte Mercedes Connect pour la fin de l’année. « Un système qui remontera des éléments techniques comme la pression des pneus, avec aussi un service d’optimisation des tournées », a décrit Pierre-Édouard Appeyroux.
Car pour le suivi des véhicules, du comportement de conduite comme pour l’organisation des tournées, la télématique joue un rôle de plus en plus incontournable. Elle permet par exemple de remonter les informations à exploiter dans le cadre d’un suivi de la pratique de l’éco-conduite par les salariés.
La télématique, un investissement à penser
Pour Stéphane Schriqui, directeur commercial de TomTom Telematics, l’impact de tels dispositifs est indéniable, même s’il est difficile d’apprécier avec précision leur retour sur investissement. Bénéficier d’informations par items (accélérations, vitesse en courbe, freinages brusques, etc.) participe à mieux connaître le comportement sur la route du salarié par ses supérieurs.
Ces informations peuvent également servir pour une émulation vertueuse entre conducteurs, avec le lancement de challenges d’éco-conduite. Autant de mesures qui ont des répercussions positives sur les statistiques de sinistralité. À condition bien sûr que la nature de ces données soient suivies en interne, a ajouté Stéphane Schriqui : « Un chef de projet doit être en charge de la solution pour suivre les performances d’éco-conduite des salariés. »
Avec ces formations, les loueurs ont aussi leur rôle à jouer. Frédéric Martino, responsable du département prévention des risques routiers d’Arval, a ainsi évoqué l’un de ses clients et sa flotte de 3 500 véhicules. « Grâce aux données de la sinistralité recueillies sur plusieurs années, nous avons pu identifier 400 conducteurs à risques, auteurs à eux seuls de 18 % des accidents. La formation qui leur a été dispensée a amené à diviser la fréquence des accidents par trois sur deux ans et demi, et à la ramener à 7 % », a relaté Frédéric Martino.
Chez Engie Cofely, les salariés sont sensibilisés à l’éco-conduite par des stages réguliers. Et si les comportements de conduite ne sont pas ensuite suivis avec la précision d’un outil télématique, tous les accidents débouchent sur un entretien entre les salariés et leurs référents. Les accidents sont aussi discutés au cours de « causeries sécurité », organisées régulièrement en interne.
Savoir conduire… le changement
Pour conclure ce débat, c’est Thierry Drai qui a mis en exergue le dénominateur commun aux mesures évoquées par les intervenants. Pour le responsable d’Engie Cofely, l’amélioration des comportements routiers en entreprise relève de « la conduite du changement ». Une expression du vocabulaire managérial, qui donne la mesure de la tâche à accomplir : « Changer les comportements routiers, c’est changer les comportements humains », a résumé Thierry Drai. Sur ce sujet, la route est longue…