
Intitulée « Le TCO dans tous ses états », la conférence-débat organisée par Flottes Automobiles a réuni trois gestionnaires de flottes aux profils variés. Angélique Pluta, chef du bureau des véhicules de la gamme commerciale au ministère des Armées ; Julien Pouymayon, responsable QSE et logistique flotte et bâtiment d’Avenel, une entreprise familiale du BTP qui intervient sur les installations électriques jusqu’aux travaux publics ; et Régis Tersiquel, responsable administratif et financier de Pygram, une PME informatique nantaise.
Tous trois étaient venus exposer leurs utilisations du TCO dans la gestion de parc à un public de responsables de flotte, dans le cadre de l’Automobile Club à Paris. Et aux côtés des intervenants, Barbara Gay, la directrice consulting d’Arval, apportait des éléments de mise en perspective. Car à ces trois gestionnaires correspondent aussi des flottes et des approches du TCO spécifiques.
Des flottes et des TCO divers
Au ministère des Armées, après la LLD et suite à une décision de la Cour des comptes, la flotte est en acquisition depuis deux ans. Elle compte au total 14 500 véhicules commerciaux sur un total de 18 000 : 60 % de VU, 40 % de VP, essentiellement des diesel mais aussi 443 modèles électriques et 275 hybrides. Chez Avenel, Julien Pouymayon gère, lui, 229 véhicules en LLD dont 70 % de VU. Régis Tersiquel, parmi ses autres tâches administratives chez Pygram, suit une flotte de 20 VP en LLD.

Point commun à ces trois gestionnaires : le TCO leur est un outil indispensable… qu’ils abordent tous trois différemment. Chez Avenel, Julien Pouymayon calcule le TCO de ses véhicules sur une base « théorique » : il s’agit d’un chiffre calculé en amont des dépenses. Ce TCO se compose du montant du loyer annuel, du budget assurance et entretien, de celui de la télématique embarquée et de la fiscalité. Est aussi intégrée une évaluation des budgets carburant et péage.
Au ministère des armées, le TCO est calculé sur la base des dépenses réelles engendrées par la flotte. Il prend en compte les amortissements sur cinq ou sept ans selon les modèles, le malus mais aussi les frais d’exploitation : carburant, frais d’entretien, pneus et enfin sinistralité. Des coûts « annexes » sont aussi intégrés : installation des bornes électriques, frais de parking, de gestion, logiciel de gestion de flotte, etc.
Un TCO « en briques »

Au sein du ministère, les coûts sont réunis en « briques ». La première inclut les coûts du véhicule : frais d’acquisition avec amortissement, valeur résiduelle, la seconde les frais d’exploitation : carburant, pneus, et la troisième la sinistralité. Une quatrième brique rassemble les coûts d’utilisation quotidienne : péages, parkings et lavage. Enfin, la dernière brique intègre l’ensemble des frais de gestion : ceux du prestataire de maintenance externalisée, des cartes carburant et de la recharge électrique, de la masse salariale et le coût du logiciel.
Pour Régis Tersiquel, le TCO est aussi contraint dans le cadre de la recension des dépenses réelles générées par le parc. Il intègre le loyer financier, les frais financiers et d’entretien, la consommation des véhicules, remontée grâce aux notes de frais des collaborateurs. Mais il ne prend pas en compte le carburant employé pour les déplacements privés, ni les pneus.
Pour le carburant en effet, une analyse des notes de frais des conducteurs amène à vérifier le rapport entre la consommation et les kilomètres parcourus pour les trajets professionnels. Quant aux pneus, ceux-ci ont été sortis des contrats de location et directement négociés avec le prestataire. Pour Régis Tersiquel, il n’y a donc plus d’intérêt à les intégrer dans le calcul du TCO.
Et quelle que soit la méthode de calcul, « il ne faut pas négliger d’y intégrer la fiscalité », a rappelé Barbara Gay en parallèle aux témoignages des gestionnaires. La directrice du consulting d’Arval a souligné que la fiscalité peut peser jusqu’à 20 % du TCO des véhicules.
Excel, l’outil roi des flottes
À ces trois approches du TCO correspondent des instruments de calcul finalement assez proches, détaillés par les trois professionnels. Au ministère des Armées, c’est un fichier Excel qui agrège les données d’un logiciel de flotte en cours d’intégration. Le logiciel intègre les frais d’acquisition des véhicules, pour l’instant manuellement, pour les modèles les plus anciens. Ces frais seront entrés automatiquement à l’avenir.
En plus de cet outil, une base Access répertorie les dépenses de maintenance liées à un prestataire afin d’en avoir le détail précis. Sur ce poste, la collaboration avec le prestataire de maintenance externalisée permet au ministère, avec une flotte en autoassurance, de séparer frais d’entretien et de sinistralité. Un élément essentiel pour le ministère : en retraçant ces dépenses dans le temps, Angélique Pluta peut réaliser des arbitrages sur certains postes de dépenses : pneus, vitrage, etc.
Chez Avenel, outre un fichier Excel, c’est aussi une base de données Access qui est exploitée pour gérer les contrats, le suivi kilométrique, et entrer les frais de location courte durée mais aussi les péages, le carburant et les PV.
Quant à Régis Tersiquel chez Pygram, c’est pareillement avec Excel qu’il calcule son TCO. Et ce responsable administratif et RH fait appel à cet outil pour gérer entre autres les bulletins de salaire.
Des actions diverses, un objectif partagé
Ces approches partagent bien sûr un but commun : optimiser le budget du parc. Et logiquement, la construction des TCO variant d’une flotte à l’autre, les cibles d’optimisation divergent. Pour les deux flottes en location de Pygram et d’Avenel, les pistes d’action s’orientent prioritairement vers la car policy.

Chez Pygram, l’étude du coût de l’assurance a conduit à constater que des véhicules étaient plus avantageux que d’autres : un Renault Trafic coûtait par exemple 35 % plus cher sur ce poste qu’un équivalent chez Nissan. Explication de l’assureur : le Nissan étant moins utilisé par les entreprises et donc moins sujet à des dégradations, il est de facto considéré comme moins accidentogène…
Autre évolution dans la car policy liée à cette étude du TCO chez Pygram : l’intégration de véhicules particuliers 5 places plutôt que des véhicules de société 2 places. Compte tenu de leur valeur de revente plus élevée, ces véhicules présentent un avantage sur le loyer et se veulent plus attractifs pour les salariés.
Chez Avenel, le calcul du TCO a aussi conduit à influencer la sélection des véhicules. Le gestionnaire peut désormais justifier des choix des modèles auprès des salariés. À l’un d’entre eux qui souhaitait un 3008, le gestionnaire a ainsi pu démontrer le coût supérieur par rapport à une Mégane.
Au ministère des Armées, le calcul du TCO tend plutôt à optimiser l’entretien. Le but est notamment, grâce à une meilleure connaissance des coûts liés aux usages, de mieux segmenter ensuite le parc. Et cette analyse des frais d’entretien va aider à déterminer les véhicules les mieux adaptés aux différents usages.
Le TCO, outil prospectif

De son côté, Barbara Gay pour Arval avançait que le calcul du TCO, au-delà des choix de modèles, allait aussi servir dans un futur proche à mener des arbitrages entre motorisations : « Aujourd’hui déjà, il est important de se poser la question de l’essence pour une loi de roulage inférieure à 20 000 km par an, et même jusqu’à 25 000 km par an pour les petits véhicules. »
Reste que si ces arbitrages peuvent paraître logiques pour l’entreprise, ils seront parfois ardus à justifier auprès des salariés : « Si le TCO d’un modèle essence est intéressant pour l’entreprise, il l’est moins pour un salarié qui l’utilise en vacances et qui doit payer le carburant », a pointé Régis Tersiquel pour Pygram.
Alors que la mise en place des plans de mobilité pour les entreprises de plus de 100 salariés se profile à l’horizon 2018, les gestionnaires de flotte vont logiquement se tourner vers une connaissance plus poussée des coûts liés aux déplacements de leurs salariés. Le TCO conducteur sera immanquablement un élément à prendre en compte dans le calcul du total TCM (Total Cost of Mobility) du personnel de l’entreprise.
Un thème d’avenir qui n’a pas manqué d’être débattu dans les salons de l’Automobile Club entre le public et les intervenants à la suite de cette conférence. Un sujet qui sera exploré prochainement dans nos colonnes.
Retour sur la conférence en vidéo :